Antisémitisme de gauche

De Metapedia
Aller à : navigation, rechercher

Dans le langage de la propagande médiatique, l'antisémitisme est presque toujours présenté comme un phénomène idéologique appartenant à la Droite, radicale ou non. Or, il existe plusieurs formes distinctes d'antisémitisme, tel un antisémitisme religieux (chrétien ou musulman), un antisémitisme socio-économique, un antisémitisme racial ou racialiste, etc.

Ainsi, un antisémitisme de gauche a fortement marqué les différents mouvements socialistes durant tout le XIXe siècle. Après un long reflux, le début du XXIe siècle voit renaître, souvent masqué, un fort courant antisémite de gauche, couplant tiers-mondisme et ressentiment.

Un phénomène constant et multiforme

Des origines à la rupture

Un héritage des Lumières?

L’antisémitisme n’est pas un phénomène unifié, il couvre un vaste registre et prend sa source dans divers milieux culturels. L’antisémitisme médiéval chrétien n’a pas la même origine que l’antisémitisme racial, appuyé sur les découvertes scientifiques du XIXe siècle, par exemple.

Dans le cas de l’antisémitisme de “gauche”, il est important de bien comprendre qu’il recouvre plusieurs expressions qui suivent l’évolution de ce courant idéologique. Nous pouvons le faire naître avec les Lumières dès le XVIIIe siècle Dans leur détestation universelle de la religion, les philosophes ont globalement un grand mépris pour le judaïsme vu comme une expression ritualiste particulièrement archaïque. Dans leur vision anti-religieuse, les philosophes considèrent que les pratiques qu'ils jugent bizarres des communautés israélites sont des survivances obsolètes à faire disparaître absolument. L’émancipation sociale des juifs, c’est-à-dire la suppression des législations qui empêchaient ou limitaient leur participation à la société de l’Ancien Régime, devait les éloigner de leurs traditions particulières. Paradoxalement, c’est la mauvaise opinion des Lumières sur les juifs qui les amènent à vouloir les assimiler. Les absorber à la nouvelle société éclairée revient à les faire disparaître.

Un personnage va pourtant se détacher dans le lot des philosophes progressistes. C’est Voltaire. Il ne cache pas sa haine des juifs dans son œuvre comme dans sa correspondance privée. L’influence voltairienne dans l’antisémitisme de “gauche” se retrouve d’ailleurs comme un fil rouge dans les œuvres de plusieurs auteurs judéophobes du XIXe siècle.

Athéisme, anticléricalisme, antichristianisme et antisémitisme

A partir de la Monarchie de Juillet, le courant socialiste se structure véritablement. Il est dès le départ marqué par deux formes d’antisémitisme qui sont liées à son athéisme militant et à des raisons économiques. Des théoriciens aux militants socialistes, le mouvement révolutionnaire adopte dans l’ensemble un jugement sévère sur les juifs. Ces opinions péjoratives sont aussi largement présentes dans son public populaire et ouvrier. On ne peut comprendre la violence de l’expression de l’antisémitisme dans les milieux révolutionnaires du XIXe siècle sans la comparer à la brutalité de l’anticléricalisme de l’époque. Héritière de la période trouble de la Révolution Française, la propagande athée est alors à son sommet de rage et la religion est combattue avec des stéréotypes dégradants et blasphématoires. L’antisémitisme “athée” hait le judaïsme car, pour lui, il est à l’origine de son pire ennemi : le christianisme. Il poursuit de la même haine le juif et le jésuite, avec la même férocité. L’antisémitisme recrute essentiellement dans les cénacles athées, certaines loges maçonniques, chez les révolutionnaires, les sans-culottes et les républicains anticléricaux.

L’entrée massive des juifs dans la vie économique et financière va faire naître dans les classes populaires un antisémitisme économique très fort. Faisant partie de la bourgeoisie dominante, les banquiers israélites seront incarnés par la figure détestée des Rothschild pour des générations d’ouvriers.

