Georges Vacher de Lapouge

De Metapedia
Aller à : navigation, rechercher

Georges Vacher de Lapouge, né en 1854 à Neuville-de-Poitou dans la Vienne et mort le 20 février 1936 à Poitiers dans la Vienne, est un anthropologue français qui a été magistrat, puis bibliothécaire et est un théoricien de l'eugénisme et une figure de l'anthroposociologie.

Georges Vacher de Lapouge

Socialiste marxiste militant, athée et anticlérical, il a été un des fondateurs du Parti ouvrier français de Jules Guesde, puis a rejoint la SFIO.

Georges Vacher de Lapouge, anthropologue racialiste et eugéniste

Théoricien d’une anthropologie racialiste et d’une politique eugéniste, Georges Vacher de Lapouge, athée, matérialiste et, pendant quelque temps, socialiste, se démarque de la droite nationaliste de son temps. Pourtant, c’est en elle qu’il suscita, en France, le plus grand intérêt, et c’est elle qui, plus tard, le sortit de l’oubli où il était tombé. Il exerça également une forte influence sur les courants nationalistes et pangermanistes d’outre-Rhin.

Georges Vacher de Lapouge vient au monde à Neuville-de-Poitou, dans la Vienne, le 12 décembre 1854. Il est le fils du marquis Pierre Célestin Vacher de Lapouge, receveur des contributions indirectes et de son épouse, née Marie-Louise Augustine Hindré, fille d’un chirurgien. Sa particule et son titre de noblesse (dont il ne tirera jamais vanité) ne doivent pas faire illusion : la famille est de condition modeste, quant à son patrimoine et à ses revenus.


LA DÉCOUVERTE DÉCISIVE DES ŒUVRES DE DARWIN ET SPENCER

Orphelin de père dès l’âge de onze ans, Georges est d’abord élevé par sa mère, qui assure elle-même son instruction élémentaire plutôt que de le faire instruire par l’école primaire locale. Il intègre ensuite le collège jésuite (1866-1868), puis le lycée (1868-1872) de Poitiers. Au lycée, son jeune professeur de philosophie, Louis Liard (qui sera beaucoup plus tard un des grands réformateurs de notre système d’enseignement supérieur) lui fait découvrir la pensée et les œuvres de Darwin et Spencer, prisées par les intellectuels novateurs, mais jugées encore sulfureuses par le pouvoir politique et les autorités académiques. Cette découverte marquera profondément le jeune homme et décidera de sa vocation d’anthropologue.


UN JURISTE ORIGINAL

Pourtant, pour des raisons familiales et pécuniaires, Georges, après son baccalauréat, opte pour des études juridiques à la Faculté de Droit de Poitiers. Brillant étudiant, il reçoit une médaille d’or (29 novembre 1877) pour une étude de 750 pages intitulée De la pétition d’hérédité, en laquelle se manifeste l’influence de sa connaissance des anthropologues britanniques. Cependant, c’est une thèse portant pour titre Théorie du patrimoine en droit positif généralisé qu’il soutient pour l’obtention de son doctorat en droit, en 1879. Là encore, l’influence de ses lectures britanniques apparaît, et Vacher de Lapouge dira plus tard de sa thèse qu’elle fut « la première apparition du droit biologique ».

Vacher songe à une carrière universitaire. Mais l’anthropologie occupe alors une place marginale dans les facultés, et est carrément intransposable dans les facultés de Droit.


PASSIONNÉ D’ANTHROPOLOGIE ET MU PAR LA FOI EN LA SCIENCE

Il intègre alors la magistrature, et devient substitut du procureur à Niort, en 1879. Dès l’année suivante, il accède aux fonctions de procureur, et est nommé au Blanc, dans l’Indre (1880-1881), puis à Chambon, dans l’Indre-et-Loire (1881-1883). Mais il ne se passionne pas pour son activité de magistrat. Celle-ci représente, pour lui, une lourde charge, indispensable pour vivre, mais qui constitue un obstacle à l’épanouissement de sa véritable vocation. S’accordant plus de liberté que de raison, eu égard à ses contraintes professionnelles, il continue à dévorer les livres de Darwin et Spencer, ceux de l’anthropologue anglais Francis Galton, ceux du biologiste allemand Ernst Haeckel et des anthropologues français Pierre Durand de Gros et Paul Topinard, avec lesquels il échange une abondante correspondance, ceux de Paul Broca et Clémence Royer, du botaniste Alphonse de Candolle. Il s’intéresse également à la politique. Sa passion pour la science, sa soif inextinguible de connaissance, lui insufflent une foi dans le progrès et l’avenir de l’humanité grâce au savoir et au développement de l’instruction au sein de la population. Républicain convaincu, nonobstant ses origines nobles, il soutient le cercle de la Ligue de l’Enseignement de la commune du Blanc, où, le 6 février 1881, il donne une conférence intitulée « Du rôle de l’instruction chez les peuples libres ».


