Scission de la Restauration nationale de 1997
L'historique de la scission de la Restauration nationale de 1997 est le suivant.
Le 18 octobre 1997 certains membres du Comité directeur de l’Action française écrivent une lettre collective à Pierre Pujo pour lui demander d’arrêter la publication du journal L'Action française Hebdo et de déposer le bilan de la société PRIEP qui l'édite en raison de ses difficultés financières.
Pierre Pujo refuse et élabore un plan de redressement financier – comprenant des économies et un appel de fonds exceptionnel aux amis d’AF. Ce plan est approuvé par l’Assemblée générale extraordinaire de la PRIEP qui se tient le 12 novembre.
Xavier de Mello et Hilaire de Crémiers – délégué général de la Restauration nationale – sont les deux seuls actionnaires à voter contre les propositions du Conseil d’administration.
Le 14 novembre Hilaire de Crémiers refuse l’accord que Pierre Pujo lui propose en vue de rétablir la situation financière du journal et de développer le mouvement. Sans prévenir Pierre Pujo, il déménage les dossiers de la Restauration nationale qu’il transporte chez lui avec l’aide de jeunes qu’il avait convoqués, ce qui montre la préméditation.
Au cours des trois mois suivants, Pierre Pujo adresse trois lettres à Hilaire de Crémiers pour lui demander de réintégrer les bureaux du mouvement, demandes restées sans réponse.
Au début de mars, devant la carence d’Hilaire de Crémiers, P. Pujo nomme Nicolas Kayanakis secrétaire général de la Restauration nationale. Il le fait en tant que président du Comité directeur de l’Action française, à qui revient depuis la mort de Pierre Juhel la nomination des dirigeants de la RN.
En juillet 1998, la Restauration nationale (association déclarée), créée en 1990 parallèlement au la Restauration nationale (non déclarée) créée en 1955, intente un procès en référé au directeur de L’Action Française Hebdo pour lui interdire l’usage du nom et du sigle de la Restauration nationale. Hilaire de Crémiers ayant réussi à circonvenir le président de l’association déclarée, Pierre Philippeau.
Le tribunal de grande instance ne voulant pas tenir compte de l’existence de l’association non déclarée – la seule pourtant qui avait une existence réelle, l’association déclarée n’étant qu’une façade juridique créée pour permettre l’ouverture d’un compte en banque. Pierre Pujo est donc condamné à ne plus user de la dénomination et du sigle de la Restauration nationale et à ne plus recueillir de cotisations en son nom. Tout cela sous la menace d’astreintes…
Ce jugement est confirmé en appel, selon la procédure du référé et oblige Pierre Pujo et ses partisans à se manifester sous un nouveau nom : le Centre royaliste d'Action française.
Le 31 août 1998 Pierre Pujo est exclu du conseil d’administration de la Restauration nationale (association déclarée), hors de sa présence et sans avoir la possibilité de se faire entendre.
Au mois d’août 1999, la Restauration nationale (association déclarée) intente un nouveau procès en référé à Pierre Pujo pour non respect de l’ordonnance de l’année précédente au motif que L’Action Française 2000 (nouveau titre de L’Action Française Hebdo) avait continué à user du « sigle » de la Restauration nationale. En fait, P. Pujo avait renoncé, dès la signification de l’ordonnance de référé, à user du sigle « suite d’initiales servant d’abréviation », selon le Petit Robert et « Lettre initiale ou groupe de lettres initiales constituant l’abréviation de mots fréquemment employés » selon le Petit Larousse). En revanche il avait continué à user du logo (« élément graphique d’une marque commerciale » selon le Petit Larousse). L’usage du logo en effet n’avait pas été interdit dans l’ordonnance de 1998.
La présidente du tribunal de grande instance de Paris considéra cependant que « le sigle et le logo, c’est la même chose » et étendit rétroactivement au logo l’interdiction d’user du sigle mentionnée dans l’ordonnance de 1998. Elle condamna ainsi Pierre Pujo à 2.000 F. d’astreinte par numéro, soit pour 29 numéros publiés, 58.000 francs. P. Pujo fit appel. Le 19 mai 2000, la Cour réduisit de moitié le montant de la condamnation (ramenée à 29.000 F.).
En août 2000, P. Pujo déposat un pourvoi en cassation.
