Le mythe des races selon Hésiode

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Au VIIIe siècle avant l'ère vulgaire, le poète grec archaïque Hésiode transcrit le mythe de la naissance des races des dieux et des hommes.

Les races et les âges

Dans son œuvre Les travaux et les jours, l'aède Hésiode fait passer à l'écrit le mythe des races, qui provient de la plud ancienne tradition grecque. Le poète décrit l’apparition de cinq races, qui correspondent chacune à différents âges, suivant une logique d'involution. Tout commence avec l’âge d’or, puis va en se dégradant, pour finir avec l’âge de fer.

Ce mythe est à mettre en relation avec celui de Prométhée, et nous met en lien direct avec le principe des cycles. Cette phase cyclique liée au mythe des races est celle de la phase descendante de la roue du destin. Plus que d’une évolution de l’humanité, c’est ici d’une involution dont il faudrait parler.

Ce genre de régression selon les âges de l’humanité se retrouve dans une autre tradition indo-européenne, celle des Indo-Aryens où il est question de 4 âges de l’humanité classés en différents Yugas (âges):

  • Satya Yuga, l’âge d’or
  • Treta Yuga,
  • Dvapara Yuga,
  • Kali Yuga, l’âge sombre.

Les cinq races mythiques de la tradition grecque sont les suivantes :

  • La race d’or
  • La race d’argent
  • La race de bronze
  • La race des héros
  • La race de fer

Texte d'Hésiode

L'âge d'or

« D’or fut la première race d’hommes périssables que créèrent les Immortels, habitants de l’Olympe. C’était au temps de Cronos, quand il régnait encore au ciel. Ils vivaient comme des Dieux, le cœur libre de soucis, à l’écart et à l’abri des peines et des misères : la vieillesse misérable sur eux ne pesait pas ; mais, bras et jarret toujours jeunes, ils s’égayaient dans les festins, loin de tous les maux. Mourant, ils semblaient succomber au sommeil. Tous les biens étaient à eux : le sol fécond produisait de lui-même une abondante récolte, et eux, dans la joie et la paix, vivaient de leurs champs, au milieu de biens sans nombre. Depuis que le sol a recouvert cette race, ils sont, par le pouvoir de Zeus puissant, les bons génies de la terre, gardiens des mortels, dispensateurs de la richesse : c’est le royal honneur qui leur fut départi. »

L’or symbolise ce qu’il y a de plus noble et de plus pur. C’est une couleur solaire et ouranienne par excellence. Le « temps de Cronos » renvoie aux origines du temps, avant même que les Dieux régnèrent sur l’Olympe. Le lien très étroit entre hommes et Dieux détermine un degré élevé de la condition humaine et de son bonheur. Les mortels vivaient toujours jeunes jusqu’au jour de leur mort. La terre est tellement féconde que les hommes n’ont pas besoin de la cultiver, ce qui pourrait rappeler en quelque sorte le paléolithique, la période qui précède l’agriculture. La paix est elle aussi un élément déterminant car elle nous parle d’une période d’harmonie totale. Le concept « depuis que le sol a recouvert ceux de cette race » est une image pour désigner leur mort, en rappelant que celle-ci se fait par le retour à la Terre-Mère. « Ils sont devenus les bons génies de la terre » contredit en fait le terme de « mortels » pour les hommes, car en devenant des génies, génies que l’on pourrait comparer aux Elfes de la tradition germano-nordique, ils sont devenus en quelque sorte immortels.

L'âge d'argent

« Puis une race bien inférieure, une race d’argent, plus tard fut créée encore par les habitants de l’Olympe. Ceux-là ne ressemblaient ni pour la taille ni pour l’esprit à ceux de la race d’or. L’enfant, pendant cent ans, grandissait en jouant aux côtés de sa digne mère, l’âme toute puérile, dans sa maison. Et quand, croissant avec l’âge, ils atteignaient le terme qui marque l’entrée de l’adolescence, ils vivaient peu de temps, et, par leur folie, souffraient mille peines. Ils ne savaient pas s’abstenir entre eux d’une folle démesure. Ils refusaient d’offrir un culte aux Immortels ou de sacrifier aux saints autels des Bienheureux, selon la loi des hommes qui se sont donné des demeures. Alors Zeus, fils de Cronos, les ensevelit, courroucé, parce qu’ils ne rendaient pas hommage aux Dieux bienheureux qui possèdent l’Olympe. Et, quand le sol les eut recouverts à leur tour, ils devinrent ceux que les mortels appellent les Bienheureux des Enfers, génies inférieurs, mais que quelque honneur accompagne encore. »