UN INTELLECTUEL TROP DISPARATE ET ATYPIQUE POUR CONVENIR

À L’UNIVERSITÉ En mai 1883, il démissionne de ses fonctions. Son modeste patrimoine et ses économies ne suffisant pas pour vivre, il donne des cours particuliers. Disposant alors — dans d’assez tristes conditions — de temps pour continuer à s’instruire, il se lance dans les études les plus disparates. Il suit des cours de philologie et d’histoire (en langues assyrienne, égyptienne et hébraïque) à l’École pratique des Hautes Études, d’égyptologie à l’École du Louvre, de chinois et japonais à l’École des Langues orientales, de zoologie au Muséum d’Histoire naturelle et d’ethnologie à l’École d’Anthropologie. Curieuse- ment, il n’abandonne pas le domaine des études juridiques, et prépare l’agrégation de Droit public. Mais trop accaparé par ses multiples autres centres d’intérêt, et présentant un profil trop atypique au goût des juristes de l’Université, peu convaincus par ce magistrat démissionnaire qui se disperse largement ailleurs, il est recalé en 1884.


LE PÈRE D’UNE THÉORIE DE L’HISTOIRE ET DES SOCIÉTÉS FONDÉE SUR LA BIOLOGIE

Illustration de l'article de Rivarol sur Georges Vacher de Lapouge

Il effectue alors des recherches personnelles, qu’il expose en des articles dans des revues spécialisées : Revue générale du Droit, de la Législation et de la Jurisprudence, Nouvelle Revue historique de Droit français et étranger, Revue d’Anthropologie. Dans cette dernière, il introduit, en 1886, le mot eugénique (comme nom commun plus que comme adjectif), forgé directement à partir du mot eugenics créé par Francis Galton.

Mais il faut bien vivre, et Vacher de Lapouge ne peut se contenter des maigres sommes de ses élèves de cours particuliers. Ne pouvant devenir enseignant de faculté, il décide alors de devenir bibliothécaire d’université, ce qui présente l’avantage de le mettre au contact des livres savants et de ceux qui les écrivent. Il réussit à trouver un poste de sous-bibliothécaire à l’université de Montpellier en 1886. Par bonheur, il a conservé de bons rapports avec son ancien maître de philosophie du lycée, Louis Liard, devenu directeur de l’Enseignement supérieur. Grâce à son appui, il obtient l’autorisation d’ouvrir à la Faculté des Lettres de Montpellier un cours libre d’anthropologie, dès 1886. Sa leçon inaugurale, le 2 décembre 1886 s’intitule « L’anthropologie et la science politique », et se propose de refonder les sciences politiques et sociales à partir des conclusions récentes de la biologie. Avec Alfred Espinas, Gustave Le Bon et René Worms, Lapouge sera l’un des grands représentants du courant organiciste, qui entendait fonder la sociologie sur la biologie. Il déclare, en cette leçon : Les principes a priori des sciences sociales disparaissent […] sans retour devant la contradiction formelle de la biologie […]. La nouvelle science sociale, la politique ou la sociologie, sait emprunter à la biologie des lois qu’elle fait siennes. » Ces lois sont celles de l’hérédité et de la sélection, qui « donnent les raisons de l’évolution de l’humanité » (1). À un correspondant resté inconnu, il déclare dans un brouillon de lettre du 2 mars 1893 : La théorie des « sélections sociales » se propose d’« expliquer par des phénomènes de sélection toute l’évolution des sociétés ».

