De La Rey

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Soldats boers
Cette chanson en langue afrikaans a causé un séisme politique à sa sortie en Afrique du Sud. Composée par Sean Else et Johan Vorster, elle est chantée par Bok van Blerk. Elle est tirée de l’album Jy praat nog steeds my taal (mars 2006), ressorti sous le titre de sa chanson principale « De La Rey » en septembre 2006.


Une chanson-témoignage sur la guerre anglo-boer de 1899-1902

Disque de platine en 2007, la chanson est un hommage au général boer Koos de la Rey (1847-1914), qui s’était opposé à la guerre avec les Britanniques en 1899 parce qu’il pensait que les républiques boers ne pourraient pas la gagner et y perdraient leur liberté. Une fois la guerre commencée, de la Rey s’était loyalement engagé dans la bataille avec un héroïsme reconnu et avait battu les Britanniques lors de la bataille de Magersfontein. Il sera ensuite un terrible chef de guérilla, dans la seconde phase de la guerre. Incapables de maîtriser la guérilla boer par des moyens militaires, les Britanniques appliqueront la politique de la terre brûlée et déporteront les civils boers (en grande majorité des femmes et des enfants) dans des camps de concentration, où 26.000 personnes mourront dans des conditions misérables. C’est cet épisode tragique que rappellent la chanson et la vidéo musicale.

Des centaines de volontaires français et européens s’engagèrent aux côtés des deux petites républiques boers - l'État libre d'Orange et le Transvaal - respectivement fondées en 1854 et en 1857 puis annexées l'une en 1900, l'autre en 1877 durant trois ans puis en 1902, assaillies par l’insatiable Empire britannique (la superpuissance de l’époque). La guerre, livrée principalement pour des motifs économiques (les mines d’or et de diamant), opposa 83.000 combattants boers à 350.000 soldats britanniques. Le général de la Rey accepta de rencontrer le maréchal Kitchener le 11 mars 1902 pour discuter des conditions de paix. Celle-ci fut signée le 31 mai 1902 et les Boers vaincus durent renoncer à leur indépendance.

Le succès foudroyant de la chanson a causé la surprise générale. Ses paroles éveillent un écho profond chez les Afrikaners qui se sentent menacés dans leur identité et exclus de la nouvelle Afrique du Sud. Lors d’un concert donné par Bok van Blerk au stade Loftus Verveld de Pretoria en 2006, plus de 22.000 spectateurs ont repris le refrain avec le chanteur. Le chant est repris par les jeunes Afrikaners lors des concerts et des rencontres sportives, et joue quasiment le rôle d’un nouvel hymne national afrikaner. Le chant du cygne pour la dernière tribu blanche d’Afrique ?

Paroles de De La Rey


(Bok van Blerk, 2006)

Sur une montagne dans la nuit
Nous attendons couchés dans l’obscurité,
Dans la boue et dans le sang
Je reste étendu transi de froid,
Le vent et la pluie me transpercent.
Et ma maison et ma ferme
Ont été réduites en cendres
Afin qu’ils puissent nous capturer,
Mais ces flammes et ce feu
Brûlent maintenant tout au fond,
Tout au fond de moi.

Refrain :

De la Rey, De la Rey,
Viendras-tu guider les Boers ?
De la Rey, De la Rey
Général, général, comme un seul homme
Nous nous rassemblerons autour de toi
Général De la Rey !
Ecoutez les Kakis [= les Anglais] qui rient,
Nous ne sommes qu’une poignée
Contre toute leur puissance,
Nous sommes le dos à la falaise,
Ils pensent que tout est fini,
Mais le cœur d’un Boer
Est plus fort et plus grand
Qu’ils ne le pensent.
Sur son cheval il arrive au galop,
Le Lion du Transvaal de l’Ouest.

[Refrain]

Parce que ma femme et mon enfant
Dépérissent dans un camp,
Et parce que la vengeance des Kakis
Se déverse sur une nation
Qui un jour se relèvera.

[Refrain]

De la Rey, De la Rey,
Viendras-tu commander les Boers ?