En décembre 2000 Hilaire de Crémiers saisit Elie Hatem, avocat à la Cour, d’une proposition de transaction. Il était disposé à renoncer au règlement des astreintes ainsi qu’à celui de ses frais d’avoué, auxquels P. Pujo avait été condamné ès-qualité de directeur du journal de l’Action française. En contrepartie L’Action Française 2000 devait renoncer à donner suite au pourvoi en cassation qu’elle avait pourtant de grandes chances de gagner. Elle devait renoncer aussi à intenter un procès sur le fond aux dirigeants actuels de la Restauration nationale tant sur l’appellation que sur le signe (le logo) du mouvement.
P. Pujo se déclara favorable à cette transaction. Il proposa même de mettre fin à l’ensemble du contentieux entre la Restauration nationale et L’Action Française 2000 en incluant dans la transaction la question des locaux de la rue Croix-des-Petits-Champs où Suzanne Loetscher, gérante de la société immobilière qui en est propriétaire, refusait de consentir un bail au nom de la PRIEP, société éditrice du journal.
Le 30 mars 2001 Hilaire de Crémiers fit savoir à Me Hatem par son avocat qu’il refusait désormais toute transaction.
En juin 2001 l’avoué de la Restauration nationale réclama le montant de ses honoraires que réglait Pierre Pujo (7.646 F. payés par le journal).
Le 21 février 2002 Hilaire de Crémiers fit adresser par la Restauration nationale à P. Pujo un commandement de payer la somme de 29.000 F. + frais divers et intérêts soit un total de 37.324,80 F. (5.690,13 €).
En mai 2002, la Restauration nationale, toujours à l’instigation d’Hilaire de Crémiers, procéda à une saisie-attribution sur le compte personnel de Pierre Pujo pour un montant de 6.081,07 euros, soit près de 40.000 F. Auparavant Hilaire de Crémiers avait rejeté un nouveau projet de transaction élaboré par son avocat et celui de l’AF et auquel P. Pujo avait donné son accord de principe.
Texte à l'appui
La Restauration nationale contre l'Action française !
Analyse que Me Murat, avocat honoraire.
La Restauration nationale, aujourd’hui adversaire de l’Action française, a pour objet d’aider à la propagande de la doctrine de l’Action française. Cette doctrine est régulièrement exposée, adaptée, défendue par l’Action française, d’abord revue, puis quotidien, puis hebdomadaire, présentement périodique bi-mensuel, et ce, pendant une période qui s’étend sur les cent dernières années de notre histoire. Le Centenaire vient d’en être célébré le 20 juin 1999.
Le mouvement politique de l’AF repose sur la volonté commune de servir la Patrie. Son désintéressement est total. Il exige du dévouement et des sacrifices. Les seules ressources pécuniaires proviennent de la vente du journal, des abonnements et des dons. Presque chaque numéro publie une souscription. C’est un continuel appel à la générosité des lecteurs, qui sont ainsi également souscripteurs. Nul autre organe de presse n’a réussi à vivre et à se développer de cette manière. Même pendant l’Occupation, l’Action française repliée en zone libre, refusa les indemnités que l’Etat français versait aux journaux venus s’installer hors de la zone occupée. Seule dans la presse, l’Action française voulut payer le prix de son indépendance en n’acceptant aucune aide financière. Aucune subvention. Aucun privilège.
La Restauration nationale [fondée en 1955] était chargée d’assurer la vente à la criée, dans la rue, de former des militants et des conférenciers, de tenir des camps de vacances où seraient étudiées les questions politiques, économiques et sociales, l’histoire, la civilisation…
L’Action française aime à se définir une amitié. La confiance est exigée par la vie même du mouvement. Cela explique la singularité du conflit actuel. La Restauration nationale retourne contre l’Action française les droits que celle-ci a confiés à des… amis.
Car la vie en société veut que soient respectées les règles juridiques. Pour contracter des obligations, acheter, louer, ester en justice, avoir la personnalité morale il faut se conformer aux lois : rédiger des statuts, déclarer des associations, nommer des présidents ou des secrétaires… Ainsi ont été juridiquement installés les hommes qui avaient la confiance de Pierre Pujo, leur chef.
Que s'est-il passé ?
Quelques unes des personnalités qui appartiennent au Comité directeur de l’Action française, et qui avaient été mises en place par Pierre Pujo à la Restauration nationale, firent un coup de force. Elles estimèrent que le journal était mal administré par lui. Tout en reconnaissant son honnêteté, son dévouement, l’excellence de son travail de journaliste et la haute valeur de son action politique, ils tentèrent de l’évincer. Oubliant qu’ils tenaient de Pierre Pujo l’autorité dont ils étaient investis, sous prétexte de mieux faire, ils décidèrent de se séparer de lui, en gardant pour eux-mêmes les institutions et les choses dont ils avaient reçu le dépôt.
