Conseil représentatif des institutions juives de France

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Le Conseil représentatif des institutions juives de France (connu sous l'acronyme CRIF) fédère, au sein d'une seule organisation représentative, les différentes tendances politiques, sociales ou religieuses présentes dans la communauté juive de France. À ce jour, le CRIF fédère plus de soixante associations dont les plus importantes sont le Fonds social juif unifié et l'Alliance israélite universelle.

Le CRIF a toujours mené, souvent en lien avec la LICRA et avec l'administration, une virulente lutte contre le mouvement national ainsi que contre tous les mouvements antisionistes, l'un et l'autre assimilés à de l'antisémitisme.

Le "dîner du CRIF" regroupe, une fois l'an, les représentants de toutes les organisations politiques de France à l'exception du Front national.

Texte à l'appui

Article de Robert Spieler publié dans l'hebdomadaire Rivarol (n°2978 - 10 décembre 2010) sur le dernier livre d'Anne Kling : Le CRIF, un lobby au cœur de la République.

Le CRIF, un lobby au cœur de la République...

Anne Kling est l’auteur de deux excellents ouvrages, La France Licratisée et Révolutionnaires juifs, qui ont obtenu un grand succès. Succès mérité car son analyse de la puissance du lobby est imparable. Basée sur les revues et les sites internet des diverses officines, elle est servie par une langue claire et un style enlevé, qui rendent la lecture de ses ouvrages agréable et passionnante. Anne Kling récidive avec un livre consacré au CRIF, le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France, qui dispose d’une puissance considérable, parlant d’égal à égal avec les dirigeants politiques au plus haut niveau et exprimant des désidératas qui sont autant d’ordres que s’empressent d’exécuter ceux qui les reçoivent. Préfacé par Jean-Yves Le Gallou, le livre évoque les origines de l’officine, l’importance des années Mitterrand, l’ « invention » des dîners du CRIF, ses objectifs et décrit avec force l’incroyable activisme et l’influence totalement disproportionnée du lobby sur la vie politique française.

La naissance du CRIF

Il faut remonter aux années d’avant-guerre et à une forte immigration juive de 140.000 personnes, en provenance d’Europe de l’est, les Juifs français étant au nombre de 190.000, pour comprendre les raisons de la création du CRIF en 1944. Cette immigration suscita des réactions violentes au sein de la communauté juive. Jacques Helbronner, alors vice-président du consistoire, accusera en 1936 les réfugiés juifs d’être « de la racaille, le rebut de la société, des éléments qui n’auraient pu être d’aucune utilité chez eux ». Emmanuel Berl, en 1938, dans un numéro de « Pavés de Paris », parlera d’une « immigration de déchets » et d’une « véritable catastrophe pour la France ». Ces amabilités devaient laisser des traces au sein de la communauté juive et entraîner la création durant la guerre d’une organisation juive à forte connotation communiste, qui allait contester le rôle prééminent de l’Union générale des Israélites de France (UGIF), accusée de collaborer avec Vichy, et entraîner la création clandestine, en septembre 1944, à Lyon du Conseil Représentatif des Israélites de France. Le CRIF était né.

La montée en puissance du CRIF

Le CRIF joue un rôle relativement modeste jusque dans les années 80, se contentant de défendre les intérêts de la communauté, la scène étant occupée par la LICRA qui, elle, au nom de l’antiracisme, entend favoriser l’immigration musulmane massive. C’est l’arrivée en France d’un brillant activiste israélien, Avraham Primor, chargé par l’Etat d’Israël de redynamiser et politiser une communauté juive jugée trop timorée, qui va changer la donne. Avraham Primor a pour mission de « réorganiser la communauté juive de France afin qu’elle occupe la place politique que lui confère son importance ». Voilà qui a le mérite de la clarté.

L’objectif est de créer un « lobby juif » tel qu’il existe aux Etats-Unis. Cela suscite la fureur du baron Guy de Rotschild, dirigeant historique de la communauté, qui se voit contesté par une nouvelle génération d’activistes, tel Henri Hajdenberg, fondateur du Renouveau Juif, qui sera élu président du CRIF en 1995. En attendant, les insultes pleuvent drues. Le baron Guy, fou de rage, déclare : « Je n’admettrai pas, en tant que responsable auprès du gouvernement français, la création d’un lobby juif par des marginaux soutenus par une racaille ! ». Mais ce sont bien ces « marginaux » qui allaient l’emporter et faire du CRIF l’organisation devant laquelle viennent se justifier la plupart des responsables politiques, économiques, médiatiques et institutionnels de France.

