Ezra Pound

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Ezra Loomis Pound, dit Ezra Pound, né le 30 octobre 1885 à Hailey dans l'Idaho aux États-Unis et mort le 1er novembre 1972 à Venise en Italie, était un poète, essayiste, musicien et critique d'art nord-américain.

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Il est considéré comme l'un des plus grands poètes du XXe siècle.

Biographie

Ezra Loomis Pound naquit aux Etats-Unis dans l’Etat d’Idaho en 1885 et mourut à Venise en novembre 1972. S’il a été la plus grande gloire littéraire jamais née dans ce pays, il fut le plus européen de tous ses écrivains. Peu après la fin de ses études (Université de Pennsyvania), il édita la revue Poetr dans laquelle il fit connaître entre autres William Butler Yeats et Thomas Stearns Eliot. Il quitta les Etats-Unis en 1911, quasi définitivement. Il y retourna contraint et forcé après la seconde guerre mondiale.

Il s’installa en Angleterre où il fonda le mouvement “imagisme” et en rédigea, en 1914, la première anthologie “Hommage à Properce” où il parle de la décadence de l’Empire Romain. Il prophétisa ensuite la chute de l’Empire britannique dans “Hugh Selwyn Mauberley”. Il évolua lentement vers une perception “vorticiste”, mouvement qu’il opposa aux esthétiques antérieures ainsi qu’au conservatisme anglais. Tout naturellement, le vorticisme voulait être une esthétique appropriée au monde de son temps. L’œuvre principale, la plus connue, les Cantos, contient 117 poèmes dont la rédaction s’étale de 1917 à 1968. On y découvre l’envergure prodigieuse de son talent et l’immensité de sa culture. Il y utilise les principales langues européennes ainsi que le mandarin, qu’il maîtrisait au même titre que l’arabe. Quoique l’anglais prédomine, il se sert abondamment d’expressions provençales, grecques, latines, françaises, espagnoles et surtout italiennes, affirmant que certaines idées doivent être exprimées dans leur langue initiale pour ne pas les altérer. On est loin ici des camarillas contemporaines pour lesquelles la traduction mensongère est la base du commerce de niaiseries pieuses. Les mafias s’abattront sur lui, authentique génie - hors du commun - de la littérature du XXème siècle. Le motif de la haine fut que, depuis l’Italie qu’il aimait tant, il parla à Radio Rome durant la seconde guerre mondiale, incitant les USA à ne pas entrer dans le conflit puis se faisant l’avocat d’une paix honorable.

Lorsque l’Italie fut envahie par l’armée US avec l’aide de la mafia italienne, Pound fut arrêté, enfermé dans une cage exposée aux intempéries. On n’oubliera pas qu’aux Etats-Unis il fut condamné à la prison pour trahison. Parce que le monde de la culture devait beaucoup au poète, quelques personnalités dont Hemingway, qu’on saluera donc au passage, obtinrent son transfert dans un hôpital psychiatrique. Lorsqu’il put enfin sortir, il abandonna les USA au profit de l’Italie qui avait été une Patrie adoptive. En arrivant il promit de ne plus faire de déclarations, après avoir affirmé que finalement il avait pu sortir d’un asile d’aliénés peuplé de 180 millions d’habitants. On se souviendra aussi qu’en descendant du bateau Christophe Colomb qui le déposa à Naples le 9 juillet 1958, il salua à la Romaine sa patrie d’adoption.

