Yoshinori Kobayashi
Yoshinori Kobayashi (nom véritable Kobayashi Yoshinori - né le 31 août 1953 à Fukuoka - ), est un écrivain, considéré comme proche de l'uyoku dantai et de l'école révisionniste japonaise. Ayant à son actif plus de deux cents livres et mangas, il est surtout connu pour être l'auteur de Gōmanism Sengen (Manifeste pour un nouvel orgueillisme). Après avoir publié cette série, il est devenu l'auteur conservateur japonais de la jeune génération le plus lu et le plus invité dans des débats. Il a fondé et dirige le magazine Wascism (Mes propres principes).
Biographie
Étudiant en littérature française à l'université de Fukuoka, Kobayashi publia son premier manga, Tōdai Itchokusen ( Directement vers Tokyo U), en 1976 dans l'hebdomadaire Shōnen Jump alors qu'il fréquentait encore l'université. Un autre de ses mangas, Obocchama-kun (Le Petit prince), satire présentant la vie d'un fils d'une famille riche à l'apogée de la bulle économique japonaise, gagna en 1989 le Shogakukan Manga Award dans la catégorie mangas pour enfants et fut ensuite adapté en dessin animé et en jeux vidée.
En 1992, il a commencé la publication de Gōmanism Sengen dans le bimensuel Sapio.
Thèses
Dans "Manifeste pour un nouvel orgueillisme" ("Shin gomanisumu sengein"), Yoshinori Kobayashi met en scène un personnage principal qui prend ses propres traits (vêtu de noir, les cheveux plaqués en arrière et portant des lunettes rondes). Il revendique avec virulence le droit de penser par lui-même et dénonce les contre-vérités et le "bourrage de crâne" effectué par des enseignants aux ordres de l’étranger... Se défendant de tout racisme, le mangaka affirme que son jugement repose sur des faits objectifs et des doutes légitimes. Selon lui, le Japon n’a aucune raison de faire des excuses à ses voisins puisqu’il n’est pas responsable des crimes qu’on lui reproche encore.
Dans une autre partie du Manifeste, le Sensôron ("De la guerre"), le mangaka développe la thèse de l’expansionnisme comme guerre de libération des peuples d’Asie. "En Asie orientale, le Japon ne s’est pas battu contre les Asiatiques, mais contre les Occidentaux, ces peuples racistes qui avaient colonisé l’Asie." Ou encore : "Il fallait bien qu’un jour un pays asiatique se révolte contre les impérialistes blancs de l’Occident." Concernant les crimes commis par l’armée impériale japonaise et notamment le massacre de Nankin, Kobayashi les rejette entièrement : "S’il y a bien eu un crime falsifié au cours du procès du Tribunal international de Tokyo, c’est l’incident de Nankin (...). Ils [les vainqueurs] avaient besoin d’un crime qui puisse équilibrer les 300.000 morts japonais d’Hiroshima et de Nagasaki." Et en guise de conclusion : "Nous pouvons être fiers de nos grands-pères, qui ont lutté contre le racisme des Blancs !" Qu’en est-il des Chinois, contre lesquels le Japon s’est battu ? Et des Coréens, dont il a colonisé la péninsule ? Quant aux autres peuples d’Asie, l’auteur n’en fait pratiquement pas mention.
Le départ sans retour des Tokkotai, des hommes valeureux qui forcent le respect pour Kobayashi. Toujours dans le "Sensôron", le mangaka réserve une partie de son discours aux "Tokkotai", ces Forces Spéciales d’attaque spécialisées dans les missions suicide dont 6.000 des membres seraient morts non seulement en tant que pilotes kamikazes mais également dans d’autres types d’attaques (planeurs équipés de rockets, bateaux à moteur bourrés d’explosifs, etc). Kobayashi rejette évidemment l’idée qui a circulé parfois que ces Tokkotai étaient enchaînés à leurs sièges, saoulés ou drogués avant leur mission afin d’engourdir leurs sens. Il refuse, de la même façon, la vision "gauchiste" voulant que les Tokkotai ne fussent que des victimes mortes en vain. Il cite des lettres de pilotes kamikazes afin de prouver qu’ils sont morts volontairement pour leur pays, leur patrie, leurs familles et leur empereur, et inclut la lettre émouvante écrite par Masahisa Uemura à sa jeune fille Motoko.
