Bernhard Weiss
Bernhard Weiss (1880 - 29 juillet 1951), préfet de police de Berlin, il fut le principal adversaire de Joseph Goebbels.
Issu d'une famille juive parfaitement intégrée dans l’Allemagne du début du XXème siècle, Bernhard Weiss fut avocat de formation.
Avec ses deux frères, il s’engagea dès le début de la guerre 1914-18, accéda au grade de capitaine et obtint la Croix de Fer de 1ère classe (un de ses frères fut tué et l’autre blessé).
En 1918, il fut nommé directeur adjoint de la Kripo, la police criminelle de Berlin. Sa mission : rétablir l’ordre dans une capitale allemande en proie, comme le reste du pays, à de sanglantes émeutes.
L’Allemagne avait perdu la guerre, le Kaiser était parti en exil, les nationalistes et les communistes tentaient de s’emparer du pouvoir par les armes en renversant le fragile régime parlementaire connu comme la « République de Weimar. ». Et bien sûr, la pègre avait alors le champ libre.
Bernhard Weiss - premier Juif non converti à accéder à un poste aussi élevé- fit merveille dans ses nouvelles fonctions et grimpa vite dans sa hiérarchie. Après avoir dirigé la Police politique, il devint chef de l’ensemble des polices de la capitale. Il fit, dès le début, souffler un vent de modernité dans la lutte contre le crime. Il introduisit les dernières avancées de la science, microscope, analyses de sang, détecteurs de mensonges, etc. Et, en quelques années, il transforma la Kripo en un instrument aussi efficace que la très renommée Scotland Yard britannique. Mais son rôle ne se limitait pas, et de loin, à traquer les criminels et Bernhard Weiss fut un des rares hauts fonctionnaires à défendre avec loyauté la République.
Ainsi, lorsqu’en 1926, le NSDAP décida de s’implanter à Berlin, il entra en conflit avec Joseph Goebbels.
Jusqu’alors, en effet, le mouvement d’Adolf Hitler était surtout actif en Bavière, dans le sud du pays. Mais l’essentiel du pouvoir se trouvait dans la capitale, en Prusse, là où le parti ne comptait alors que quelques centaines de membres. L'implantation à Berlin est donc un rude défi, de l’aveu de Goebbels pour qui, en dehors de Moscou, « Berlin est la ville la plus rouge d’Europe ». Sociaux-démocrates et communistes n’y ont-ils pas obtenu plus de 52% des voix lors des élections municipales de 1925 ? Quoi qu’il en soit, Goebbels arrive avec la volonté de semer la violence dans la capitale en lançant les Sturm Abteilung contre les communistes. Avantages : casser du Rouge, faire de la publicité à son parti et montrer la faiblesse du pouvoir.
Mais Bernhard Weiss ne le laisse pas faire. En 1927, il obtient l’interdiction du parti à Berlin et fait arrêter pour appartenance à une organisation illégale 500 SA. Mais les nationaux-socialistes contournent la mesure en se regroupant dans diverses organisations sportives ou culturelles.
Goebbels s’en prend dès lors systématiquement à la police et surtout à Bernhard Weiss, qu'il surnomme « Isidor ». Weiss riposte en faisant condamner Goebbels pour diffamation. La police surveille les nationaux-socialistes, fouille leurs locaux, confisque tout ce qui peut servir d’armes.
Entre 1927 et 1932, Weiss attaque aussi plus de 40 fois Goebbels devant les tribunaux et gagne avec régularité. Il obtient à plusieurs reprises que la justice interdise au chef national-socialiste de prendre la parole en public.
Mais s’il gagne toutes ces batailles, Weiss finit par perdre la guerre. En janvier 1933, quelques jours avant qu’Adolf Hitler n’arrive au pouvoir, il prend la fuite. Son ancienne police, à présent aux mains d’Hermann Göring, le traque; Goebbels offre une récompense pour son arrestation. Mais Bernhard Weiss parvient à gagner la Tchécoslovaquie puis l’Angleterre.
Le 25 août 1933, le gouvernement allemand le déchoit de sa nationalité en même temps que le journaliste Georg Bernhard et Albert Einstein.
Oublié de tous, Bernhard Weiss mourra d’un cancer à Londres, le 29 juillet 1951, quelques jours après que la République fédérale d’Allemagne lui aura restitué sa citoyenneté. Aujourd’hui, les parvis de deux des gares de Berlin portent son nom et on a apposé une plaque sur la maison où il a vécu. En 2005, le cinéaste Reiner Mathias Brueckner consacra un film à « L’homme qui traqua Goebbels ».