L’arrivée de Théo Klein à la présidence de l’officine en 1983 et les années Mitterrand vont donner au CRIF les orientations qui sont encore les siennes aujourd’hui. Le CRIF s’engage dans le soutien sans faille à Israël. Il est vrai que Théo Klein a tout pour rassurer Israël. Il a la nationalité israélienne et a milité dans les rangs du parti socialiste Rafi de Ben Gourion. Son objectif: « Que la communauté juive de France se dote d’une politique qui exprime pleinement sa solidarité avec Israël, son peuple… ». C’est Théo Klein qui va « inventer » le dîner annuel du CRIF qui deviendra au fil des années le rendez-vous incontournable de la communauté juive organisée avec la « République ». Les bonnes habitudes sont prises dès le premier dîner, en 1985, qui voit Théo Klein apostropher Laurent Fabius et le réprimander vertement, l’accusant de légitimer le Front national en introduisant la proportionnelle. La lutte contre l’antisémitisme qui, comme nul ne l’ignore, « gangrène notre pays », est évidemment en toute première ligne, Roger Cukiermann, qui succède à Henri Hajdenberg à la présidence du CRIF en 2001 souhaitant en faire une grande cause nationale et allant jusqu’à déclarer : « Les Juifs sont les sentinelles de la République et des valeurs de la République. Nous sommes à l’avant-garde. Quand on s’attaque aux juifs, peu de temps après, on s’attaque à la liberté, à la démocratie ». Fermez le ban, et tenez-vous le pour dit…

Le CRIF, combien de divisions ?

Le CRIF se considère comme le partenaire privilégié et incontournable du gouvernement. Il n’a aucune raison d’en douter puisque le président de la République l’a dit et redit : «  Le CRIF que vous présidez est un interlocuteur essentiel de l’Etat ». Mais que pèse ce « partenaire essentiel de l’Etat » ? Quelle est sa représentativité ? La population juive de France est de l’ordre de 600.000 personnes, soit un peu moins de 1% de la population totale. Le CRIF a admis en l’une ou l’autre circonstance représenter environ 100.000 personnes, soit 1/6ème de la communauté, chiffre probablement exagéré. Les 60 associations membres de l’officine et très diverses par leur nature et leur importance ne représenteraient ainsi que 0,02% et plus probablement 0,01% de la population française. Parmi les associations membres, relevons à titre anecdotique l’association Naguilah, qui rassemble « les juifs aveugles » en leur proposant « une nouvelle manière de voir (sic…), par la découverte des richesses de l’identité juive », ABSI Keren Or, qui milite « pour le bien-être des soldats israéliens » et « à la gloire de Tsahal » et le Mouvement juif libéral de France, dont le fondateur est le père du rabbin Gabriel Fahri qui s’était déclaré victime d’une agression antisémite en janvier 2003 et qui verra au cours de l’enquête le rabbin passer de l’état de victime à celui de suspect. La justice rendra cependant une ordonnance de non lieu… Le fait que le CRIF soit archi-minoritaire au sein de la communauté n’empêche pas le président actuel, Richard Prasquier, avec une incroyable houtspa (culot monstre en hébreu), de déclarer lors de la meurtrière opération Plomb durci que « 95% de la communauté juive de France est en accord avec la politique d’Israël et ce qu’entreprend son armée ». Devant le tollé, il nuancera son enthousiasme. Il aurait dû se contenter d’évoquer « la grande majorité des juifs de France »…

Les priorités du CRIF

Anne Kling relève que les activités du CRIF s’ordonnent autour de trois axes qui en réalité ne forment qu’une seule et même colonne vertébrale visant la sauvegarde des intérêts du peuple juif, en Israël et dans la diaspora. En premier, le soutien inconditionnel à l’Etat d’Israël et à son gouvernement. Toute critique à l’encontre d’Israël se voit de plus en plus ouvertement assimilée à de l’antisémitisme. En deuxième, l’entretien de la mémoire des évènements survenus au peuple juif durant la seconde guerre mondiale, et bien sûr en corollaire, le rappel incessant de la culpabilité de la France à cet égard. En troisième, la lutte contre toute forme d’antisémitisme et d’antisionisme, personne n’ignorant bien sûr, qu’antisémitisme et antisionisme sont en réalité des synonymes… A ces priorités, il convient de rajouter un objectif qui n’est certes pas inscrit dans les statuts, mais qui est présent à travers toute l’action du CRIF : la promotion d’une société multiethnique et le soutien à un fantaisiste islam dit « républicain ». Le soutien obsessionnel à l’Etat d’Israël passe quant à lui, aux yeux du CRIF, par l’entretien tout aussi obsessionnel du souvenir de la shoah. L’objectif est d’imposer l’idée, la croyance qu’Israël n’est pas un Etat comme un autre et qu’il a, de ce fait, le droit à des comportements qui ne seraient admis chez aucun autre.

