Gustave Le Bon
Gustave Le Bon, né le 7 mai 1841 à Nogent-le-Rotrou et mort le 13 décembre 1931 à Marnes-la-Coquette, est un médecin, anthropologue, psychologue social et sociologue français.
Biographie
Né en 1841, mort en 1931, le docteur Gustave Le Bon est resté célèbre dans l’histoire des idées contemporaines pour son ouvrage historique, La psychologie des foules, paru en 1895. (…) L’influence de Le Bon ne fut pas seulement nationale et française. Son livre fut lu, loué et utilisé dans de nombreux pays étrangers. Aux États-Unis, par exemple, où le Président Théodore Roosevelt déclarait que l’ouvrage majeur de Gustave Le Bon était un de ses livres de chevet. Dans d’autres pays, le succès fut également assuré : en Russie, où la traduction fut assurée par le Grand-Duc Constantin, directeur des écoles militaires ; au Japon et en Égypte aussi, des intellectuels et des militaires s’y intéressent avec assiduité. Cette présence significative de Gustave Le Bon dans le monde entier ne lui évita pourtant pas la fermeture des portes des principales institutions académiques françaises, notamment celles du monde universitaire, de l’Institut et du Collège de France. (…)
Fils aîné de Charles Le Bon, Gustave Le Bon est né le 7 mai 1841 dans une famille bourguignonne. Après des études secondaires au lycée de Tours, G. Le Bon poursuit des études de médecine. Docteur en médecine à 25 ans, il montre déjà les traits de caractère qui marqueront son œuvre future : une volonté de demeurer dans l’actualité, une propension à la recherche scientifique, un intérêt avoué pour l’évolution des idées politiques. En 1870, il participe à la guerre, d’où il retire une décoration (il est nommé chevalier de la légion d’honneur en décembre 1871). Paradoxalement, cet intérêt pour des sujets d’actualité n’interdit pas chez cet esprit curieux et travailleur de poursuivre des recherches de longue haleine. Ainsi en physiologie, où il nous lègue une analyse précise de la psychologie de la mort. Gustave Le Bon est aussi un grand voyageur. Il effectue de nombreux déplacements en Europe et, en 1886, il entame un périple en Inde et au Népal mandaté par le Ministère de l’Instruction publique. Il est d’ailleurs lui-même membre de la Société de Géographie. Et c’est entre 1888 et 1890 que ses préoccupations vont évoluer de la médecine vers les sciences sociales. Le passage du médical au « sociologique » passera vraisemblablement par le chemin des études d’une science nouvelle au XIXe siècle : l’anthropologie. Il rejoindra d’ailleurs en 1881 le domaine de l’anthropologie biologique par l’étude de l’œuvre d’AIbert Retzius sur la phrénologie (étude des crânes).
De cet intérêt est né la « profession de foi » anthropologique de Le Bon, consignée dans L’homme et les sociétés. La thèse principale de ce pavé est que les découvertes scientifiques, en modifiant le milieu naturel de l’homme, ont ouvert à la recherche une lecture nouvelle de l’histoire humaine. Le Bon utilise d’ailleurs l’analogie organique pour traiter de l’évolution sociale. Avant Durkheim, il pose les bases de la sociologie moderne axée sur les statistiques. Il propose aussi une approche pluridisciplinaire de l’histoire des sociétés. Mais, en fait, c’est l’étude de la psychologie qui va fonder la théorie politique de Le Bon.
En observateur minutieux du réel, le mélange des sciences et des acquis de ses lointains voyages va conduire Le Bon à la création d’un outil nouveau : la « psychologie sociale« . La notion de civilisation est au centre de ses réflexions. Il observe avec précision, en Inde et en Afrique du Nord, le choc des civilisations que le colonialisme provoque et exacerbe. C’est ce choc, dont la dimension psychologique l’impressionne, qui mènera Le Bon à élaborer sa théorie de la « psychologie des foules » qui se décompose en théorie de la « race historique » et de la « constitution mentale des peuples« . Rejetant le principe de race pure, Le Bon préfère celle de « race historique« , dont l’aspect culturel est prédominant. Là s’amorce le thème essentiel de toute son œuvre : « le mécanisme le propagation des idées et des conséquences« . À la base, Le Bon repère le mécanisme dynamique de la « contagion ». La contagion est assurée par les 1ers « apôtres » qui eux mêmes sont le résultat d’un processus de « suggestion ». Pour Le Bon, ce sont les affirmations qui entraînent l’adhésion des foules, non les démonstrations. L’affirmation s’appuie sur un médium autoritaire, dont le ‘prestige » est l’arme par excellence.