Liens externes



Texte à l'appui

A propos de la guerre du Transvaal

En dehors du prolétariat belge et hollandais, lié aux paysans boers par une sorte de parenté de race, de langage et de tradition, il ne semble pas que le prolétariat mondial s’émeuve bien profondément de cette guerre et de la façon dont elle est conduite. On n’en parle guère que d’une façon un peu académique. En Allemagne, en Autriche, en France, c’est la bourgeoisie libérale et patriote qui s’émeut le plus volontiers. Le cri d’horreur que chaque citoyen des grands pays européens devrait pousser chaque jour à la lecture de son journal, semble s’arrêter sur le bord de ses lèvres. Les actes publics, les meetings, sont peu nombreux; peu nombreux surtout, ceux qui sont proprement prolétariens. Les souscriptions en faveur des pauvres femmes et des malheureux enfants boers ne sont fructueuses que dans la classe moyenne et les gros sous de l’ouvrier français ou allemand ne tombent guère de ce côté-là.

Non seulement le mouvement d’opinion ne se fait pas sentir à la surface de la vie publique, mais même on peut mesurer la sorte d’indifférence du public à la place exiguë qui est faite dans les journaux socialistes et les revues à la guerre du Transvaal. Il y a des jours même où la rubrique “Transvaal” disparaît de certains journaux populaires, même de certains journaux socialistes. Les lecteurs européens souffrent ces intermittences, ces négligences. Ils feuillettent d’un œil distrait les pages des revues ou ils parcourent les quelques lignes des journaux où il est parlé du Sud-Africain.

Quelles sont les causes de cette sorte de torpeur qui fait que des masses pourtant unanimes à blâmer ne réussissent pas à se soulever, à s’indigner, à agir? Tâchons d’en démêler quelques-unes.

D’abord, la guerre dure depuis longtemps, et, comme on dit, « l’habitude émousse la sensation ». C’est donc sans émotion trop vive qu’on lit tous les jours le tableau de gibier humain (bag, textuel, dans les dépêches), que Lord Kitchener envoie au ministère de la guerre anglais. Les captures, les tueries n’intéressent plus. Dans les premiers temps ce fut passionnant de voir l’Angleterre aux prises avec deux petites républiques, de voir ses armées mercenaires battues assez dramatiquement. Depuis, la guerre se poursuit de façon trop monotone, ce sont des prises de convois, des engagements isolés, des traînards faits prisonniers. Il n’y a plus le bruit des fanfares, le tonnerre des coups de canons, les assauts repoussés, les déroutes de toute une armée, ce ne sont plus que de pauvres paysans, agissant par bandes, dont on n’entend parler que quand ils sont tués, blessés, pris, fusillés, internés. Seul, de Wet garde encore pour le public européen une certaine auréole légendaire. Et les journaux illustrés publient des dessins faits de chic où nous voyons des commandos, dans la nuit, grimper pieds nus le long d’un précipice. Les autres, des braves gens qui se bornent à tirer de loin sur l’envahisseur incendiaire, sont sans éclat romanesque. Ils ne fournissent pas de bons sujets de copie : parler d’eux ce n’est pas même amuser la foule, c’est l’ennuyer sans profit. « La vendetta de Belleville », les luttes de bandes de souteneurs en plein Paris, voilà le vrai fait dramatique, le fait du jour. — Marne en Angleterre, l’émotivité se réduit. Les listes de morts, tués et blessés, réformés, malades, rapatriés et disparus, que publie le Times à sa 7ème page, sont longues : qui sait de quelle longueur elles seraient si elles étaient complètes ? Mais il ne semble pas que le deuil qu’on porte en Angleterre soit bien profond. La reine Victoria est morte depuis un an et déjà les drawing rooms de la cour, autour d’Edouard, l’ancien viveur, vont reprendre, avec l'éclat qu’ils avaient dans l’autre siècle autour de ces deux autres viveurs, Georges III et Georges IV. L'Angleterre perd pourtant autant d’hommes chaque mois qu’elle en perdait il y a deux ans. Mais elle est devenue indifférente; elle vit à côté de la guerre qu’elle fait, comme on vit à côté d’une épidémie.