L’argent est un symbole lunaire, une lumière qui reflète indirectement celle du soleil. Le terme «inférieur» revendique clairement le concept d’inégalité des races humaines. Cette race d’argent connaît elle aussi un véritable âge d’or, mais c’est un âge qui se limite à celui de l’enfance, car avec l’adolescence tout s’écroule en raison de l’hybris, la démesure et l’orgueil. Le fait que cette race ne sacrifie pas aux Dieux, génère une cassure entre hommes et Dieux. C’est une rupture qui éloigne les hommes de l’âge d’or où hommes et Dieux se fréquentaient en toute amitié. Les hommes d’argent deviennent les génies de l’infra monde, ce qui nous renvoie au symbolisme chtonien lié au monde souterrain des enfers d’Hadès. Mais plus qu’à Hadès, c’est à la Terre-Mère que ces enfers font référence, ce qui fut annoncé dans le texte lorsqu’il est décrit que l’enfant vivait auprès de sa digne mère.

L'ãge de bronze

« Et Zeus, père des Dieux, créa une troisième race d’hommes périssables, race de bronze, bien différente de la race d’argent, fille des frênes, terrible et puissante. Ceux-là ne songeaient qu’aux travaux gémissants d’Arès et aux œuvres de démesure. Ils ne mangeaient pas le pain ; leur cœur était comme l’acier rigide ; ils terrifiaient. Puissante était leur force, invincibles les bras qui s’attachaient contre l’épaule à leur corps vigoureux. Leurs armes étaient de bronze, de bronze leurs maisons, avec le bronze ils labouraient, car le fer noir n’existait pas. Ils succombèrent, eux, sous leurs propres bras et partirent pour le séjour moisi de l’Hadès frissonnant, sans laisser de nom sur la terre. Le noir trépas les prit, pour effrayants qu’ils fussent, et ils quittèrent l’éclatante lumière du soleil. »

Le bronze a l’apparence de l’or, mais n’en possède pas la pureté ni la noblesse. Le lien avec le Dieu Arès confirme que cette race ne connaît pas la paix, et qu’elle se dédie exclusivement à la guerre. Ce rapport avec la guerre se retrouve également avec la désignation «fille du frêne», car le bois de cet arbre servait pour fabriquer les armes. Tous les qualificatifs de ce passage sont directement liés au profil d’un guerrier fort, rude et froid. S’ils succombèrent sous leurs propres bras, c’est qu’ils s’entretuèrent. Ne pas laisser de nom sur terre est une déchéance terrible dans toute société de tradition orale, ce qui était le cas aussi de la Grèce avant l’apparition de l’écriture. À leur mort ce n’est pas la Terre-Mère qu’ils réintègrent comme ceux de la race d’argent, mais bien le royaume obscur du monde des morts, le règne du Dieu Hadès. Quitter l’éclatante lumière du soleil équivaut à rejoindre le monde ténébreux d’Hadès.

L'âge d'airain

« Et, quand le sol eut de nouveau recouvert cette race, Zeus, fils de Cronos, en créa encore une quatrième sur la glèbe nourricière, plus juste et plus brave, race divine des héros que l’on nomme demi-Dieux et dont la génération nous a précédés sur la terre sans limites. Ceux-là périrent dans la dure guerre et dans la mêlée douloureuse, les uns devant les murs de Thèbes aux sept portes, sur le sol cadméen, en combattant pour les troupeaux d’Œdipe ; les autres au-delà de l’abîme marin, à Troie, où la guerre les avait conduits sur des vaisseaux, pour Hélène aux beaux cheveux, et où la mort, qui tout achève, les enveloppa. À d’autres enfin, Zeus, fils de Cronos et père des Dieux, a donné une existence et une demeure éloignées des hommes, en les établissant aux confins de la terre. C’est là qu’ils habitent, le cœur libre de soucis, dans les Îles des Bienheureux, aux bords des tourbillons profonds de l’Océan, héros fortunés, pour qui le sol fécond porte trois fois l’an une florissante et douce récolte. »