Dans cette incroyable opération de manipulation des esprits, le CRIF et Israël ont bénéficié de l’appui majeur de Jacques Chirac, en 1995. Jacques Chirac fait ce qu’aucun chef d’Etat français, fût-il socialiste, n’avait accepté de faire : accéder à la demande récurrente des lobbys dont le CRIF, et reconnaître la culpabilité de la France dans la shoah. A la grande joie du CRIF, Mgr Olivier de Berranger, évêque de Saint-Denis, lira le 30 septembre 1997 à Drancy une déclaration proclamant : « Devant l’ampleur du drame et le caractère inouï du crime, trop de pasteurs de l’Eglise ont par leur silence offensé l’Eglise elle-même et sa mission. Aujourd’hui, nous confessons que ce silence fut une faute… ».

La grande joie du CRIF s’explique aussi par le tsunami d’espèces sonnantes et trébuchantes que font pleuvoir ces repentances.

Le CRIF s’émeut considérablement de la vague d’antisémitisme que connaît la France. La lutte contre l’antisémitisme est son cheval de bataille, sa raison de vivre, son objectif sacré, certes avec une forte dimension hystérique… Que faire ? Le CRIF réagit en créant, avec d’autres institutions juives, un Service de Protection de la Communauté Juive (SPCJ). Cette officine travaille « étroitement avec les autorités », dont bien sûr le ministère de l’Intérieur. Aussi incroyable que cela paraisse, le recensement des actes antisémites en France et leur publication sont à l’heure actuelle non du ressort du ministère de l’Intérieur, mais du Service de Protection de la Communauté Juive. Les chiffres livrés par cette officine font évidemment état d’une forte augmentation d’ « actes antisémites ».

Certains, naïvement ou tout simplement lucidement, s’autorisent, tel le sociologue et directeur de recherche au CNRS, Laurent Mucchielli, à commettre des écrits hautement subversifs. Il évoque avec une rare insouciance le discours « rituel » du CRIF. Et puis, dit-il, « Il n’y a pas d’augmentation tendancielle de l’antisémitisme en France ». Mais est-il fou ou complètement fou ? Il aggrave son cas, si tant est que cela soit possible, en dénonçant « une incapacité du CRIF à prendre ses distances avec l’Etat d’Israël ». La réplique ne tarde pas : « Le jeune sociologue » (bon, il a 42 ans, mais ceci est une formule destinée à le présenter comme inexpérimenté) « s’est aventuré sur un terrain dangereux. Dangereux pour tous les Français de toute origines ». Ah bon ? Dangereux sans doute surtout pour l’officine, dont on sait aujourd’hui, comme dans le conte d’Andersen, que le roi est nu, et qu’asséner et répéter des mensonges ne saurait constituer la vérité.

Le CRIF au quotidien : la samba des carpettes

Anne Kling a, de façon fort intéressante, listé les activités du CRIF sur la période 2009/2010. Le lecteur découvrira les émotions émouvantes d’Enrico Macias qui déclare, en pleine opération israélienne Plomb durci sur Gaza : « « Machiah est arrivé le jour de la création d’Israël. Rien n’arrêtera le cours de notre histoire. Je serai toujours aux côtés d’Israël et si des épreuves personnelles ne m’en avaient pas empêché, je serais moi-même aujourd’hui à Gaza, aux côtés des soldats de Tsahal. Ils sont en train de mourir pour nous. Je veux mourir pour eux ! ». « Ils sont en train de mourir pour nous » ? Mais c'est qui, « nous » ?

On découvre le fort peu charismatique Hervé Morin, qui fut ministre de la Défense. Il accueille le CRIF. On aborde des sujets de la plus haute importance, et qui, tous, sont de la compétence du CRIF : la menace nucléaire iranienne, bien sûr, la France et l’OTAN, bien sûr, l’antisémitisme en France, bien sûr, et, entre autres thèmes importants, l’intégration au sein de l’armée française de jeunes issus de milieux défavorisés. En quoi ce dernier point concerne-t-il le CRIF ? A vrai dire, je n’en sais strictement rien.