Ensuite tout ceci se passe bien loin. Les peuples dits civilisés ne sont pas encore parvenus au point où la conscience internationale des peuples peut s’exprimer et agir. Cela ne se passe pas sous nos yeux et cela n’émeut pas, parce que les hommes de race européenne n’ont pas encore réussi à se considérer comme une sorte de famille solidaire où l’on souffre des malheurs des uns, où l’on s’indigne contre les cruautés ou les crimes des autres. Il est certain, d’ailleurs, que « l’opinion européenne » se manifeste de moins en moins. Personne ne pense plus à la Pologne; les Finlandais ont été dépossédés de leurs droits, les étudiants russes sont massacrés, déportés, tyrannisés, les Magyars oppriment les Roumains de Transylvanie, les Roumains oppriment les Juifs roumains. Ces crimes sociaux, constants, permanents, réussissent à peine à susciter les cris des victimes. Le principe des nationalités lui-même ne joue plus le rôle qu’il a joué dans les trois premiers quarts du siècle dernier. Il ne survit plus que sous la forme honteuse, dégénérée, inhumaine, du nationalisme allemand ou français, du panslavisme, ou de la mégalomanie italienne. L'Europe ne s’émeut même plus de ce qui se passe en Europe. — A plus forte raison ne s’émeut-elle pas de ce qui se passe loin d’elle. Les Boers sont loin. Ce sont des blancs, il est vrai ; ce sont des chrétiens et ils ont même pour eux les pasteurs allemands, hollandais, français et suisses. Ils sont braves, ils sont malheureux, on le sait vaguement, mais l’émotion ne suit pas l’idée. Les classes bourgeoises ont oublié leur patriotisme qui les poussait à sauvegarder le patriotisme des autres : le temps n’est plus où les fils de la bourgeoisie libérale combattaient avec Garibaldi, où l'Angleterre et la France protégeaient les patriotes. La classe ouvrière des divers pays n’est pas arrivée à la notion de son internationalisme. Chauvins, les ouvriers anglais, lecteurs de la Daily Mail ; chauvins, les ouvriers français lecteurs de L’Intransigeant"" ; chauvins, les ouvriers catholiques des provinces rhénanes ; chauvine, presque partout, la classe des paysans. Nous sommes encore infiniment loin de la véritable conscience humaine, celle qui doit faire que les hommes soient un jour solidaires entre eux comme le sont aujourd’hui les citoyens d’une même nation.

Peut-être, d’ailleurs, nous autres socialistes, avons-nous à nous reprocher quelque chose en l’espèce. Les questions politiques priment trop notre humanitarisme : les horreurs de l’expédition chinoise, les crimes de la colonisation; les Philippins écrasés; les marches sanglantes des Kitchener, des Stanley et des Voulet-Chanoine en Ethiopie, au Soudan, dans l’Afrique centrale, n’ont été pour nous que matière à déclamation. Quelques meetings flétrissent, les secrétariats de la Nouvelle Internationale flétrissent, de grandes organisations ouvrières flétrissent. La masse, nous ne l’éduquons pas, même la masse organisée. Dans certains groupements ouvriers très forts, ici même, à Paris, les ouvriers nationalistes forment une imposante majorité. En Angleterre, les militants syndicaux ne peuvent remonter trop loin le courant impérialiste qui anime leurs mandants. La propagande n’est ni assez profonde, ni assez vaste. Ce qu’il faut, c’est essayer de démontrer ; et nous ne faisons, à propos du Transvaal et de la Chine, qu’émettre des opinions, exprimer des indignations platoniques.

Je ne vois pas qu’il ait été fait, en France, d’efforts sérieux pour soulever l’opinion. Les uns organisent, les autres veulent réformer, les autres veulent révolutionner. Personne n’éduque. Non seulement je ne vois pas, autour de moi, que rien de vraiment sérieux soit tenté pour la conversion des vieilles gens, des adultes, aux principes d’humanité, mais même je ne vois pas que rien soit tenté de continu pour nourrir, alimenter et propager, par de bonnes preuves, les convictions que les jeunes gens peuvent épouser, pour ainsi dire naturellement, parce que leur génération naît affranchie des préjugés des générations précédentes. Les sentiments internationalistes ne revêtent guère qu’une forme verbale. La crainte de l’idéologie, la préoccupation des intérêts matériels, de la politique immédiate, nous fait verser dans le doctrinarisme, nous cantonne dans l’idéologie. La solidarité humaine est pour le socialisme une sorte de formule vague, ce n’est pas encore une foi, traditionnelle et agissante, du prolétariat universel.

Quel enseignement par le fait fournit pourtant la guerre du Transvaal ! Là-bas, le capitalisme, le militarisme, portent tous leurs fruits. L’exploitation des mines recommence ; les cours des actions des mines d’or et de diamant, qui n’étaient jamais descendus trop bas, remontent d’une façon régulière. La « De Beers », la société de Cecil Rhodes, a repris sa production de diamant et reconquis sa prospérité. La dynamite sera à meilleur compte, les « travailleurs » Cafres, « librement engagés », seront toujours des esclaves soumis, les impôts seront moindres. Les capitalistes ont pleine satisfaction.

