La ligue noire

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Les massacres de Lyon
La ligue noire est un chant datant de l'époque de la terreur révolutionnaire : sur l'air de "Aussitôt que la lumière", un chasseur du bataillon de la Déserte écrivit ses paroles.

«  L'élimination des Girondins de la Convention, le 2 juin 1793, et la dictature instaurée par le Comité de salut public dirigé par les Montagnards entraîna de nombreux soulèvements en province. Lyon s'insurgea sous le commandement de Louis-François Perrin, comte de Précy, ancien officier de marine et ancien commandant de la garde de Louis XVI. Assiégée par les armées révolutionnaires de Dubois-Crancé, la ville est bombardée faute de pouvoir être investie. Réduits à la famine, les Lyonnais se battent à moins d'un contre dix. Lyon est finalement prise le 9 octobre 1793 et condamnée à être rasée par la Convention. Fouché, le futur ministre de la police de l'Empire, applique et exécute les Lyonnais au canon !  » (Thierry Bouzard, Anthologie du chant militaire français).

Paroles


I
Aujourd'hui la ligue noire
Vient se livrer à nos coups.
Ami, verse-nous à boire
Et la victoire est à nous.
Triples yeux ! remplis mon verre:
Le vin fait de bons guerriers;
Bacchus mon Dieu tutélaire
Arrosera nos lauriers.
II
Un plat bougre nous menace,
La colère est sur son front.
Crancé, foutre, quelle audace !
Veut nous faire la leçon :
A nous, jour de Dieu, j'enrage !
Nous le fléau des pervers,
Nous dont le mâle courage
Se foutrait de l'univers.
III
Verse donc cher camarade,
De soif tu me fais languir ;
Verse encore une rasade,
Et je veux vaincre ou mourir.
J'en veux foutre cent par terre,
Et de sang tout inonder.
Oui je veux, dans la poussière,
Rouler Albitte et Crancé.
IV
Gauthier, scélérat perfide,
Assassin du Lyonnais ;
Et toi Crancé, parricide,
L'horreur de tous les Français,
Ambitieux sanguinaires !
Les Lyonnais sont tous prêts :
Ils embrassent leurs frères,
Mais puniront vos forfaits.
V
Peut-être au sein de la gloire
Un foutu morceau de plomb
M'enverra sur l'onde noire,
Vers ce bougre de Caron.
Content, je perdrai la vie,
Je m'en fous, j'aurai vaincu ;
Quand on meurt pour sa patrie,
N'a-t-on pas assez vécu ?
V
Femme nargue le veuvage
Quand j'aurai rendu l'esprit ;
Dis-moi, foutre, est-on moins sage
Quand on n'a pas de mari?
Mais garde-toi qu'un faux frère
Te fasse jamais la cour ;
Celui qui tremble à la guerre
Est un Jean-Foutre en amour.
VI
Tout l'univers nous contemple,
Amis frappons-en plus fort ;
Au monde donnons l'exemple,
Aux brigands donnons la mort.
Canonniers ! brûlez l'amorce ;
Redoublons tous nos efforts,
Faisons-leur entrer par force
La vérité dans le corps.
VII
La liberté, la patrie,
Voilà le vœu de nos cœurs !
Pour cette muse chérie
Nous jurons d'être vainqueurs.
C'en est fait, le canon gronde,
Nous ne voulons plus de paix.
Que tous les brigands du monde
Soient aux pieds des Lyonnais!
VIII
Précy conduit nos phalanges,
Les lauriers seront pour nous,
Et du Rhône jusqu'au Gange
On dira que sous nos coups,
Des envoyés sanguinaires
Ont vu près de nos remparts
Une famille de frères
Qui pour père a le dieu Mars.
IX
J'entends une canonnade :
Vite allons à l'ennemi !
Mais avant, une rasade
A la santé de Précy ;
Son nom qu'annonce la gloire
Seul fait trembler Montessuy.
On est sûr de la victoire
Quand on combat avec lui.

Evocation des faits par Pierre Vial


17 octobre 1793 : Lyon l'insurgée est punie

“Verse donc, cher camarade, De soif tu me fais languir, Verse encore une rasade Et je veux vaincre ou mourir”.

Les amateurs des chants de tradition connaissent ce passage de La Ligue noire, présentée comme “le chant des fantassins lyonnais”, dont les paroles datent du siège de Lyon, en 1793, par les troupes de la Convention.