Dans un style volontairement provocateur, Kobayashi affirme dans son Manifeste pour un nouvel orgueillisme que has made claims that Japanese aggression in World War II was only intended to free Asian nations from Western imperialism[citation needed], Franklin Roosevelt allowed the attack on Pearl Harbor in spite of US counterintelligence to bring America into the war[citation needed], the atomic bombings of Hiroshima and Nagasaki demonstrate a long-standing racism against Japan by the United States[citation needed], kamikaze pilots should be honored for an altruistic spirit that modern society lacks today[citation needed], the Nanking Massacre was propaganda invented by US government and the Communist Party of China[citation needed], and Korean comfort women were volunteers from poor villages and not coerced into sexual servitude by the Japanese military[citation needed].
Among Kobayashi's more recent opinions are that Japan should assist Taiwan independence from China[citation needed], foreign opinion should not be considered by Japanese politicians in domestic issues such as visits to Yasukuni Shrine and textbook revisions[citation needed], terrorist attacks such as those on September 11th will continue in America as long as foreign policy is controlled by neoconservatives[citation needed], and Japan should not support the ongoing Iraq War[citation needed].
In response to harsh criticism of the Aum Supreme Truth cult, a attempt was made on his life by cult members (Kobayashi addressed the incident in later issues of Gomanism)[citation needed].
- Entrée en travaux
Yoshinori Kobayashi, fer de lance des révisionnistes Mais c’est avec Yoshinori Kobayashi et son "Manifeste pour un nouvel orgueillisme", paru à partir de 1995 dans le bimensuel Sapio, que le révisionnisme a véritablement fait son entrée dans le manga. Le mangaka était déjà connu pour avoir été l’un des premiers à discréditer les pouvoirs publics dans une affaire de sang contaminé et en révélant les complicités de la secte Aoum. Kobayashi dénonce le "système de lavage de cerveau sous le nom de Muséum pour la Paix".
Le pouvoir de censure des révisionnistes Les positions tranchées de Kobayashi et de ses amis révisionnistes sur la Seconde guerre mondiale ne reflètent pas bien sûr l’ensemble de l’opinion japonaise; mais le succès en librairie du "Sensôron" (paru en 1998, les ventes ont dépassé 500.000 exemplaires en cinq ans) témoigne de leur audience.
Controverses sur l’histoire en Asie
Le négationnisme dans les mangas La visite, en août 2001, du premier ministre japonais au sanctuaire de Yasukuni, où reposent de véritables criminels de guerre, a relancé la polémique sur un courant révisionniste très en vogue. Dans cette remise en cause des atrocités commises par les troupes impériales en Asie, certains mangas jouent un rôle décisif.
Par Philippe Pons. Depuis une dizaine d’années déferle sur le Japon une vague « révisionniste », qui rejette avec virulence la version de l’histoire nationale mettant l’accent sur les responsabilités du pays dans la « guerre de la Grande Asie » (1930-1945). Un expansionnisme qui avait débuté avec l’annexion de Taïwan en 1895 et de la Corée en 1910, puis la création de l’Etat fantoche du Mandchoukouo en 1931 (1).
Bénéficiant d’un écho dans une partie de la grande presse, le révisionnisme cherche à s’imposer sur le marché des manuels scolaires après être entré en force sur celui de la bande dessinée (manga), médium de masse s’il en est.