A quelques kilomètres de Johannesburg commence le territoire militaire. Là ne règne plus aucune loi humaine. Les nécessités de la guerre ont rendu sauvage une armée tout entière. L’incendie des fermes et des pâturages, la capture du bétail, la destruction du mobilier, sont les procédés que les Anglais doivent employer pour enlever aux « rebelles » boers leurs moyens d’action. Même les Boers emploient ces procédés contre ceux de leurs compatriotes qui ne se sont pas ralliés à eux, comme le commandait la loi. Dans le Veldt, c’est l’horrible guerre d’embuscades, de fusillades sans jugement; les hommes sont, les uns pour les autres, des loups.

Dans les villes et sur la côte, les « camps de reconcentrés », ces fameux camps, dont Lord Kitchener a emprunté le modèle au sanglant espagnol Weyler, qui les inventa à Cuba. Là, « se réfugient, sous la protection des autorités anglaises », les familles boers dont les chefs et soutiens sont à la guerre. En réalité, c’est là qu’elles sont déportées. L’incendie des fermes, la destruction des cultures forçaient Lord Kitchener à garder auprès de lui les familles dénuées de tout ; ce sont vraiment là « des motifs d’humanité », comme on dit au Parlement anglais. Ces familles, « malgré toute la bonne volonté du monde », on ne peut ni les nourrir ni les loger. Le typhus, la rougeole, la coqueluche pour les enfants, la phtisie pour les mères, les adolescents et les jeunes filles font disparaître 20 % de la population Boer. Dans cinq ans, il n’y aura plus un enfant boer. L’administrateur-civil se plaint de n’avoir pas de fonds suffisants pour maintenir de suffisantes conditions d’hygiène et une suffisante alimentation. L'Angleterre fait tout pour exterminer les nations républicaines. Je ne sais pas si elle le veut expressément; car il est assez vraisemblable que, comme le publie la Franc-Maçonnerie anglaise, les généraux Boers ne sont pas fâchés d’être débarrassés de bouches inutiles. Ce sont les mœurs des sièges et des guerres. Les enfants meurent, et cela n’émeut pas assez les pères pour qu’ils déposent les armes. Cela les affole.

La destruction de tout un peuple ne suffisait pas. Les Anglais foulent aux pieds cette conquête que la bourgeoisie européenne pensait avoir faite, « le droit des gens». Ils fusillent leurs prisonniers de guerre ; les jugements des cours martiales succèdent aux jugements. Au mépris de la Convention de Genève, Scheepers est fusillé après avoir été recueilli et guéri dans une ambulance. Lotter a été fusillé au mépris des termes mêmes de sa reddition et quoique orangiste par naturalisation. Des charges ridicules pesaient sur eux. Kruitzinger sera peut-être passé par les armes, comme étant « originaire » de la Colonie du Cap. Ce commencement d’Internationale, de fédération des États-Unis européens, ce balbutiement de la conscience internationale, le « droit international », n’existe plus. Pas plus que les fusillades de francs-tireurs par les Allemands, les fusillades qu’ordonnent Milner et Chamberlain (fabricant de cartouches) ne sont légitimes.

En face de ces hontes, la diplomatie bourgeoise est aussi impuissante que le sentiment populaire. Le Dr Kuijper, premier ministre de Hollande, vient de faire un timide essai pour s’entremettre entre les délégués Boers et le Gouvernement du Roi. Le ministre réactionnaire devait bien cela à sa popularité, qui lui vient de l’ardeur mise au service des Boers, — quand il n’était pas encore au pouvoir. Il a été dédaigneusement éconduit. L'Angleterre n’admet pas l’intervention d’une puissance étrangère. Mais elle semble vouloir entrer en pourparlers, sinon avec Krüger, du moins avec les généraux Boers. La note anglaise ne parle plus de capitulation pure et simple. Peut-être s’agirait-il de traiter. Qui sait ? — En tout cas le discours récent du sarcastique vieillard, Lord Salisbury, ne nous autorise pas à l’espérer. Les Républiques sont pour lui « une partie de l’Empire ». La guerre « est une entreprise qui doit être menée jusqu’à son terme ». Ce terme, c’est, la chose est presque évidente, la destruction de toute une race. Ceux qui se souviennent des fusillades de la Commune et des fusillades de Juillet 48, devraient protester plus énergiquement.

Marcel Mauss, Le Mouvement Socialiste, n°79, 15 février 1902, p. 289-296.