Les gens qui occupaient les postes de la Restauration nationale, bien qu’ils sachent que ces postes étaient moralement soumis à Pierre Pujo, successeur de tous ceux qui ont eu la charge de diriger l’Action française, se sont déclarés les maîtres. Ils se sont servis de l’apparence juridique qui répondait aux besoins de la pratique pour s’emparer des biens à eux confiés et les détourner à leur profit personnel.
Nous assistons à une opération de détournement.
La preuve en est apportée par les écrits, les propos, les lettres, les circulaires des dirigeants de la Restauration nationale. On est étonné des déclarations d’amitié, d’affection qui émaillent cette correspondance. « J’embrasse mon rival… ». Les gens de la Restauration nationale disent, redisent, écrivent, proclament leur amitié pour Pierre Pujo. Leur seul but est de soutenir le périodique L’Action Française 2000. Ils sont unanimes à déclarer que cet organe de presse est indispensable. Ils entendent le soutenir. Aucune dissonance. Maintes fois, la Restauration nationale reconnaît en Pierre Pujo le journaliste qu’il convient d’écouter.
Dans le même temps, la Restauration nationale poursuit Pujo en justice. Elle lui dénie toute autorité ; elle sollicite et elle fait condamner Pierre Pujo « à cesser toute utilisation du sigle et de la dénomination sociale de l’association la Restauration nationale, centre de propagande et d’Action française ; cesser d’appeler ou de prélever toute cotisation sous le couvert de l’association la Restauration nationale, centre de propagande et d’Action française ».
La Restauration nationale a obtenu, en première instance, que « l’astreinte due par Pierre Pujo » soit liquidée provisoirement à 58.000 francs à titre provisionnel.
On croit rêver, ou plus exactement, faire un cauchemar.
Des hommes qui se déclarent fidèles à la lecture de L’Action Française 2000 attaquent eux-mêmes ce même bi-mensuel. Eux, qui se sont chargés de la propager et de rechercher l’argent nécessaire à son fonctionnement, le font condamner à 58.000 francs, provisionnellement et obtienent que lui soient interdits toutes sortes de moyens d’expression : sigle, logo, titre !
Une opposition aussi totale et manifeste entre l’hostilité avouée et agissante de la Restauration nationale et l’objet de ses statuts, ainsi qu’avec les multiples déclarations d’amitié, étonne.
Que veut la Restauration nationale ?
Evincer Pierre Pujo, dont la personnalité est gênante, pour satisfaire des ambitions personnelles ou pour réaliser une opération politique ?
Une chose est certaine :
Alors que la Restauration nationale affirmait sa dissidence, l’ensemble de l’Action française, groupé autour de Pierre Pujo, lui manifestait son attachement. Les adhésions, souscriptions affluaient, donnant le plus éclatant démenti aux rebelles. Le Centenaire de 1999 a prouvé à quel point la Restauration nationale, minorité de trublions, est devenue une tromperie. Elle nuit au mouvement qu’elle prétend servir. La justice bernée par d’habiles manœuvres, défend à L’Action Française 2000 d’utiliser des moyens de propagande qui ont toujours été les siens, et que la Restauration nationale prétend légitimement posséder, alors qu’elle a abusé de la confiance de son mandant et qu’elle cherche à lui nuire.
Outre les propos diffamatoires, outre de nombreuses actions malveillantes, malhonnêtes ou frauduleuses, allant jusqu’au vol, la Restauration nationale se sert de son titre, elle exploite la documentation qui lui a été remise ; elle joue de l’ambiguïté de sa position pour obtenir notamment, au moyen de cotisations ou de dons (versés pour l’Action française), de l’argent qui ne lui est pas destiné.
De tous ces faits il résulte que :
L’Action française et Pierre Pujo qui en est l’âme, sont victimes d’agissements malhonnêtes ; ces agissements moralement répréhensibles ont détourné de leur destination les organismes que la Restauration nationale devait utiliser uniquement pour aider le bi-mensuel L’Action Française 2000.
Ces agissements sont frauduleux, parce qu’ils constituent les manœuvres délictuelles, prévues et punies par le Code pénal. Car les dirigeants de la Restauration nationale, particulièrement Hilaire de Crémiers et Xavier de Mello, se sont servis et se servent abusivement des droits qu’ils détiennent (grâce à la confiance qu’ils inspiraient), comme de moyens destinés à leur obtenir, sous couvert de cotisations ou de dons, des sommes d’argent qui leur sont versées en vue de soutenir L’Action Française 2000 dont la Restauration nationale s’empare à son seul profit.