A gauche : « Que puis-je faire de mon "orgueillisme" ? » A droite : « Il n’y a pas seulement la guerre avec des fusils, il y a aussi la guerre de l’information, la guerre de propagande. Même aujourd’hui, époque de paix, cette guerre se poursuit. » Cette percée du révisionnisme dans la BD s’inscrit dans une offensive plus générale. La droite japonaise a toujours contesté la vision « culpabilisante » du passé et rejeté l’idée d’agression, niant - ou minimisant - les atrocités commises par l’armée impériale. Elle a réussi dès le milieu des années 1950 à réintroduire un contrôle sur le contenu des manuels scolaires par le ministère de l’éducation afin de contrer le syndicat des enseignants (de gauche).
La bataille pour le contenu des manuels, dans laquelle s’illustra, du côté des opposants à la « censure », le professeur Saburo Ienaga, qui finit par obtenir partiellement gain de cause devant la Cour suprême en 1997 - trente-deux ans après avoir introduit un recours en justice ! -, se poursuit. Après une première tentative des révisionnistes de pénétrer ce lucratif marché, la seconde a également été repoussée : en août, à la quasi-unanimité, les 542 comités éducatifs chargés de choisir les livres scolaires du second cycle pour les circonscriptions régionales dont ils ont la charge ont rejeté le manuel révisionniste (2).
En revanche, le révisionnisme a fait une entrée remarquée dans la bande dessinée avec Yoshinori Kobayashi, dont les albums appellent à un « nouvel orgueillisme » (shin gomanizumu), néologisme récurrent de ses publications qui connaissent un immense succès (lire « Quand le Japon “oublie” ses crimes »).
« Il faut applaudir l’armée japonaise qui a donné une leçon à ces "blancs" racistes européens et américains qui ont colonisé l’Asie de l’Est et qui considéraient les races colorées comme des singes. » Kobayashi n’est pas le seul à utiliser le manga comme support à des messages politiques. Du manga prolétarien des années 1920 et du lendemain de la guerre consacré aux travailleurs et aux opprimés au manga contestataire des années 1960 - époque des grandes luttes sociales contre le traité de sécurité nippo-américain puis des révoltes étudiantes -, qui présentaient l’histoire nationale en termes de lutte de classes, la BD nippone a connu ses périodes d’« engagement ».
Le genre a périclité avec le reflux idéologique des années 1970, mais la BD est restée le véhicule de récits de belles pages d’histoire - telle que l’œuvre, monumentale par son volume et sa qualité, de Natsuo Sekikawa et Jiro Taniguchi, L’Epoque de Botchan (Botchan no jidai) - qui brossent les portraits des grandes figures du début du siècle comme si c’étaient des personnages familiers.
« L’un des crimes du Japon inventés au cours du procès fut le massacre de Nankin. On voulait ainsi attribuer aux Japonais un crime aussi grave que les bombardements atomiques sur Hiroshima et Nagasaki qui firent 300 000 morts. » La seconde guerre mondiale apparaît dans la BD dans les années 1960 avec de grands classiques pacifistes : Touché par la pluie noire (Kuroi ame ni utarete) et Gen aux pieds nus (Hadashi no Gen) de Keiji Nakazawa ou Journal de fuite (Hai no ki) de Shigeru Mizuki.
Au début des années 1990, certains mangas ont « flirté » avec des sujets épineux (tels que le statut des forces d’autodéfense dans Flotte silencieuse (Chinmoku no kantai), de Kaiji Kawaguchi, dans laquelle un commandant japonais de sous-marin déclare celui-ci territoire indépendant. Mais c’est avec Yoshinori Kobayashi que le révisionnisme prend pied, avec la publication à partir de 1995 du Manifeste pour un nouvel orgueillisme dans le bimensuel Sapio.