Anticapitalisme et antisémitisme

L’antisémitisme économique va trouver son premier maître chez Charles Fourrier (1772-1837). Le père du socialisme utopiste déteste la mentalité marchande des juifs. Pour lui, ils incarnent par excellence l’usure et le commerce. Ces positions seront transmises à certains de ses disciples. Pierre Leroux (1797-1871), inventeur du mot “socialiste” attaque ainsi « l’esprit juif, c’est-à-dire l’esprit de gain, de lucre, de bénéfice, l’esprit de négoce et d’agio ». Mais pas forcément les juifs en tant qu’individu ou que peuple. A la différence d’Alphonse Toussenel (1803-1885), journaliste fouriériste qui publie, en 1845, Les Juifs, rois de l’époque : histoire de la féodalité financière en deux fort volumes. C’est un succès en librairie et il va imprégner durablement les esprits.

Dénonçant le pouvoir de l’argent, cet anticapitaliste attaque les juifs, les protestants et les Anglais comme des races affairistes. Pour lui, le judaïsme est la source d’un complot permanent visant à la domination universelle. Son antisémitisme est couplé à un anticléricalisme militant qui le conduit à adresser en 1849 aux « travailleurs de la Seine » une brochure intitulée Travail et fainéantise et sous-titrée Ni prêtre, ni juif. Alphonse Toussenel possède un réel talent de plume qui lui vaut de toucher un large public populaire sous la Monarchie de Juillet. Son influence durable sur Blanqui, Vallès et Proudhon est évidente.

Les propos de Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865) sur les juifs sont révélateurs de sa piètre estime pour le peuple élu. Il partage cette opinion avec Auguste Blanqui à qui on attribuera parfois l’inspiration du livre de Gustave Tridon (1841-1871) sur le Molochisme juif. Très marqués par la Libre Pensée, les blanquistes seront le courant révolutionnaire le plus violemment antisémite et antichrétien. C’est dans ce milieu que vont naître les premières références à une opposition éternelle entre peuples sémites et aryens. « Peuples secs, arides, féroces. L’intolérance est le legs sémitique à notre monde ».

Evolution vers un « antisémitisme scientifique »

A la fin du Second Empire, l’antisémitisme de “gauche” trouve une nouvelle expression dans un racisme se voulant “scientifique”. On nage alors en plein positivisme et culte du progrès, l’antisémitisme doit donc trouver des justifications dans les sciences pour séduire les esprits éclairés des milieux révolutionnaires.

Mélange d’observations ethnographiques et biologiques, le livre d’Albert Regnard, Aryens et Sémites. Le bilan du judaïsme et du christianisme, marque l’apparition de cette nouvelle approche moderniste. Ce docteur en médecine, libre-penseur, évolue dans les marges du blanquisme. Paru en 1890, son livre est le fruit d’une série d’articles dans la Revue Socialiste où il se revendique à la fois de Voltaire et de Darwin. Auguste Chirac est, quant à lui, l’un des fidèles rédacteurs de cette publication théorique. Passionné par les questions économiques, c’est un athée convaincu. Son livre majeur, Les Rois de la République, Histoire de la Juiverie est apprécié des socialistes comme d’Édouard Drumont.

D’ailleurs, la personnalité et la prose d’Edouard Drumont fascinent la presse révolutionnaire d’extrême gauche. L’anticapitalisme sincère de l’auteur de la France Juive rachète aux yeux des athées militants sa profonde foi en Dieu et son catholicisme militant. Il est lu et apprécié par de nombreux socialistes et anarchistes jusqu’au tournant de l’affaire Dreyfus.

La rupture de l'Affaire Dreyfus

A partir de “l’Affaire”, les leaders socialistes bannissent l’antisémitisme de leur discours. Décrété être « le socialisme des imbéciles », il devient un tabou interne. Le séisme représenté par les polémiques liées à cet événement fonde véritablement la gauche moderne. Mais l’engagement dreyfusard ne sera toutefois pas total dans les tendances révolutionnaires.

