Friedrich List

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Friedrich List, né le 6 août 1789 dans la ville libre de Reutlingen au sein du Saint-Empire romain germanique et mort le 30 novembre 1846 à Kufstein dans l'empire d'Autriche, est un économiste allemand.

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Il a théorisé l’autarcie des grands espaces : une économie protégée sur le plan extérieur, et libérale sur le plan intérieur. À la différence d’Adam Smith, il ne croit pas à l’enrichissement mutuel des nations par le « doux commerce », mais à une guerre économique éternelle.

Biographie

Né en 1789 à Reutlingen, dans le sud d’une Allemagne qui n’est alors qu’une mosaïque de petits États indépendants, il est le fils d’un tanneur qui le retire de l’école à l’âge de 14 ans pour qu’il reprenne l’affaire familiale. Mais le jeune garçon se lasse rapidement du travail des peaux et décide, à 17 ans, de suivre une carrière d’employé. Après avoir gravi un à un les échelons de l’administration, il se retrouve, en 1817, titulaire d’une chaire de sciences politiques à la ­faculté de Tübingen. Deux ans plus tard, il participe à la fondation de la Société allemande d’industrie et de commerce, qui milite pour la préser­vation de l’industrie allemande face à la puissante concurrence britannique. List a trouvé son combat. Usant ensuite de son mandat d’envoyé à la diète de l’État de Wurtemberg, il prend le risque de critiquer ouvertement la bureaucratie de son pays. Mauvaise idée : l’écrit, tombé entre les mains des autorités, lui vaut d’être condamné à dix mois de travaux forcés pour outrage et calomnie.

Après un séjour derrière les barreaux, List s’exile aux États-Unis. C’est là que le penseur allemand forge l’essentiel de ses théories. Enthousiaste sur les potentialités de cette jeune nation, il s’enflamme : « Le meilleur livre sur l’économie politique qu’on puisse lire dans cette contrée nouvelle, c’est la vie. […] Un progrès qui, en Europe, a exigé une suite de siècles, s’accomplit là sous nos yeux ». Très vite, le rêve américain devient réalité : installation à Philadelphie, entrée remarquée dans le monde des affaires grâce à l’exploitation d’une mine de charbon, constitution d’une petite fortune, acquisition de la nationalité américaine, List bâtit sa success story. À l’été 1833, il retourne en Allemagne pour occuper le poste de consul des États-Unis à Leipzig. Définitivement rentré en grâce dans son pays, il participe à la mise en place de l’union douanière du Zollverein (1834) et supervise le plan de construction des chemins de fer. Son œuvre majeure, Le Système national d’économie politique, paraît en 1841. Malgré les honneurs qui lui sont rendus, l’homme ne parvient pas à se fixer, multiplie les voyages et finit par se suicider en 1846, vraisemblablement miné par des difficultés financières[1].

Thèses

Dans la pensée économique allemande, Friedrich List occupe une place particulière : il est en effet l'un des premiers, avec le romantique Adam Müller, à avoir opposé un système complet, son “système national d'économie politique” au système libéral et le premier dont les idées soient passées dans les faits, sous la forme du protectionnisme.

List récuse le libéralisme d'Adam Smith, ce dernier raisonnant en effet sans tenir compte des nationalités et en « présupposant l'existence de l'association universelle et de la paix perpétuelle ». List fait de la Nation sur laquelle il construit son système un intermédiaire entre l'individu et l'Humanité. Il est, comme Herder, à la fois un nationaliste et un “cosmopolite”. Mais c'est aussi un “libéral progressiste” qui croit au progrès politique et économique de l'Humanité et pense que « l'union future de tous les peuples », « l'établissement de la paix perpétuelle et de la liberté générale du commerce [constituent] le but vers lequel tous les peuples doivent tendre et dont ils doivent de plus en plus se rapprocher ». Il n'empêche, l'Humanité unie et pacifiée n'est, pour List, qu'une vision d'avenir, les lois de l'Histoire commandent le présent. Refusant les abstractions et le dogmatisme des libéraux classiques, List veut renouer avec l'Histoire (en cela, il est le père spirituel de l'École Historique). De ses études sur l'histoire économique des Nations, il déduit :

1) l'importance du pouvoir politique sur le développement économique des Nations, 2) l'idée du développement inégal et progressif des Nations. List estime que les Nations passent par quatre états successifs : l'état sauvage, l'état pastoral, l'état agricole et l'état complexe agricole / manufacturier / commerçant, ce dernier étant le stade de ce qu'il appelle la "Nation normale".

