Molochisme juif

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Moloch

Le Molochisme juif est la thèse audacieuse développée en Allemagne et en France, au XIXème siècle, par divers auteurs, orientalistes, philologues ou essayistes, selon laquelle Moloch, Jéhovah, et Jésus ne font qu'un.

L’Allemand Georg Friedrich Daumer (1800-1875) est le principal divulgateur de la thèse du « molochisme juif » au XIXème siècle. Poète et théologien, ce philosophe antichrétien appartenant à la mouvance des « Jeunes hégéliens » ou « Hégéliens de gauche » l’a élaborée en s’inspirant des découvertes philologiques de l’orientaliste Johann Arnold Kanne, dont il a été l’élève à l’Université, ainsi que de l’ouvrage de Johann Andreas Eisenmenger (1654-1704), Entdeckes Judenthum (Le Judaïsme dévoilé), paru en 1700 à Francfort.

Dès 1833, Daumer rédige une brochure d’une quarantaine de pages intitulée Über die Entwendung ägyptischen Eigenthums beim Auszug der Israeliten aus Ägypten (Du vol de propriété égyptienne lors de la sortie des Israélites d'Égypte), consacrée au culte du Moloch chez les Hébreux et à Carthage. Il y expose pour la première fois son idée du « molochisme » destructeur. En 1839, dans Sabbath, Moloch und Tabu (Sabbath, Moloch et Tabou), il s’en prend au christianisme, religion du sacrifice. Dans une lettre à son ami Ludwig Feuerbach en avril 1842, il dénonce violemment le « cannibalisme » dans le Talmud et la consommation de sang humain lors de la fête juive de Pourim, suggérant même l’appartenance de Jésus à une secte juive pratiquant le meurtre rituel…

A l’exemple de Friedrich Wilhelm Ghillany (1807-1876), auteur d’un livre paru en 1842 sur Les sacrifices humains des vieux Hébreux : un examen historique, Daumer défend l’idée que le dieu juif Jehovah et Moloch ne font qu’un. Le judaïsme ne serait qu’un molochisme, une religiosité reposant sur des sacrifices humains, dont l’héritage barbare se perpétuerait dans le christianisme. Il développe longuement cette thèse dans son principal ouvrage, paru en deux volumes en 1847, Die Geheimnisse des christlichen Alterthums (Les secrets de l'Antiquité chrétienne), et salué à Londres par Karl Marx. Confisqué par les autorités dès sa parution, il devra être publié en 1848 sous pseudonyme et sous un autre titre, Wahres Christenthum. Car Daumer accuse le christianisme de procéder d’une matrice « molochiste », d’être un culte fondé sur le sacrifice humain et le « cannibalisme » sublimé en théophagie. Selon lui, le Dieu des chrétiens n’est que l’ultime avatar de Kronos et du Moloch. Le monde grec a su se débarrasser de ce dieu qui dévorait ses enfants et lui substituer un panthéon de dieux plus humains et bienveillants, de même que le judaïsme s’est élaboré en se dégageant de la gangue molochiste des origines propre à l’hébraïsme, Jehovah succédant à Moloch, dieu hébraïque primitif et patriarcal du feu et des fours. Pour lui, le judaïsme est une humanisation de l’hébraïsme, comme l’atteste le rite de la Pâque juive où l’on sacrifie des agneaux et non plus de jeunes enfants.

Par contre, il considère le christianisme comme une secte juive souhaitant un retour aux vieux cultes, à Kronos et Moloch. Il croit déceler dans le culte de nombreux saints et martyrs des origines - comme Polycarpe, Saturnin, Sylvestre, Léonard, Eustache, Janvier, Juliette, Blandine, Pélagie, etc… -, marqué par toute une imagerie de taureaux et de fours, de même que dans les feux de la Saint-Jean, dans lesquels on jette des animaux, ou dans la bûche de Noël décorée d’un enfant Jésus en sucre ou en massepain, l’expression du culte molochiste du feu destructeur. Pour lui, le christianisme est incontestablement un retour du molochisme, centré sur le sacrifice du Golgotha, célébré symboliquement lors de chaque messe. Alors que le judaïsme classique a abandonné toute idée de sacrifice humain, le christianisme l’a réintroduit en magnifiant le sacrifice unique de Jésus, dieu fait homme. Le corps du Christ est ensuite symboliquement consommé, résurgence anthropophagique.

La thèse de Daumer et Ghillany sera reprise et développée en France par le blanquiste et communard Gustave Tridon (1841-1871), dans son Molochisme juif. La pensée de Louis-Auguste Blanqui, dont Tridon est le plus proche collaborateur et le fidèle second, est teintée d’un virulent antichristianisme, l’« Enfermé » n’hésitant pas à s’en prendre au rôle historique du peuple juif en tant que précurseur du christianisme (1).

Le projet de ce livre, œuvre posthume, remonte à 1864, Blanqui collaborant étroitement à son élaboration. Selon Maurice Paz, les allusions récurrentes du maître à Moloch et au molochisme annoncent clairement cet ouvrage (2). Le texte, essentiellement composé en 1867, mais qui ne sera finalement édité qu’en 1884 à Bruxelles, a manifestement subi l’influence des écrits de Daumer et Ghillany, dont Tridon a pris connaissance via une littérature secondaire (3), mais aussi de Creuzer et Guigniault (4). Ces derniers, auteurs d’une œuvre monumentale en 10 volumes, Religions de l’Antiquité, insistent sur la « propagation si ancienne et si générale des cultes phéniciens en Asie-Mineure, en Grèce, dans les îles et sur les côtes de la Méditerranée, sur celles de la Mer Noire, et jusqu’aux extrémités de l’Occident » (5) qui fait du Moloch antique un dieu quasi-universel.