Les dreyfusards de “gauche” durent batailler ferme auprès de beaucoup de leurs porte-parole pour les entraîner dans la défense du Capitaine. Jaurès le premier fut très réticent avant de s’engager pour la révision du procès de Dreyfus. Chez les anarchistes, l’antimilitarisme d’une part et la défiance envers les origines sociales de Dreyfus d’autre part furent à l’origine d’une large indifférence quant à l’Affaire. Renvoyant dos à dos les deux camps en présence, beaucoup de socialistes révolutionnaires et de libertaires préfèrent au final ne pas prendre part à ce qu’ils estiment être une « mascarade bourgeoise ».

La tendance antisémite de gauche fut très active dans l’Affaire (en particulier les blanquistes), mais elle fut marginalisée progressivement. La naissance d’un véritable courant réformiste au sein du mouvement socialiste permit d’évacuer l’antisémitisme avec les éléments les plus révolutionnaires. Le ralliement au parlementarisme et la saignée de la Première Guerre mondiale devaient mettre un terme à l’antisémitisme révolutionnaire de la Belle Epoque.

Durant l’entre-deux-guerres, l’antisémitisme de gauche se retranche essentiellement dans le courant pacifique et anarchiste. Les juifs sont considérés, non sans quelques arguments, comme étant des « fauteurs de guerre ». A la SFIO, la personnalité de Léon Blum attire pas mal de quolibets sur ses origines raciales dans les cénacles socialistes. A l’inverse si les caricatures de Rothschild existent dans la presse communiste, les staliniens n’utilisent pas ce levier dans leur propagande[1].

La renaissance de l'antisémitisme de gauche : l’antisémitisme tiers-mondiste

Après la Seconde Guerre mondiale, un antisémitisme très « Belle Epoque » réapparaît occasionnellement dans le PCF avec notamment les propos de Jacques Duclos et de Laurent Casanova[2] contre Mendès France (« La France n’est quand même pas ce petit juif marchand de tapis » déclare ainsi audacieusement Laurent Casanova à l’Assemblée nationale) mais ne déborde pas sur la ligne du parti.

C’est véritablement l’apparition du sionisme militant avec la fondation de l’Etat d’Israël en mai 1948 et les conflits arabo-israéliens qui va provoquer une nouvelle forme d’antisémitisme à gauche : l’antisémitisme tiers-mondiste. Avatar de l’anticolonialisme, c’est celui-ci qui va vraiment imprégner l’extrême gauche et aujourd’hui la France Insoumise. Si les mouvements et partis de gauche se défendent actuellement de tout antisémitisme, préférant revendiquer un antisionisme considéré comme partie des « luttes anticolonialistes », un puissant courant antisémite de gauche renaît à partir du tournant du XXIe siècle. La gauche en quête de nouvelles masses d'électeurs et la gauche radicale en quête d'un nouveau « prolétariat révolutionnaire » au sein des masses de populations immigrées, souvent musulmanes, se retrouvent confrontées à un fort antisémitisme religieux, doublé d'un antisémitisme, avec lesquels elles préfèrent s'accommoder.

Articles connexes

Bibliographie

  • Roland Gaucher et Philippe Randa, Les "antisémites" de gauche, Ed. Déterna, 1998, 434 p.
  • Marc Crapez, L’antisémitisme de gauche au XIXe siècle, Berg International. 2002.
  • Antoine Cassagne, « Aux origines de l’antisémitisme de “gauche” », in : Rivarol, N°3566, 17.5.2023

Notes et références

  1. Une grande partie de cette entrée est reprise de l'article d'Antoine Cassagne, art. cit.
  2. Pourtant ancien résistant et dont l’épouse, Danielle Casanova, résistante elle-même, était morte en déportation en 1943.