Montagne blanche

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Pendant la Révolution française, les députés de l’Assemblée législative de 1791 les plus à gauche prirent le nom de Montagnards (formant le groupe de la Montagne) alors que les députés des bancs les plus modérés prenaient le nom de Plaine ou de Marais.

Sous la Seconde République, les députés de l’extrême gauche (Armand Barbès, Alexandre-Auguste Ledru-Rollin) reprirent le nom de Montagne pour désigner leur groupe politique, tandis que les royalistes légitimistes les plus ultras, partisans de « l'appel au peuple » et convaincus que le suffrage universel aboutirait à rétablir la monarchie, adoptaient le nom de Montagne blanche. Celle-ci aura une influence non négligeable à son époque, au point que Karl Marx l’évoque dans son Manifeste du Parti communiste.

On peut en donner trois caractéristiques :

1 – c’est un mouvement populaire (petits agriculteurs, artisans, tâcherons) opposé à la bourgeoisie louis-philipparde,

2 – c’est un mouvement démocratique qui invoque le suffrage universel comme seul moyen de restaurer la monarchie légitime,

3 – c’est un mouvement qui dépasse les clivages politiques puisqu’il va faire de nombreuses alliances avec les républicains les plus radicaux pour faire obstacle aux candidats bourgeois louis-philippards ou républicains modérés.

Historique

Dès le début des années 1830 et l’avènement de Louis-Philippe, les légitimistes sont apparus très divisés, tant sur le plan de la stratégie à suivre que sur celui des idées. Alors que certains se réfugient dans la nostalgie d’un temps qu’ils jugent eux-mêmes révolu, d’autres envisagent la voie légale, par le biais des élections, évoquant parfois le recours au plébiscite, tandis que certaines franges attendent que la Providence tranche enfin en leur faveur… Une partie non négligeable du courant légitimiste ne craint par ailleurs pas de se tourner vers la solution armée, et ce même après l’échec du soulèvement de la Duchesse de Berry.

Ce serait une erreur de ne percevoir le légitimisme d’alors que comme un mouvement replié sur une simple fidélité dynastique et confit dans le souvenir des Lois Fondamentales… Le légitimisme est pluriel,hétérogène, vivant et vivace.

En son sein existe une tendance dite « royaliste nationale » et animée par Antoine Genoude. Très active dans le Midi et notamment dans le Gard, cette tendance édite plusieurs journaux dont La Gazette du Bas-Languedoc, l’un des principaux journaux politiques de la région, et qui devient vite l’organe du petit peuple légitimiste opposé aux notables du parti. Cette évolution est parfaitement sensible après la révolution de 1848 et la chute de Louis-Philippe. On peut ainsi lire dans ce journal légitimiste en date du 5 mars 1848 : « La France entière et bientôt l’Europe semblent devoir se presser autour du drapeau qui porte cette devise : Liberté, Égalité, Fraternité. Eh bien, nous voudrions que ce drapeau devînt désormais le nôtre, et que la devise fût à tous littéralement et intégralement appliquée […]. Légitimiste ne signifie pas plus monarchie que démocratie ; le républicain est aussi Légitimiste à nos yeux que nous-mêmes. Les uns et les autres, nous croyons que tous les citoyens doivent vouloir ce que veut la Nation, que cela seul est légitime, de Droit divin ».

Ce mouvement, qui prend le nom de Montagne blanche en référence aux Montagnards incarnant l’extrême-gauche, est particulièrement enraciné autour de Nîmes, Uzès, Saint-Gilles et Aigues-Mortes. Effrayés par cette dérive,les autorités et les notables légitimistes reprennent en main La Gazette du Bas-Languedoc et présentent,lors des élections de mai 1849, une liste légitimiste homogène et conservatrice qui est entièrement élue. Les tenants de la Montagne Blanche sont furieux d’avoir été aussi brutalement écartés.

Dès le 1er juillet 1849, ils lancent un nouveau journal, concurrent direct de La Gazette du Bas-Languedoc, et titré L’Étoile du Gard. Sa devise est : « Catholicisme, vote universel, appel au peuple ».

En janvier 1850, une élection partielle permet à la Montagne Blanche de tester sa popularité tout en entraînant l’élection d’un républicain soutenu par les orléanistes et les bonapartistes : Favand (Républicain) : 34.219 voix (49,91%), Du Grail (Comité Légitimiste) : 22.719 voix (33,13%), Lourdoueix (Montagne blanche) : 11.619 voix (16,94%). Il faut noter que les voix de la Montagne Blanche se concentrent à plus de 90% dans les quartiers ouvriers des centres urbains comme Nîmes. A Aigues-Mortes, le candidat de la Montagne Blanche, est très largement en tête du vote des ouvriers des salines. Il y avait là, incontestablement, le ferment d’une expression électorale royaliste et ouvrière. Mais, la loi du 31 mai 1850 restreignant le suffrage universel d’une part, la condamnation du mouvement de la Montagne blanche par le Comte de Chambord d’autre part, et l’instauration de l’Empire enfin allaient avoir raison de cette tentative.

La Montagne blanche fut aussi active dans le Roussillon français, autour de Err principalement, grâce à l’activisme du curé Bonaventure Cotxet. Cotxet était carliste, au double sens du mot : carliste français opposé aux notables locaux orléanistes, il est aussi directement impliqué dans les combats des carlistes catalans au sud de la frontière. Cet adepte de la Montagne blanche, défenseur des “prolétaires”, participa à l’alliance des légitimistes populistes et des républicains ici regroupés autour d’Arago et de son journal L’Indépendant des Pyrénées-Orientales.

1848 donna à Cotxet l’occasion de régler ses comptes avec les potentats locaux, qui, passant sans scrupules de l’orléanisme au républicanisme modéré, ont su aussitôt utiliser à leur profit le suffrage universel. Alors que la crise politico-sociale atteignait son paroxysme, Cotxet porta la lutte sur un plan fondamental : il soutint les aspirations populaires au partage des terres communales, et encouragea les premiers défrichements sauvages. Fin avril 1848, la ville d'Err connut quelques jours de violent affrontement entre partisans du curé et partisans des notables. Cotxet s’impliqua d’autant plus dans cette seule lutte locale que bientôt, au sud de la frontière, ses amis de la coalition carlo-républicaine catalaniste furent vaincus dans la Deuxième Guerre carliste.

Bibliographie

  • Stéphane Rials, Révolution et contre-révolution au XIXe siècle, DUC/Albatros, Paris, 1987.
  • R. Huard, « Montagne rouge et Montagne blanche en Languedoc-Roussillon sous la Seconde République », in Droite et gauche de 1789 à nos jours, Publications de l'université Paul-Valéry, Montpellier III, 1975.