La glèbe nourricière est une référence symbolique à la terre. Cette race d’hommes (demi-Dieux) est en fait hors-catégorie car elle pourrait trouver sa place en seconde position. Elle fut placée ici probablement pour respecter la séquence par rapport aux métaux. De plus, si cette catégorie était ignorée, on se retrouverait avec 4 races humaines, ce qui rejoindrait le symbolisme des 4 âges de l’humanité. Une partie de ces demi-Dieux meurt lors des grandes batailles mythiques, ce qui les range eux-mêmes à l’origine des mythes fondateurs. Aux autres sont réservés une existence divine sur une terre idéale.

L'ãge de fer

« Et plût au ciel que je n’eusse pas à mon tour à vivre au milieu de ceux de la cinquième race, et que je fusse ou mort plus tôt ou né plus tard. Car c’est maintenant la race du fer. Ils ne cesseront ni le jour de souffrir fatigues et misères, ni la nuit d’être consumés par les dures angoisses que leur enverront les Dieux. Du moins trouveront-ils encore quelques biens mêlés à leurs maux. Mais l’heure viendra où Zeus anéantira à son tour cette race d’hommes périssables : ce sera le moment où ils naîtront avec des tempes blanches. Le père alors ne ressemblera plus à ses fils ni les fils à leur père ; l’hôte ne sera plus cher à son hôte, l’ami à son ami, le frère à son frère, ainsi qu’aux jours passés. À leurs parents, sitôt qu’ils vieilliront, ils ne montreront que mépris ; pour se plaindre d’eux, ils s’exprimeront en paroles rudes, les méchants ! et ne connaîtront même pas la crainte du Ciel. Aux vieillards qui les ont nourris ils refuseront les aliments. Nul prix ne s’attachera plus au serment tenu, au juste, au bien : c’est à l’artisan de crimes, à l’homme tout démesure qu’iront leurs respects ; le seul droit sera la force, la conscience n’existera plus. Le lâche attaquera le brave avec des mots tortueux, qu’il appuiera d’un faux serment. Aux pas de tous les misérables humains s’attachera la jalousie, au langage amer, au front haineux, qui se plait au mal. Alors, quittant pour l’Olympe la terre aux larges routes, cachant leurs beaux corps sous des voiles blancs, Conscience et Vergogne, délaissant les hommes, monteront vers les Éternels. De tristes souffrances resteront seules aux mortels. »

La race du fer correspond à l’âge sombre. De très nombreuses descriptions rappellent fortement celle du Ragnarok germano-nordique où l’on voit également une société humaine tombée dans la plus grande déchéance. Cette déchéance se caractérise par les pires maux qui soient pour les humains. Souffrance, fatigue et misère sont alors le lot des hommes. Le père qui ne reconnaît plus ses fils et inversement, les vieillards délaissés, tout ceci est une calamité pour toute société païenne, car l’aspect identitaire est baffoué, la famille et le clan sont rompus, les lignées de sang n’ont plus leur valeur sacrée. La notion de fidélité à un serment est elle aussi fondamentale dans toute société païenne, et lorsque le serment n’est plus respecté, c’est toute une civilisation qui tombe dans la décadence. Le passage qui dit «...se plaît au mal» doit être nuancé, car il faudrait en fait plutôt parler «de mauvaises actions» ; rappelons que dans les traditions païennes Bien et Mal absolus sont des notions inconnues qui ne viendront qu’avec l’influence néfaste des monothéismes. «Conscience et Vergogne» sont deux Déesses mineures qui en grec s’appellent Aidós et Némésis, la première étant la conscience individuelle, le semtiment de l’honneur, et la deuxième la conscience collective liée à l’opinion publique.

Ainsi, via le symbolisme des races humaines, des âges de l’humanité, et de celui des métaux, ce mythe nous plonge dans l’essence même de toute spiritualité païenne, spiritualité qui est profondément marquée par la conception des cycles, car la société des hommes n’échappe pas au principe de Vie-Mort-Renaissance qui régit la nature, le cosmos, et le monde des Dieux.

Source

Hésiode, Les travaux et les jours, Les Belles-Lettres, édition de 1928.