Selon Lapouge, les sociétés se meuvent et évoluent suivant des caractères biologiques, et plus précisément raciaux, et l’histoire consiste en une confrontation permanente des races, lesquelles luttent pour leur survie et leur expansion, et sont instinctivement rétives à une interpénétration mutuelle, le métissage ne pouvant produire autre chose que leur disparition. Il affirme, dans la même leçon : « L’histoire philosophique, telle qu’on la comprend chaque jour davantage, n’est pas autre chose que le procès-verbal de l’évolution de l’humanité, et de la lutte pour l’existence entre ses divers éléments. Chacun de ces éléments a des chances qu’il tient de ses qualités in- ternes. Il est probable que tel l’emportera, tel autre sera refoulé, tel autre éliminé. »(2) Par le terme d’“élément”, Lapouge entend clairement la race. Il ajoute, en effet, à titre d’exemple : « suivant que les milieux diffèrent, les chances d’un même élément varient. Ainsi l’élément blond a été écrasé en France : très nombreux à l’époque gauloise, il s’est maintenu en décroissant dans les familles aristocratiques et dans certaines masses de populations ; il est presque éliminé aujourd’hui par la prédominance du type brachycéphale dans les croisements, et par l’effet des conditions de milieu, qui favorisaient la race brachycéphale. En Angleterre, c’est l’inverse qui s’est produit, et l’élément brachycéphale a presque disparu. La lutte inconsciente des races explique l’histoire presque entière de ces deux pays, et jusqu’à la Révolution française, suprême et victorieux effort des populations touraniennes [“touranien” qualifie ici les éléments d’origine asiatique, c’est-à-dire la “race alpine”]. Sur un théâtre plus large et dans des conditions différentes, la même lutte est favorable aux blonds, et l’hégémonie militaire et économique est entre les mains des populations aryennes de l’Allemagne du Nord, de l’Angleterre et des Etats-Unis. »(3)

Lapouge ne définit pas la race par la couleur de la peau, mais par la taille, la couleur des yeux et des cheveux, et surtout la forme de la tête. Celle-ci est dolicocéphale (à la tête allongée) ou brachycéphale (à la tête relativement large et courte). Ces trois critères lui permettent de distinguer plusieurs races qui entrent, suivant des proportions variables, dans leur composition des divers peuples. En Europe, ils déterminent l’existence de trois types raciaux :

Homo europœus L : il s’agit de la race nordique, dite aussi aryenne ou kymrique, dolicocéphale, caractérisée aussi par l’élévation de la taille, la blancheur de la peau et la blondeur de la chevelure

Homo Alpinus L : il s’agit de la race alpine, brachycéphale, de taille plus petite, d’une blancheur de peau moins affirmée, de chevelure brune, et aux membres plutôt courts

Homo Contractus : il s’agit de la race méditerranéenne, dolicocéphale, de petite taille, de chevelure brune.

Ces races (ou types raciaux) ne sont pas les peuples eux-mêmes, ne sont pas leurs seuls constituants, du moins dans la majorité des cas (rares sont les peuples caractérisés par leur appartenance à une seule race). Toutes trois — ou deux d’entres elles — entrent ensemble dans la composition des différents peuples européens. Elles existent en chacun d’eux et sont, pour ainsi dire, en concurrence. Et, suivant les circonstances de l’histoire de ces peuples, l’une d’elles finit par avoir la prépondérance sur l’autre (ou les autres) et par modifier l’identité physique et morale de ces peuples. Lapouge crédite Homo europœus L d’une nette supériorité intellectuelle et d’un goût inné de l’action, de la création, de l’œuvre à accomplir. Homo Alpinus L lui paraît d’une envergure intellectuelle et morale plus réduite, sans grandes ambitions, soucieux de ses intérêts à courte vue, avisé mais médiocre. Homo Contractus est intellectuellement doué et inventif, mais entravé par son émotivité. L’histoire s’identifie bien à une lutte des races, mais les peuples en sont largement inconscients. Ils se battent entre eux pour, des questions démographiques (notamment d’espace vital), territoriales, économiques, politiques, ou encore religieuses, qui occultent la sourde lutte des races, laquelle les oppose tout en se manifestant également au sein de chacun d’eux, et préserve ou modifie leur identité suivant les circonstances. Telles sont les idées que Vacher de Lapouge développe dans ses leçons d’anthropologie montpelliéraines de 1886- 1889, plus tard réunies et publiées sous forme d’un livre, Les sélections sociales, cours libre de science politique, professé à l’Université de Montpellier, 1886-1889 (1896) et ses autres ouvrages : L’Aryen, son rôle social, cours libre professé à l’Université de Montpellier, 1889-1890 (1899), Race et milieu social, essais d’anthroposociologie (1909). Ces idées existaient déjà à l’état germinal dans sa thèse de Droit, Théorie du patrimoine en droit positif généralisé (1879) et un autre de ses travaux juridiques, Étude sur la nature et l’évolution historique du droit de succession. Théorie biologique du droit de succession (1885).