Qu’ainsi se trouvent réunis les éléments constitutifs de délit d’escroquerie.
Antoine Murat, Avocat honoraire.
Des dissidents qui déraillent
Un texte de Pierre Pujo du 25 septembre 2000.
Vue de l’extérieur, la crise qui a surgi en octobre 1997 à l’Action française est parfois considérée comme une querelle de personnes. C’est là ignorer le fond du différend qui a amené la rupture. Certes, il y a eu la volonté d’un certain nombre de membres du Comité directeur, conduits par Xavier de Mello et Hilaire de Crémiers, de contraindre Pierre Pujo à arrêter la publication du journal sous prétexte de la situation financière périlleuse dans laquelle celui-ci se trouvait. Pierre Pujo ayant refusé, ils ont rompu avec lui.
Certes également, Hilaire de Crémiers, nommé par Pierre Pujo délégué général de la Restauration nationale, ne s’est pas contenté de ce titre, mais a rejeté l’autorité du président du Comité directeur de l’Action française car il voulait être lui-même le chef de l’Action française. Il a alors manœuvré pour s’emparer frauduleusement du mouvement d’AF, la Restauration nationale, en détournant de son rôle l’association déclarée à ce nom qui n’était qu’une facade juridique.
Cependant, entre l’Action française et la Restauration nationale, désormais dirigée par Hilaire de Crémiers, il y a des divergences de fond de plus en plus évidentes qui touchent à la stratégie politique.
Le combat nationaliste
Le programme de l’Action française se résume traditionnellement par la formule "Sauvegarder l’héritage, ramener l’héritier". Hilaire de Crémiers renonce au combat nationaliste : pour lui il n’y a pas « urgence » à se battre pour défendre la souveraineté de la France. S’engager dans ce combat, c’est se livrer, selon lui, à une « agitation » stérile qui ne sert que les ambitions électorales des républicains : on deviendrait, ainsi, leurs supplétifs.
Hilaire de Crémiers condamne dans la foulée, le compromis nationaliste, c'est-à-dire l’alliance des royalistes avec les républicains patriotes pour parer aux dangers immédiats qui menacent le pays. Que la France soit actuellement en danger de disparaître au sein d’un Europe supranationale bientôt dominée par l’Allemagne, cela lui importe peu. Les gens d’AF doivent rester des « purs » et ne se commettre ni avec des républicains, ni avec des gaullistes !
Hilaire de Crémiers détourne ses amis de toute action militante. Sa politique pourrait être qualifiée de « non-assistance à nation en danger ». Il soutient que seule la Monarchie assurera l’avenir de la France et lui rendra sa grandeur. C’est exact, mais, en attendant, il s’enferme dans une sorte de secte, en refusant toute alliance avec des républicains patriotes et en se livrant à des incantations pour appeler de ses vœux une restauration monarchique. La monarchie n’est pas une doctrine abstraite dont il suffit de rappeler les principes pour qu’un jour elle tombe du Ciel et soit restaurée dans sa majesté. Elle ne peut revenir en France que poussée par un courant nationaliste (c’est-à-dire de défense de la nation française) dont la conclusion nécessaire (le nationalisme intégral) est la restauration de la monarchie. Séparer le nationalisme du royalisme, c’est le priver de ses fondements les plus sûrs à notre époque, c’est revenir à la situation du royalisme avant l’Action française, quand celui-ci ne reposait que de vieilles fidélités ou sur des choix arbitraires.
Hilaire de Crémiers ne conçoit l’action politique que sous forme d’un réseau de cercles dont les membres se réunissent en congrès tous les ans. Il rejette toute action sur le terrain. Le compromis nationaliste n’est pour lui que compromission.
Ce faisant, Hilaire de Crémiers renie cent ans de combats où l’Action française n’a cessé d’être à la pointe de toutes les luttes nationales. Elle a exercé constamment une mission de vigilance nationale, dénonçant les fautes commises par les gouvernants, les avertissant aussi des fautes à ne pas commettre, soutenant les initiatives des hommes politiques qui servaient l’intérêt national, recherchant l’alliance des patriotes par-delà les partis face aux dangers les plus pressants. Sans doute l’AF n’a-t-elle pas rétabli la Monarchie, mais elle a préparé les voies à une Restauration en détruisant la République dans les esprits. Il n’a pas dépendu d’elle que la Monarchie soit restaurée à certains moments où le sort de la France a paru vaciller.