En septembre 2010, Xavier Darcos, ministre du Travail, reçoit Richard Prasquier, président du CRIF, afin d’évoquer la possibilité de mettre en place des « actions de dialogue sur le terrain » dans le cadre de la campagne « Agir ensemble pour le vivre ensemble ». Quel charabia ! Mais, lisez le plus émouvant : « Des réunions informelles telles que le groupe de parole entre mères afro-antillaises et juives (…) se sont livrées à une première réflexion sur l’efficacité des programmes « là où ça se passe ». Ces groupes de parole sont mis en place par Yves-Victor Kamami, membre du comité directeur du CRIF.

La parole est souvent révolutionnaire. C’est ainsi que le président Shimon Peres se montre digne du roi Ubu d’Alfred Jarry quand il explique le plus sérieusement du monde à une délégation du CRIF: « J’aimerais transformer l’armée d’Israël en un grand campus universitaire. Chaque soldat devrait recevoir un diplôme de troisième cycle à l’issue de sa période militaire ». Les Palestiniens apprécieront… Et puis, voici Raymond Couderc, sénateur-maire de Béziers, qui n’en peut plus. Son grand-père a sauvé le grand rabbin de Bordeaux, ce qui autorise Raymond Couderc de s’indigner qu’Israël, qui compte 17,5% de francophones, ne fasse pas partie de la francophonie et de réclamer qu’une action forte soit menée par le gouvernement.

Le CRIF mène aussi des opérations efficaces pour empêcher l’ennemi de pénétrer dans la place. C’est ainsi qu’il empêche, avec succès, la nomination d’Hubert Védrine, en 2007, au ministère des Affaires Etrangères ; au prétexte que celui-ci était « le pire des anti-israéliens habituels du Quai d’Orsay » et menaçant : « La communauté juive prendrait la nomination de Védrine comme un casus belli ». Et c’est ainsi que le président Sarkozy obtempéra.

Anne Kling raconte aussi, par le menu, la réunion où l’exceptionnel patriote Eric Raoult intervient « Pour Gilad et pour Israël ». Un morceau d’anthologie : « Eric Raoult fera une brève apparition à la tribune ». Brève, mais oh combien remarquable et remarquée.

Que dit-il ? « Ce soir, j’avais le bureau politique de mon parti et Xavier Bertrand me dit : « Mais tu t’en vas ? On parle des retraites, c’est important » et je lui fais passer un papier en lui disant : « pour moi, Israël, c’est plus important que les retraites ».

Commentaire d’Anne Kling : « Edifiant, n’est-ce pas ? Si jamais les électeurs se décident un jour à sanctionner ces priorités si clairement affichées, il pourra toujours poursuivre sa brillante carrière de l’autre côté de la Méditerranée. »

Comment se résoudre à devenir des Français comme les autres ?

Dans sa conclusion, Anne Kling pose la question. Elle cite le président du CRIF, Richard Prasquier, qui, tout en déclarant abhorrer le communautarisme… chez les autres, évoque une « identité collective » pour les Juifs que la nation se doit de leur reconnaître. Refuser de reconnaître cette « identité collective » reviendrait à « nier tout ce qui fait qu’il y a entre les Juifs un socle commun de références, d’attachements et de valeurs qui les rend non pas à part, mais distincts ». Se revendiquer « distincts » ne revient-il pas à se placer « à part » ? La nuance est pour le moins subtile. En réalité, conclut Anne Kling, lorsque le président du CRIF parle d’identité collective, c’est l’utilité, la pertinence et le pouvoir considérable de l’officine qu’il entend défendre avec acharnement. Quelle horreur de devenir des Français comme les autres, sans davantage de droits et de passe-droits ! Ne plus pouvoir tempêter, exiger, palabrer au sommet de l’Etat. On comprend, écrit Anne Kling, que le spectre de l’assimilation soit de ceux qui hantent les nuits de certains dirigeants communautaires.

Bibliographie

  • Samuel Ghiles-Meilhac, Le CRIF, de la résistance juive à la tentation du lobby, Robert Laffont, 2011.
  • Anne Kling : Le CRIF, un lobby au cœur de la République, Mithra, 2010.