UN ANTHROPOLOGUE RACIALISTE ET EUGÉNISTE

Cette vision générale d’une humanité déterminée biologiquement par ses composantes raciales s’inscrit en faux contre l’idéal démocratique et égalitaire d’une cité universelle d’hommes libres et égaux en droits, émancipés grâce à la connaissance scientifique, maîtres de leur destin, et fraternellement unis. Lapouge déclare d’ailleurs : « Vous voyez, messieurs, com- bien nous nous écartons des doctrines démocratiques et chrétiennes, toutes de sentiment. Les conclusions nécessaires de la biologie appliquée aux sciences sociales sont dures, inflexibles, impitoyables. Qu’importe, si elles sont vraies ? L’humanité dans sa marche n’avance pas sur des tapis de roses. Elle va où son destin la pousse ; tant pis pour les faibles et pour ceux qui sont lents ! » (4). Il convient d’insister sur le fait que Lapouge affirme clairement que chaque peuple mêle en lui les caractères différents de diverses races qui, en lui, s’opposent. S’il croit à la nocivité du métissage, source d’avilissement et de dégénérescence, il affirme clairement l’inexistence de peuples purs de tout mélange. Cela le distingue nettement de Gobineau, lequel influence par ailleurs sa réflexion.

La concurrence des races, au sein d’un même peuple et entre les peuples, et, conséquemment, le conflit et la sélection, laquelle assure le triomphe des groupes sains et forts, et l’asservissement ou la disparition des groupes faibles, par trop métissés et déclinants, sont donc la loi de l’évolution de l’humanité. Vacher de Lapouge a une conception biologiste et darwiniste de l’évolution de l’humanité, et il voudrait qu’elle devînt le principe de base des études d’histoire et de sociologie. Parce qu’il ne croit pas à la pureté des peuples, et qu’il pense que ceux-ci sont déterminés par leurs composantes raciales, mutuellement opposées, et parce qu’il accorde la prééminence absolue aux caractères raciaux, Vacher de Lapouge est eugéniste, et non pas nationaliste. À ses yeux, un peuple, une nation ne vaut que par ses composantes raciales et leurs proportions respectives en lui. En cela, Lapouge, anthropologue biologisant dépourvu de tout romantisme et de toute mystique nationale, diffère absolument de Renan ou de Paul Déroulède, de Drumont, de Barrès (pour ne rien dire de Maurras), tous habités par un idéal patriotique enflammé. Il se préoccupe exclusivement de l’amélioration de l’espèce humaine par ce qu’il appelle une « sélection raisonnée » des caractères raciaux au sein des individus, des plus physiquement et intellectuellement doués en chaque peuple, et, parmi les peuples, des plus aptes, ces derniers étant appelés à dominer le monde en marginalisant les autres par le simple jeu des effets matériels de leur supériorité, ou en leur servant d’exemple, en leur indiquant la voie du relèvement. Non nationaliste, il n’est pas davantage belliciste, et redoute même que les guerres entre pays européens ne provoquent leur destruction mutuelle et celle de la civilisation occidentale au profit de celles d’Amérique et d’Extrême-Orient. Cette sélection raisonnée sera opérée par l’éducation et une politique de santé publique eugéniste. « L’avenir de l’humanité est tout entier dans une sélection raisonnée à exercer à l’aide des éléments eugéniques existants et qu’il faut diriger dans le sens indiqué par le pur type aryen. »(5).


MATÉRIALISTE ET ATHÉE, MAIS SOCIALISANT

Au plan spirituel et moral, Vacher de Lapouge se montre farouchement athée, matérialiste et antichrétien. Les valeurs et principes du christianisme lui semblent démentis par la science, laquelle révèle l’inégalité fondamentale des hommes et l’existence de la loi du plus fort dans les rapports humains, et donc dans l’histoire. Il voit dans les idéologies démocratiques et égalitaires, pourtant souvent très antireligieuses, une transposition moderne des préceptes du christianisme.

Pourtant, il ne se pose pas en réactionnaire. Au contraire, l’inclination même de ses convictions matérialistes, athées et antichrétiennes et de sa foi en la science le pousse en direction des idées révolutionnaires. Certes, il s’oppose de fait aux révolutionnaires dans la mesure où ceux-ci se réclament d’un idéal démocratique et égalitaire qu’il juge tout à fait illusoire, et dont la science démontre l’inanité. Mais il a en commun avec eux le rejet d’un ordre politique et social périmé et dominé par une religion chrétienne, selon lui, fausse et désuète, et la foi en un avenir fondé sur la connaissance scientifique, qui régénérera l’humanité. Aussi, loin de se rallier à quelque idéologie réactionnaire et aristocratique de type néo-païen, il embrasse le socialisme révolutionnaire et adhère au parti ouvrier français, marxiste, de Jules Guesde, en 1890. Et, la même année, il fonde la section montpelliéraine de ce parti (6).