Œuvres

  • Esprit des littératures romanes, traduction de Pierre Alien, 1966, C. Bourgois
  • A.B.C. de la lecture, traduction de Denis Roche, Gallimard, 1967, collection "Idées"
  • Le Travail et l'Usure, traduction de Patrice de Nivard, 1968, Éditions l'Âge d'Homme
  • Je rassemble les membres d'Osiris, traduction de Jean-Paul Auxeméry, Claude Minière, Margaret Tunstill et Jean-Michel Rabaté, Tristram, 1989
  • Henri Gaudier-Brzeska, traduction de Philippe Di Meo, Tristram, 1992
  • Les Cantos, Flammarion, traduction de Jacques Darras, Yves di Manno, Philippe Mikriammos, Denis Roche et François Sauzey, 2002 - rééd. 2013
  • Canti postumi, a cura di Massimo Bacigalupo (textes en anglais avec traduction italienne en regard). Milano, Mondadori, 2002
  • La Kulture en abrégé, traduction de Yves di Manno, Éditions de la Différence, 2002
  • Sur les pas des troubadours en pays d'oc, traduction de Béatrice Dunner, Le Rocher, 2005
  • Comment lire, traduction de Philippe Mikriammos, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2012
  • Des imagistes, traduction de Philippe Blanchon, Éditions de la Nerthe, 2014
  • Posthumous Cantos, edited by[Massimo Bacigalupo, Carcanet, 2015
  • Antheil et le traité d'harmonie, traduction de Philippe Mikriammos, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2015
  • Les cantos pisans, traduits de l'anglais par Denis Roche. Paris, Points, 2016.
  • Anthologie classique définie par Confucius, introduction et traduction de l'anglais par Jean-Paul Auxeméry, Paris, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2019


Citations

  • « Si un homme n'est pas prêt à affronter un risque quelconque pour ses idées, ou bien ses idées ne valent rien, ou bien c'est lui qui ne vaut rien. »
  • « Un esclave est celui qui attend que quelqu'un vienne le libérer. »
  • « La seule culture que je reconnais est celle des idées qui deviennent action. »
  • « Si je tombe, je ne tombe pas à genoux. » Canto 74, in Cantos Pisans, trad. Denis Roche, Éditions de l’Herne, 1965

Textes à l'appui

« Nous qui avons franchi le Léthé », Notes sur Ezra Pound, par Luc-Olivier d'Algange

Les contempteurs d'Ezra Pound, qui tentent, avec une mauvaise foi plus ou moins notoire, de réduire son œuvre à l'idéologie, non moins que certains épigones qui la réduisent à un « travail d'intertextualité », exclusivement justiciable d'une sorte de critique littéraire para-universitaire, passent, mais c'est leur rôle, à côté de la réalité magnifique des Cantos en tant qu'aruspices. Ces mots sur la page, disposés en vol d'oiseaux, exigent un envol de la pensée, un envol, c'est à dire une conversion herméneutique qui, par-delà les écueils de l'analyse, nous portera jusqu'aux espaces ardents du déchiffrement.

Les Cantos sont, dans l'histoire de la poésie mondiale, un événement unique. Rien n'y ressemble de près ou de loin. Tout au plus pouvons-nous laisser se réverbérer en nous, à son propos, les ors fluants de la prosodie virgilienne, un art odysséen de la navigation, et le dessein récapitulatif et prophétique de La Divine Comédie. L'œuvre ne choisit pas entre l'amplitude et l'intensité, entre l'horizontalité et la verticalité. La vastitude des Cantos loge des formes brèves, des aphorismes qui s'ouvrent allusivement sur d'autres vastitudes. Pound est, avec Saint-John Perse, l'un des très-rares poètes modernes à ne point dédaigner ni le réel, ni le mythe. Les hommes dans le poème de Pound tracent les figures de leurs destinées entre les choses et les dieux. De surprenantes collisions s'opèrent, les temporalités se rencontrent et se traversent selon leurs propriétés et selon leurs signes.

Cette apparente confusion est le véritable « ordre » de la pensée. Il importe, en effet, de laisser au devenir, à l'histoire, leurs puissances et leur plasticité, et aux figures éternelles, leur éternité. Entre le mercure historial et le souffre de la flambée prophétique, le poète cristallise le sel de la sapide science. Le savoir est saveur. Le Gai Savoir d’Ezra Pound, relié aux arts poétiques romans, allège le monde. Ce monde si lourd, ce savoir si pesant, ce plomb des choses mortes et insues, la prosodie d’Ezra Pound les relance, les laisse voltiger dans les hauteurs et il nous livre, nous lecteurs, à ces prodigieux mouvements météorologiques ! Les Cantos frappent d'inconsistance une grande part de la poésie moderne, subjective, minimaliste ou sentimentale qui s'efforça d'abaisser le langage humain dans ses ressources, de rompre le pacte métaphysique unissant l'Aède à la Mesure et la pensée humaine à la diversité du monde.