List constate que le libre-échange repose sur l'inégalité de développement entre les nations et qu'il conduit, en fait, à asseoir la domination du pays le plus développé. Au système libéral, List oppose son propre système à la base duquel il place la Nation en tant que « Tout existant par lui-même » et au sommet, un État interventionniste, un État qui est « un État fort, incarnant le bien commun national, restreint dans ses attributions mais non dans son autorité, assuré de contacts permanents avec les représentants légitimes des forces nationales et notamment des forces économiques. Cet État fort doit être un État léger, ne s'encombrant pas de la gestion matérielle des forces économiques mais leur assurant l'impulsion, l'organisation, la discipline et la protection indispensables pour assurer l'ordre et la prospérité de la communauté nationale ». Selon List, l'objet de l'économie politique nationale est d'assurer le développement des forces productives de la Nation et la satisfaction de tous les besoins du peuple et non la satisfaction des seuls besoins individuels.

List, en effet, oppose à la théorie libérale des valeurs d'échange une théorie des forces productives. De Smith, il rejette sa conception de la richesse comme s'attachant exclusivement aux valeurs échangeables, conception qui découle de la seule considération, par Smith, des intérêts privés. À ce propos, André Piettre écrit : « Valeur d'échange signifie : valeur donnée sur le marché aux biens et aux services par les individus munis d'argent. Les satisfactions privées sont le primum movens de la vie économique ».

Pour List, « le pouvoir de créer des richesses est infiniment plus important que la richesse elle-même », « la prospérité d'un peuple ne dépend pas de la quantité de richesses et de valeurs échangeables qu'il possède mais du degré de développement des forces productives ». La Nation doit donc développer ses forces productives aux dépens des valeurs échangeables actuelles, des préférences des particuliers.Parmi les forces productives de la Nation, List distingue les forces productives naturelles, les forces instrumentales, les forces financières et les forces nationales.

1) Les forces naturelles concernent l'ensemble des conditions naturelles et des dons de la nature avant leur transformation par l'homme : elles englobent les forces élémentaires, les forces produites (flore, faune et richesses minérales) et les forces humaines.

2) Les forces instrumentales sont les produits matériels d'efforts antérieurs du corps et de l'esprit

3) Les forces financières qui, pour List, sont les forces instrumentales les plus perfectionnées, englobent les forces monétaires et les forces de crédit.

3) Enfin, List appelle forces nationales l'ensemble des forces naturelles, instrumentales et financières déjà examinées « au jour où elles existent au sein d'une communauté dont l'unité nationale s'est affirmée ». Mais il appelle aussi forces nationales « l'ensemble des moyens permettant de mieux conjuguer, de mieux harmoniser et de mieux développer ces forces nationales lato sensu ». Ces moyens concernent l'organisation civile et politique de la Nation, les brevets d'invention et les droits protecteurs, la division du travail, etc.

Le développement des forces productives doit se faire de la manière la plus complète et la plus harmonieuse possible pour que la Nation puisse accéder au stade de ce que List appelle la « Nation normale » caractérisée par l'existence d'une industrie manufacturière et une collaboration économique complète entre cette industrie et l'agriculture. Pour parvenir à ce stade ultime de son évolution économique, la Nation doit refuser le libre-échange qui ne peut conduire qu'à (a domination du pays le plus développé. Mais une fois toutes les nations parvenues à ce stade, alors la liberté des échanges deviendra de nouveau possible et même nécessaire pour stimuler la production[2].

L'influence de Friedrich List s'est faite sentir sur le protectionnisme allemand (le Zollverein[3]), sur les protectionnismes doctrinaux nord-américain et français (l'Américain Carey et le Français Cauwes furent ses disciples), sur l'École Historique allemande et, même jusqu'à Marx (surtout dans sa théorie des forces productives).

Sources

Cité dans

  • Jean-Numa Ducange, Quand la gauche pensait la nation. Nationalités et socialismes à la Belle époque, Fayard, Paris, 2021.

Notes et références

  1. Julie Noesser, « Friedrich List (1789 – 1846) : Le théoricien du protectionnisme "temporaire" », Capital, juillet 2012.
  2. Thierry Mudry, « Friedrich List : Une alternative au libéralisme », Orientations, n°5, 1984.
  3. Le Zollverein est l'Union douanière entre les multiples États allemands. Cette union s'est constituée, sous l'impulsion de la Prusse, de 1819 à 1834. Cette initiative visait à pallier le retard de l'Allemagne par rapport à l'Angleterre en matière industrielle. La construction d'un réseau de chemin de fer facilitera l'unification économique de l'Allemagne.