Le Bon est aussi historien. Il trouve dans l’étude des actions historiques le terrain privilégié de sa réflexion. Deux auteurs ont marqué son initiation à la science historique : Fustel de Coulanges et Hippolyte Taine. La lecture de La Cité Antique, ouvrage dû à Fustel de Coulanges, lui fait comprendre l’importance de l’étude de l’âme humaine et de ses croyances afin de mieux comprendre les institutions. Mais Taine est le véritable maître à penser de Le Bon. Les éléments suivants sous-tendent, selon Taine, toute compréhension attentive des civilisations : la race, le milieu, le moment et, enfin, l’art. La théorie de la psychologie des foules résulte d’une synthèse additive de ces diverses composantes. Mais Le Bon va plus loin : il construit une définition précise, « scientifique », de la foule. L’âme collective, mélange de sentiments et d’idées caractérisées, est le creuset de la « foule psychologique ». Le Bon parle d’unité mentale…
Un autre auteur influence beaucoup Le Bon. Il s’agit de Gabriel de Tarde. Ce magistrat, professeur de philosophie au Collège de France, est à l’origine de la « loi de l’imitation« , résultat d’études approfondies sur la criminalité. La psychologie des foules, théorie de l’irrationnel dans les mentalités et les comportements collectifs (titre de la 1ère partie), offre à Gustave Le Bon une théorie explicative de l’histoire et des communautés humaines dans l’histoire. À travers elle, l’auteur aborde de nombreux domaines : les concepts de race, nation, milieu sont soumis à une grille explicative universelle. (…)
G. Le Bon est un auteur inclassable. Profondément pessimiste parce que terriblement lucide à propos de l’humanité, Le Bon utilise les outils les plus « progressistes » de son époque. Il sait utiliser les armes de la science tout en prévenant ses lecteurs des limites de son objectivité. Observateur des lois permanentes du comportement collectif, Le Bon est un historien convaincu. Il comprend très vite l’importance, en politique, de la mesure en temps. L’histoire est le résultat d’une action, celle qu’une minorité imprime sur l’inconscient des masses. Il constate que cette influence des minorités agit rarement sur la mentalité, donc sur les institutions de ses contemporains. Il y a donc un écart historique entre l’action et la transformation effective du réel. L’élaboration d’une idée est une étape. La pénétration concrète de cette idée est l’étape suivante. Son application enfin, constitue une autre étape. Cette mesure au temps vaut au fond pour tous les domaines où l’homme s’implique. Dans l’histoire bien sûr mais aussi dans la science, dans le politique. Le grand homme politique est simplement celui qui pressent le futur de son présent. Il est la synthèse vivante et dynamique des actions posées par les générations précédentes. L’histoire du passage de l’inconscient au conscient est aussi à la mesure de ce temps. Les institutions et le droit sont les fruits de l’évolution des mentalités[1].
Œuvres
[liste en travaux]
- Les lois psychologiques de l'évolution des peuples, Paris, Félix Alcan, coll. «Bibliothèque de philosophie contemporaine» (1894)
- Psychologie des Foules (1895). Réédition : Paris, Presses universitaires de France, Collection Quadrige, 1988; rééd. Grands classiques de Synthèse nationale, 2021, 166 p.
- Psychologie du socialisme, Paris, Félix Alcan, coll. «Bibliothèque de philosophie contemporaine» (1898). Réédition : Deterna, Collection "Politiquement incorrect", 2008; rééd. La Délégation des siècles, 477 p., 2021
- Psychologie de l'éducation (Flammarion - Bibliothèque de philosophie scientifique - 1902). Réédition : Deterna, Collection "Politiquement incorrect", 2009, préface par Pierre Chaunu
- La Psychologie politique et la défense sociale (Flammarion - Bibliothèque de philosophie scientifique - 1910). Réédition : Deterna, Collection "Politiquement incorrect", 2009
- Les Opinions et les croyances (Flammarion - Bibliothèque de philosophie scientifique - 1911)
- La Révolution française et la psychologie des révolutions (Flammarion - Bibliothèque de philosophie scientifique - 1912). Réédition : Deterna, Collection "Politiquement incorrect", 2008; rééd. La Délégation des siècles, 387 p., 2021
- Aphorismes du temps présent (1913)
- La Vie des vérités (Flammarion - Bibliothèque de philosophie scientifique - 1914). Réédition : Deterna, Collection "Politiquement incorrect", 2008
- Enseignements psychologiques de la guerre européenne (Flammarion - Bibliothèque de philosophie scientifique - 1915). Réédité sous le titre Psychologie de la Guerre, Paris, Éditions du Trident, 2006
- Premières conséquences de la guerre: transformation mentale des peuples (Flammarion - Bibliothèque de philosophie scientifique - 1916)
- Hier et demain. Pensées brèves (Flammarion - Bibliothèque de philosophie scientifique - 1918) Lire en ligne sur Gallica [archive].
- Psychologie des temps nouveaux (Flammarion - Bibliothèque de philosophie scientifique - 1920)
- Le Déséquilibre du monde (Flammarion - Bibliothèque de philosophie scientifique - 1923)
- Les Incertitudes de l'heure présente (1924)
- L'évolution actuelle du monde, illusions et réalités (Flammarion - Bibliothèque de philosophie scientifique - 1927)
- Bases scientifiques d'une philosophie de l'histoire (Flammarion - Bibliothèque de philosophie scientifique - 1931).
Bibliographie
- Michel Korpa, Gustave Le Bon. Hier et aujourd’hui, Paris, Éd. France-Empire, 2011, 390 p.
- Catherine Rouvier, Les idées politiques de Gustave le Bon ou la mesure de l'irrationnel en politique, PUF 1986, préface d'Edgar Faure.
- Catherine Rouvier, Gustave Le Bon, clés et enjeux de la psychologie des foules, Editions Terra Mare, Coll. Les Classiques, 2012
Cité dans
- Brigitte Hamann, La Vienne d'Hitler. Les années d'apprentissage d'un dictateur, préface de Jean Sévillia, Coll. Histoire et document, Éditions des Syrtes, 2014, 512 p.
Citations
- « Dès qu'un certain nombre d'êtres vivants sont réunis, qu'il s'agisse d'un troupeau d'animaux ou d'une foule d'hommes, il se placent d'instinct sous l'autorité d'un chef, c'est à dire un meneur. »
Psychologie des foules