Une erreur banale consiste à prendre les Cantos comme un chaos de formes, de citations, d'interférences, une machinerie sauvage d'hyperliens, pour user du jargon informatique, une rébellion polysémique contre l'ordre, la mémoire et le sens. C'est oublier qu'Ezra Pound, en bon confucéen, se voulut d'abord défenseur de la tradition, c'est à dire de la transmission du sens, de la déférence et des préséances, servant et créateur d'une Mesure sensible et métaphysique aux antipodes de l'outrecuidance de la pensée « anarchiste ».

Rien, dans cette oeuvre souverainement libre, ne se réduit à ce qui est devenu, hélas, un dérisoire mot d'ordre bourgeois: « Ni Dieu, ni Maître ». Le paradoxe n'en brille que d'un plus vif éclat. Les Cantos sont le récit de l'histoire du monde, disposés dans le ciel de la mémoire humaine, en ressouvenir du ciel de l'immémoire surhumaine, et offerts à notre déchiffrement. Nulle obscurité mais d'impérieuses lucidités. Nous ne sommes plus dans le stupide dix-neuvième siècle des téléologies évolutionnistes, ni dans l'abominable modernité fondamentaliste du vingtième siècle, mais dans une autre logique, traditionnelle et prospective, qui sera peut-être l'inventrice de l'Europe du prochain millénaire, si toutefois elle survit au ravage.

L'énigmatique « Il faut être résolument moderne » de Rimbaud trouve dans l’œuvre d’Ezra Pound à la fois son explication et son application. Etre moderne, pour Rimbaud c'est trouver la juste Mesure avant même que l'accord ne résonnât dans le monde. En ce sens, être moderne, c'est être, à l'évidence contre ce composé de toutes les paresses « progressistes » qui est le propre du « monde moderne ». Etre moderne au sens rimbaldien, c'est précisément inventer, comme le fait Ezra Pound, la prosodie de l'avenir, c'est être aruspice, c'est déchiffrer dans l'intemporel les lignes annonciatrices du plus grand avenir par fidélité à la mémoire et à la tradition. « Tout ce qui n'est pas Tradition est plagiat » écrivait Eugenio d'Ors, en échos avec Nietzsche: « L'homme de l'avenir est celui aura la mémoire la plus longue ». La remémoration des configurations décisives de notre passé n'est point nostalgique, elle est le dispositif nécessaire de toute reconquête.

Pound exige beaucoup de son lecteur, c'est sa façon de l'honorer, de le considérer comme son égal. Il est impossible de lire les Cantos sans parcourir les espaces, les savoirs, les songes qu'Ezra Pound lui-même parcourut pour les écrire. Les Cantos sont, à cet égard, une prodigieuse mise en demeure. Ils nous somment de vaincre notre paresse et notre ignorance. Ces chants sont des passerelles entre des mondes qu'il nous faut élever hors de l'oubli par l'attention et la remémoration. Le confucianisme de Pound est ainsi une méditation sur la Mesure qui unit le Ciel et la Terre, les configurations célestes, que traversent les formations ailées des vocables et les événements de l'histoire du monde.

Cette oeuvre d'un cosmopolitisme supérieur (et il faudrait un jour définir en quoi le cosmopolitisme impérial des « grands européens », pour reprendre la formule de Nietzsche, diffère fondamentalement du mondialisme uniformisateur) n'est point sans évoquer les langues de feu de ces véritables apôtres que sont les poètes qui consentent aux périls et aux gloires de l'aventure poétique. Alors que la démocratie universaliste enferme, de fait, les hommes dans des communautarismes a-historiques, le cosmopolitisme d’Ezra Pound, dans sa perspective impériale et confucéenne, œuvre à la recouvrance des possibilités abandonnées de l'aventure poétique, virgilienne et orphique, qui discerne, au-delà des langues, la vérité épiphanique de la vox cordis et de cette expérience métaphysique fondamentale qui préside à la fois au chant des poètes et à la naissance des civilisations. Des civilisations naissent et meurent, et le poète s'y intéresse en premier lieu car ces civilisations naissent et meurent dans le chant des poètes. Les poètes n'accompagnent pas la naissance des civilisations, ils la précèdent. Il faut, disait Rimbaud, « tenir le pas gagné ».