Pour Tridon, aucun doute, « Jéhovah, le Dieu national, n’est autre que l’idole ordinaire de toutes les peuplades sémitiques, le Moloch d’airain, au ventre creux et rougi, qui consumait vivants tous les premiers-nés de la population » (6), et « jusqu’au VIe siècle av JC, la loi de Moloch-Jéhovah fût le meurtre; son alliance l’égorgement annuel et régulier des premiers nés » (7). Comme Daumer, il souligne la filiation Moloch-Jéhovah-Jésus : « Jésus se sacrifiant à son père, n’est-ce pas la marque de Kronos Saturne, immolateur de son fils Jéud sur l’autel de Sidon ? » (8). « Le Christ sur la croix, couronné d’épines, le flanc percé, écrit-il, est la grande victime immolée chaque jour à la messe et dont le sang innocent sauve le monde » (9). Pour lui, le Moyen Age chrétien est le triomphe de Moloch : « L’eucharistie reprend, chez les chrétiens, sa signification cananéenne. L’enfer de flammes, symbole éminemment sémitique, chasse l’Hadès brumeux et aquatique des Hellènes (…). Il lance sur nos places des flammes immenses qui dévorent les hérétiques et prépare au dieu chrétien l’éternel holocauste de la chair palpitante et de la graisse brûlée, tandis que le royaume de Dieu déroule le béat anéantissement promis par Moloch à ses suicidés ». En un mot, le christianisme est « La revanche de Moloch » (10).

Pour l’historien israélien Zeev Sternhell, « s’il est incontestable qu’il s’agit là d’un ouvrage issu de la lutte anticléricale, de la critique religieuse, des attaques contre le clergé menées par les blanquistes, il reste que ce livre s’insère dans le contexte du mouvement antisémite montant et apporte sa pierre à l’offensive contre les juifs et le judaïsme » (11), alors que pour Marc Crapez, il « s’inscrit dans une perspective globale de critique antireligieuse et spécifiquement anti-monothéiste » (12).

Dans La France juive, Edouard Drumont cite élogieusement Ghillany et Daumer, constatant : « Le livre de Gustave Tridon le Molochisme juif, met bien en relief également cette lutte soutenue par les prophètes contre le culte de Moloch personnifié soit par le taureau, soit par le veau d’or ». Selon lui, « par une sorte de phénomène de régression, le Juif du Moyen Âge, tombé dans la dégradation, en revint à ses erreurs primitives, céda à l’impulsion première de la race, retourna au sacrifice humain ». En effet, estime-t-il, à l’époque médiévale, tandis que le Talmud devient le fondement de la Loi juive, « ce qu’on adore dans le ghetto, ce n’est pas le dieu de Moïse, c’est l’affreux Moloch phénicien auquel il faut comme victimes humaines des enfants et des vierges ». Blanqui et ses disciples mêlent lutte contre le capitalisme et les féodalités financières et dénonciation du monothéisme judéo-chrétien : « La gauche la plus radicale de cette époque, écrit Robert Steuckers, reproche dès lors aux religions orientales, et donc au christianisme qui a fait souche en Europe, de dériver d’un culte dont l’axe central est le sacrifice humain. Ce faisant, cette gauche révolutionnaire procède à une analogie entre le capitalisme, assimilé au fait juif chez Toussenel et Tridon, et le Baal-Moloch dévoreur de chair humaine. Le capitalisme, comme l’idole proche-orientale, dévore des énergies avant que celles-ci ne puissent donner la pleine mesure de leur potentialité » (13). Moloch est toujours debout ! (14).

Notes

(1) M. Paz, « L’idée de race chez Blanqui », communication au colloque sur « L’idée de race dans la pensée politique française avant 1914 », Université d’Aix-en-Provence, mars 1975, p.1.
(2) Ibid, p. 2.
(3) G. Tridon, Du Molochisme, L’Homme Libre, Paris, 2005, pp. 91 et 95.
(4) Ibid, p. 57.
(5) F. Creuzer & J. D. Guigniault, Religions de l’Antiquité, Treuttel et Würtz, 1825, 4 tomes en 10 volumes, II, 3. Notes et éclaircissements sur le tome deuxième, note 1, pp. 827-828.
(6) G. Tridon, op. cit., p.7.
(7) Ibid, p. 92.
(8) Ibid, p. 160.
(9) Ibid, p. 191.
(10) Ibid, p. 185.
(11) Z. Sternhell, La droite révolutionnaire. 1885-1914, Folio, Paris, 1997, p. 241.
(12) M. Crapez, L’Antisémitisme de gauche au XIXe siècle, Berg International, Paris, 2002, pp. 52-53.
(13) Armin Mohler, Thierry Mudry, Robert Steuckers, Généalogie du fascisme français, Editions Idhuna, Genève, 1986, p. 47.
(14) Repris de Edouard Rix, Réfléchir et agir, automne 2011, n°39, pp.44-45.