REJETÉ PAR L’UNIVERSITÉ FRANÇAISE, MAIS EN VOGUE À L’ÉTRANGER

Ses théories scientifiques, comme ses idées socialistes, finissent par inquiéter les autorités académiques et politiques. Les unes et les autres sont formées de notables républicains modérés bon teint, rationa- listes de type renouviériste ou kantien, spiritualistes laïques, démocrates, attachés aux libertés et aux droits de l’homme, et amoureux de la science autant qu’elle émancipe l’individu en l’arrachant à ses déterminations naturelles au lieu de l’y enchaîner comme l’énonce Lapouge. Ce dernier a le double tort, de leur point de vue, de remettre en cause la démocratie elle-même, jusque dans ses valeurs fondatrices, et de se réclamer d’un socialisme révolutionnaire qu’ils réprouvent. Son hostilité au christianisme, sa foi en la science (qu’ils partagent avec lui) ne font pas le contrepoids. Aussi, l’Université de Montpellier répond-elle défavorablement à sa proposition de création d’une chaire d’anthropologie dont il serait le titulaire. Pis, elle supprime son cours libre d’anthropologie en octobre 1892(7), et elle cherche à éloigner l’importun, lequel demande et obtient sa nomination de bibliothécaire en chef de l’Université de Rennes, grâce, une fois de plus, à l’appui de Louis Liard. En 1900, Lapouge sera nommé bibliothécaire en chef de l’Université de Poitiers, où il exercera jusqu’à sa retraite, en 1922.

En France, les thèses de Vacher de Lapouge sont appréciées d’anthropo- logues tels que Pierre Durand de Gros, Paul Topinard, de sociologues comme Alfred Espinas et René Worms, organicistes, ou Gustave Le Bon, mais il voit se dresser contre lui l’école de la sociologie durkheimienne, qui considère le social comme une réalité en elle-même, indépendante non seulement des individus en lesquels elle se manifeste, mais également des déterminations biologiques, naturelles, raciales et physiologiques. Or, c’est cette orientation qui dominera l’Université française à partir de la dernière décennie du XIXe siècle et s’imposera même en anthropologie, interdisant ainsi tout espoir de carrière académique à Vacher de Lapouge.(8) Ce dernier finira par perdre toute crédibilité scientifique dans son propre pays. Ses seuls admirateurs français seront de brillants francs-tireurs comme Le Bon ou Georges Sorel. Les rebuffades ne le dissuaderont cependant pas de poser sa candidature à la chaire d’Anthropologie du Muséum d’Histoire naturelle en 1909… en vain. Il n’en ira pas de même à l’étranger. C’est en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis qu’il recevra le meilleur accueil. George Bernard Shaw se reconnaîtra une certaine communauté d’idées avec lui. La Galton Society de New York fera de lui son principal correspondant français. À l’occasion du second congrès eugéniste mondial, qui se tient à New York du 22 au 28 septembre 1922, il fait une conférence sur « la race et les populations mélangées », qui a un grand retentissement dans les monde anglo-saxon et germanique. En mars 1925, il est invité au sixième congrès international du Birth Control (organisation eugéniste et néo-malthusienne) par Margaret Sanger, la célèbre militante féministe et eugéniste. Si les revues scientifiques françaises académiques lui sont désormais fermées, il est en revanche bien reçu par celles de l’étranger. Il fait ainsi paraître neuf articles dans la revue allemande Woltmann, entre 1904 et 1909(9), et de nombreux autres articles dans l’Eugenics Review de Londres et l’Eugenical News de New York, entre 1927 et 1934.

Avec les années, ce sont ses relations avec les Allemands qui s’approfondissent le plus. En 1898, il rencontre Ludwig Schemann, traducteur et commentateur de Gobineau(10). Par la suite, il entretient une longue correspondance avec lui.