« La poésie ne rythmera plus l'action, elle sera en avant ». A dire vrai, en avant, elle le fut de tous temps. Le « toujours » du poème devance l'histoire dans laquelle elle s'inscrit et qu'elle déchiffre, comme son reflet éblouissant. Le poète cherche sa Mesure; la civilisation est une Mesure trouvée. Toutes les questions de philosophie politique ou de métaphysique trouvent leur répons dans une prosodie. Il importe seulement de ne pas confondre cette Mesure avec une demi-mesure, ou avec un compromis, autrement dit une commune-mesure. La Mesure métaphysique ne prend son sens et son efficience que par le point surplombant qui la définit.

Le songe dont naissent les civilisations, et qui chante antérieurement dans toutes les langues dans l'entendement est d'une simplicité surhumaine. Par la récapitulation enchantée de l'histoire humaine (on ne saurait méconnaître que nous sommes désormais, pour le pire et le meilleur, héritiers de l'histoire du monde) les Cantos d'Ezra Pound nous convient à rien moins qu'au dépassement de nous-mêmes et à la conquête d'une surhumanité rayonnante dans la parousie de tous les chants destinés à traverser la mort, comme des âmes infiniment fragiles et glorieuses sur la barque léthéenne. C'est au moment où tout s'efface que la poésie castalienne nous fait le signe qui nous dit que tout recommence. Le poème est écrit en diverses langues, non par goût de la confusion des genres, ou du métissage, mais pour l'excellente raison que, dans l'ordre de la poésie, tout ce qui est dit est traduit d'un silence antérieur:

« Luit Dans l'esprit du ciel Dieu qui l'a créé plus que soleil en notre œil. »

Bibliographie

  • Adriano Scianca, Ezra Pound et le sacré, trad. Gérard Boulanger, Éditions de la Nouvelle Librairie, coll. « Longue mémoire », 2023.
  • John Tytell, Ezra Pound, le volcan solitaire, Ed. Seghers, 1984; rééd. éditions du Rocher, 2002, 464 p.
  • Dominique de Roux, Michel Beaujour (dir.), Cahier Ezra Pound, Éditions de l'Herne, Cahiers de l'Herne, n° 6 et 7, Paris, 1965 et 1966
  • Luca Gallesi, Ezra Pound educatore, Terziaria, 1997.
  • Humphrey Carpenter, Ezra Pound : Biographie, Belfond, 1998.
  • Lucas Hees, Moi, Ezra Pound, déjà pendu par les talons à Milan, éditions du Rocher, Monaco, 2005.
  • Claude Minière, "Pound caractère chinois", Gallimard, collection L'Infini, Paris, 2006.
  • .Luca Gallesi, Le origini del fascismo di Ezra Pound, Edizioni Ares, Milano, 2005.
  • Demetres Tryphonopoulos, The Celestial Tradition: A Study of Ezra Pound's "The Cantos", Wilfriid Laurier University Press, Waterloo, Ontario, Canada, 1992.
  • John Tytell, Ezra Pound, le volcan solitaire, éditions du Rocher, Monaco, 2002.
  • Ezra Pound et les Troubadours, colloque de Brantôme en Périgord, 1995. Textes réunis par Philip Grover, fédérop, 2000.
  • Mary de Rachewiltz, Ezra Pound éducateur et père - Discrétions, traduit de l'anglais par Claire Vajou, éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2017.
  • Marjorie Perloff, The Dance of the Intellect: Studies in the Poetry of the Pound Tradition, éd. Northwestern University Press, 1986
  • Dominique de Roux, Le Gravier des vies perdues, Lettera Amorosa, 1974 ; réédition Le Temps qu'il fait, 1985 ; réédition Editions Pierre-Guillaume de Roux, 2017
  • Pierre Rival, Ezra Pound en enfer, préface de [Michel Onfray]], Editions de l'Herne, Paris, 2019, 254 p.
  • Massimo Bacigalupo, The Forméd Trace: The Later Poetry of Ezra Pound. New York, Columbia Univ. Press, 1980
  • Massimo Bacigalupo, L'ultimo Pound. Roma, Edizioni di storia e letteratura, 1981