« Le procès de Tokyo. Au lendemain de la défaite, au mépris du droit international, les puissances victorieuses - Etats-Unis, Grande-Bretagne, Chine et URSS - jugèrent le Japon vaincu au cours d’un procès qui tint d’un lynchage collectif. » Yoshinori Kobayashi (quarante-huit ans) était déjà connu. Il devait sa renommée à une carrière de contestataire : au début des années 1990, il avait dénoncé l’Etat dans l’affaire du sang contaminé qui infecta les hémophiles, puis la secte Aum Shinrikyo (responsable de l’attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo en mars 1995). C’est au milieu des années 1990 qu’il rejoint le courant révisionniste formé autour de l’Ecole pour une vision libérale de l’histoire dirigée par le professeur de pédagogie à l’université de Tokyo, Nobukatsu Fujioka. Il est également membre de l’Association pour le renouveau des manuels d’histoire, formée en 1997 autour de Kanji Nishio, germaniste connu pour sa xénophobie anti-occidentale. Commentateur vedette à la télévision, Kobayashi joue volontiers les provocateurs, défendant ses positions avec un bagou de camelot.
Après la guerre du Pacifique, Kobayashi a pris Taïwan comme sujet de sa série du « nouvel orgueillisme ». Traduit en chinois en février, son dernier album, De Taïwan (Taiwan ron), lui valut d’être déclaré persona non grata dans l’île pour quelques semaines. Son éloge de la colonisation de Taïwan par le Japon (1895-1945) avait été ressenti comme une « offense » par les autorités de Taïpeh.
A gauche : « Dans le Japon de l’après-guerre, la plupart des médias, ainsi que les établissements scolaires, sont devenus des armées de propagande anti-japonaise. » A droite : « Chaque récepteur d’information que nous sommes doit être bon observateur pour lutter contre la propagande anti-japonaise. Nous devons chercher les informations nous permettant d’enrayer ce lavage de cerveau telles que les photographies falsifiées. » (référence à celles du massacre de Nankin) Le succès des BD de Kobayashi, comme celui des livres de ses amis révisionnistes, tels Ce que ne nous apprennent pas les manuels d’histoire (Kyokasho ga oshienai rekishi), de Nobukatsu Fujioka, s’explique par plusieurs raisons. D’abord, un renforcement de la droite nationaliste qui, depuis la fin de la guerre froide, n’hésite plus à apparaître au grand jour. Comptant des hommes politiques et des intellectuels, elle est soutenue par une partie des milieux d’affaires et des sectes religieuses, bénéficiant de la tribune de journaux comme le Sankei.
En arrière-plan d’une réhabilitation du passé destinée à restaurer dans la jeune génération un « sens de la Nation », qu’elle aurait perdu, par une exaltation de la supériorité de la civilisation japonaise, se profilent des enjeux qui dépassent les polémiques sur l’histoire : en particulier la révision de la Constitution, et notamment de son article 9, qui interdit au Japon le recours à la guerre et entrave sa participation à un système de défense régionale collective.
Le révisionnisme profite d’un climat d’inquiétude diffus provoqué par une crise économique dont le coût social commence à peine à se faire sentir. Une partie de l’opinion, fragilisée, est réceptive à son message : une réhabilitation du passé permettant de se replier sur les valeurs traditionnelles d’un « beau Japon » et de résister du même coup à la mondialisation en affirmant une spécificité culturelle, qui fut toujours le discours refuge du Japon depuis son ouverture sur l’étranger au XIXe siècle.
En bons populistes, les révisionnistes savent répondre à l’attirance des Japonais pour l’histoire « contée » : le roman historique est une grande veine de la littérature populaire, comme en témoigne l’énorme succès de Ryutaro Shiba (décédé en 1996), talentueux explorateur de la mémoire nationale (3). Sans jamais atteindre - même lointainement - la qualité des grands romans historiques, les BD de Kobayashi fourmillent d’anecdotes qui ravissent le grand public.
Ce qui fait défaut actuellement au Japon, dont les historiens ont exploré les pages les plus sombres du passé national, c’est une histoire destinée au grand public, capable de faire pendant à un négationnisme qui tend à tenir le haut du pavé du marché médiatique.
Philippe Pons