Lyon, florissante depuis la fin du Moyen Age grâce à ses filatures de soie, ses imprimeries, ses banques reliées à l'Italie et à la Suisse, a vu son activité économique péricliter à cause de la Révolution. Au plan politique, “la ville de Lyon était soumise à la dictature d'éléments encore plus extrémistes que les sans-culottes parisiens” (Jean Tulard). La municipalité était dirigée par Marie-Joseph Chalier, surnommé “le Marat lyonnais”, dont les hommes de main, gens de sac et de corde, au nombre de 300, étaient surnommés “les Enragés”. Tout un programme… Programme d'ailleurs d'une grande simplicité : le 28 janvier 1793, Chalier jure, devant l'arbre de la liberté (sic), d'anéantir “les aristocrates, feuillants (c'est-à-dire membres du club des feuillants, partisans d'une monarchie constitutionnelle), modérés, agioteurs, accapareurs et autres usuriers”. Qui correspond à cette terminologie ? C'est Chalier qui en décide, bien sûr. Et comment appliquer ce beau programme ? Réponse évidente : la guillotine. Dans la nuit du 5 au 6 février, une grande rafle permet de saisir toutes celles et tous ceux qui sont, à tort ou à raison, considérés comme des ennemis de la Révolution. Une liste de 900 personnes, intitulée “Boussole des patriotes pour les diriger sur la mer du civisme”, est affichée sur les murs de la ville. Problème technique : comment tuer vite ? Chalier explique devant le club lyonnais des Jacobins : “On les exécutera sur le pont Morand et les cadavres seront précipités dans le Rhône.”

Exaspérés par ce débordement de fanatique sauvagerie, les Lyonnais se soulèvent, en mai, arrêtent Chalier et ses amis qui, après jugement, sont exécutés le 16 juillet. La ville est administrée par des Girondins, comme Biroteau ou Chasset, qui font rapidement une place aux royalistes, conduits par le comte de Précy (“Précy conduit nos phalanges” dit La Ligue noire). Ce militaire de carrière, lieutenant-colonel en 1788, a participé à la défense des Tuileries le 10 août 1792. Quand la Convention décide de briser Lyon par les armes, il quitte ses terres pour prendre la tête de dix mille volontaires en armes et organiser la défense de la ville. L'armée de la Convention est dix fois plus nombreuse, sous les ordres de Dubois-Crancé, Kellermann et Couthon, celui-ci étant le commissaire politique car il fait partie, à Paris, avec Robespierre et Saint-Just, du “triumvirat” qui dirige le Comité de salut public. Entre autres titres de gloire, Couthon avait été l'un des organisateurs de la Grande Terreur (Michelet l'a surnommé “la seconde âme de Robespierre”).

Avec un pareil homme, les Lyonnais pouvaient s'attendre au pire. Ils eurent le pire. Après avoir soutenu un siège très dur, du 14 août au 13 octobre, ne pouvant résister davantage, Précy et les combattants survivants entreprirent de percer les lignes ennemies pour gagner la Suisse. Seule une poignée d'hommes atteignit ce refuge.

Puis la répression s'abattit sur la population lyonnaise. Atroce. La Convention ayant décrété, le 17 octobre, que la ville devait être détruite et ne plus porter que le nom de Commune Affranchie, Collot d'Herbois et Fouché se chargèrent de la besogne. L'un, ancien comédien, avait participé aux massacres de Septembre, l'autre, ancien Oratorien vouant une haine hystérique au clergé, avaient voté la mort de Louis XVI. Tous deux voulaient faire du zèle. Des arrestations massives provoquèrent l'entassement des “suspects” dans les prisons. Il fallait faire de la place. La guillotine ne fonctionnant pas assez vite — le pavage de la place des Terreaux disparaissait pourtant sous le sang —, on emmena, par groupes enchaînés, des centaines de personnes dans la plaine des Brotteaux et on tira sur eux au canon.

Aujourd'hui les restes de ces malheureux reposent dans une chapelle du quartier. Sur les murs sont gravés les noms des victimes de la Terreur. Je m'honore que le nom que je porte soit mentionné neuf fois. Il s'agissait, entre autres, d'un artisan menuisier de 43 ans, d'une Carmélite de 72 ans, d'un apprenti perruquier de 17 ans, d'un aubergiste de 38 ans… Tous dangereux terroristes, comme on peut l'imaginer.