À partir de 1927, il noue également une relation intellectuelle avec Hans Günther, un théoricien völkisch, et fait paraître quelques articles dans la revue Die Sonne. L’instauration du régime national-socialiste en Allemagne le plonge dans la perplexité. Ému et flatté par l’intérêt que les maîtres du IIIe Reich portent à son œuvre, il s’inquiète néanmoins de la déformation qu’ils font subir, selon lui, à ses idées eugénistes et sélectionnistes. Il s’alarme également des intentions bellicistes et de la francophobie d’Hitler, que pourtant il ne peut s’empêcher d’admirer. Il écrit à la veuve d’un de ses disciples, en 1935 : « L’avenir dira si la politique de croquemitaine de ce grand homme ne peut aboutir qu’à d’effroyables exterminations et à la fin des meilleurs. » Lorsqu’il meurt à Poitiers, le 20 février 1936, Georges Vacher de Lapouge est oublié en France… mais pas en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Il sera remis au goût du jour sous l’Occupation par les théoriciens racialistes René Martial et Georges Montandon, défendu en partie par Jean Rostand, pourtant politiquement opposé à lui, puis redécouvert par la Nouvelle Droite et le GRECE dans le dernier tiers du XXe siècle, et enfin, mais dans une certaine mesure, par l’Université. Marié depuis 1883, il eut un fils, Claude (1886- 1963), médecin, juriste et anthropologue.

Source : article d’Yves Morel paru dans Rivarol 3458 du 10 février 2021

Notes

1. Leçon publiée dans la Revue d’anthropologie, 16e année, 3e série, t. II, n° 2, 15 mars 1887, p. 136-157.

2. Ibidem.

3. Ibidem. Et « L’anthropologie et la science politique », Revue d’anthropologie, 15 mars 1887, p. 155.

4. « L’anthropologie et la science politique », Revue d’anthropologie, 15 mars 1887, p. 155.

5. Cf Archives Lapouge, et « L’enseignement de l’anthropologie à l’Université de Montpellier », Matériaux pour l’histoire primitive et naturelle de l’homme, volume 22, 3è série, tome V, janvier 1888, pp. 45-46.

6. Il s’est d’ailleurs présenté à la liste d’une liste socialiste aux élections municipales de Montpellier en 1888.

7. Les thèses scientifiques de Lapouge suscitent d’ailleurs une telle crainte que l’Université de Montpellier fermera son laboratoire d’anthropologie le 1er mars 1893.

8. La sociologie durkheimienne marginalisera complètement la sociologie inter-individualiste de Tarde, la sociologie organiciste d’Espinas et Worms, et, plus tard, « l’individualisme méthodologique » de François Bourricaud, Raymond Boudon ou Alain Coulon. Cette conception réifiante et massificatrice des sciences de l’homme s’étendra ainsi également en Histoire, où l’École des Annales, quantitativiste et abstraite, s’imposera au détriment des autres conceptions des études historiques.

9. Ce sont eux qui, réunis, constitueront la substance du livre Race et milieu social. Essai d’anthroposociologie, Rivière 1909, cité plus haut.

10. Ludwig Schemann (1852-1938), disciple de Schopenhauer, Wagner et Paul de Lagarde, traduisit l’œuvre de Gobineau et la fit largement connaître dans les milieux intellectuels allemands. Enseignant non titulaire responsable d’un cours privé d’anthropologie à l’Université de Göttingen, à partir de 1897, ami et disciple de Wagner, il fut un pangermaniste et un adepte des théories raciales et germanistes de Gobineau. Quoique monarchiste et traditionaliste, il se rapprocha des nationaux-socialistes à partir de 1927.

Voir aussi

Ouvrages

L'Aryen, son rôle social.
  • Essais de droit positif généralisé. Théorie du patrimoine, Paris, E. Thorin, 1879, 129 p.
  • Études sur la nature et sur l'évolution historique du droit de succession. Étude première. Théorie biologique du droit de succession, Paris, E. Thorin, 1885, 42 p.
  • Les Sélections sociales, cours libre de science politique professé à l'Université de Montpellier, 1888-1889, Paris, A. Fontemoing, 1896, 503 p.
  • L'Aryen, son rôle social, cours libre de science politique, professé à l'Université de Montpellier (1889-1890), Paris, A. Fontemoing, 1899, 569 pages; réédition à Ars Magna, Nantes, 2016.
  • Race et milieu social : essais d'anthroposociologie, Paris, M. Rivière, 1909, 396 p.

Sources

Cité dans :

  • Thierry Baudet, Indispensables frontières. Pourquoi le supranationalisme et le multiculturalisme détruisent la démocratie, préface de Pascal Bruckner, Éditions du Toucan, Paris, 2015. (Traduction de : De Aanval op de Natiestaat)