Hilaire de Crémiers, en condamnant par principe, toutes les initiatives des politiciens républicains, renonce à l’analyse attentive des faits que Charles Maurras nous a enseignée. Elle consiste à démêler ce qui par exemple est bon dans les intentions ou dans telle mesure prise mais qui est compromis par l’ambition personnelle et surtout par les vices du régime électif. Hilaire de Crémiers renonce à pratiquer l’empirisme organisateur au profit d’une attitude de théoricien dogmatique, jouant au prophète qui annonce le retour prochain de la monarchie. Ce n’est pas là la méthode de Maurras. C’est à partir de l’analyse attentive, serrée de évènements que Maurras a fait son œuvre de une formidable démonstration de la nécessité de la monarchie. Voilà comment l’AF a recruté de nouveaux royalistes et fortifié sans cesse leurs raisons.
L’Action française doit demeurer fidèle à sa méthode politique, à son esprit, à sa stratégie, sinon elle ne serait plus qu’une association d’anciens combattants, une secte ou encore un mouvement activiste promis à être englouti rapidement dans les turbulences de la vie politique. Elle doit continuer, plus que jamais, à rechercher le compromis nationaliste, sans rien aliéner de ses idées, ni de son indépendance, bien entendu.
La Maison de France
Un autre point constitue une divergence de fond entre l’Action française et la Restauration nationale : l’attitude à l’égard des princes de la Maison de France.
Les relations entre l’AF et le chef de la Maison de France ont connu naguère des vicissitudes avec des périodes de plein accord mais aussi d’autres où des malentendus sont survenus.
Depuis le début des années 80, où Pierre Pujo a eu de nombreuses occasions de s’entretenir avec le Comte de Paris défunt, ces relations se sont normalisées sur la base d’une indépendance réciproque, ce qui empêchait pas des contacts réguliers et même la participation de l’AF à certaines initiatives du Comte de Paris. En décembre 1985 Pierre Pujo exposa cette idée d’une indépendance réciproque dans un dîner au Cercle militaire en présence du Comte de Paris, et le Prince voulut bien ajouter ensuite : « Vous avez parfaitement compris ma pensée. »
Or l’attitude d’Hilaire de Crémiers comporte à ces égards des aspects troublants. D’une part, il ne s’est pas rendu à la réception d’Amboise organisée le 17 juin 2000 pour son anniversaire par Mgr le Comte de Paris, Duc de France, alors que celui-ci l’y avait expressément convié en lui demandant d’y faire venir ses amis. Hilaire de Crémiers s’est alors contenté d’y envoyer une délégation de cinq personnes…
Un royaliste ne peut se dérober lorsqu’il reçoit du Prince une invitation.
D’autre part, Hilaire de Crémiers se présente partout comme le porte-parole de S.A.R. le duc de Vendôme, l’accompagne lors de ses voyages et rend compte longuement de ceux-ci dans son bulletin. Nous nous réjouissons que le futur chef de la Maison de France se fasse ainsi mieux connaître des Français et acquière une expérience internationale. Mais il ne paraît pas souhaitable qu’un mouvement politique quelconque tente d’accaparer le dauphin. Il convient de respecter l’indépendance des princes.
Les princes et l’Action française agissent chacun de leur côté. Ils ne se situent pas sur le même plan. Les actions des uns et de l’autre sont complémentaires. Ainsi les princes n’ont pas à s’engager dans le combat politique quotidien comme le fait l’Action française. Toute confusion entre le rôle des uns et de l’autre ne peut conduire qu’à de fâcheux malentendus.
En conclusion, il est clair que si Hilaire de Crémiers était demeuré à l’Action française depuis trois ans, nous aurions été en désaccord sur deux sujets essentiels : le combat contre l’Europe supranationale et l’attitude à avoir vis-à-vis des princes de la Maison de France.
Pierre Pujo.
P.S. Ajoutons que Hilaire de Crémiers a donné naguère une interprétation complètement fantaisiste du Chemin de Paradis ainsi que des poèmes de Charles Maurras. Il présentait notamment Le Chemin de Paradis comme le maître-livre de l’enfant de Martigues. Or cet ouvrage n’est qu’une étape dans la pensée de Maurras, laquelle, alors, n’était pas encore complètement élaborée. Il est totalement erroné de vouloir en faire le livre-phare de l’Action française, fondée bien des années plus tard. Maurras lui-même n’a jamais voulu le considérer ainsi.