Friedrich Georg Jünger

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Friedrich Georg Junger
Friedrich-Georg Jünger (1898-1977), militant nationaliste-révolutionnaire allemand puis écrivain, il est le frère d'Ernst Jünger.

Biographie

La jeunesse et le militantisme

Né le 1er septembre 1898 à Hanovre, Friedrich-Georg Jünger s'intéresse très tôt à la poésie et suit d'emblée un itinéraire d'éveil fort classique, en lisant Klopstock, Goethe et Hölderlin. Grâce à cette immersion précoce dans Hölderlin, il s'engoue pour l'antiquité classique et voit l'essence de la grécité et de la romanité antiques dans une proximité avec la nature, dans une glorification de l'élémentaire et dans l'instauration d'une vision de l'homme qui demeurera impérissable, survivant au-delà des siècles dans la psyché européenne, tantôt au grand jour tantôt occultée. Pour lui l'ère de la technique a détaché les hommes de cette proximité vivifiante et s'est élevée dangereusement au-dessus de l'élémentaire. En conséquence toute son œuvre poétique sera une protestation véhémente contre la prétention mortifère que constitue cet éloignement.

Friedrich-Georg partage alors avec son frère Ernst la passion de l'entomologie.

La Grande Guerre met fin à cette jeunesse plongée dans la nature. Friedrich-Georg s'engage en 1916 comme aspirant officier. Grièvement blessé au poumon sur le front de la Somme en 1917, il passe le reste de la guerre dans un hôpital de campagne.

Après sa convalescence, il s'inscrit dans une faculté de droit et obtient le titre de docteur en 1924. Mais il n'entame pas de carrière de juriste. Il devient écrivain politique dans la mouvance nationaliste de gauche, chez les nationaux-révolutionnaires et les nationaux-bolcheviques rassemblés derrière la personnalité d'Ernst Niekisch, éditeur de la revue Widerstand. Dans cette revue et dans Arminius ou Die Kommenden, les frères Jünger inaugurent un style nouveau : celui du "nationalisme soldatique", exprimé par les jeunes officiers revenus du front et demeurés rétifs aux mollesses de la vie civile. L'expérience des tranchées et des assauts leur a prouvé par la sueur et le sang que la Vie n'est pas un jeu inventé par le cerveau mais un grouillement organique élémentaire dont il faut saisir les pulsations. Le politique, dans sa sphère, doit prendre la température de ce grouillement, se mettre à son écoute, se mouler dans ses méandres et y puiser une force toujours jeune, neuve, vivifiante. Chez Friedrich-Georg Jünger, le politique est appréhendé sous l'angle cosmique, en dehors de tous les "miasmes bourgeois, cérébraux et intellectualisants".

Parallèlement à cette activité de journaliste politique et de prophète de ce nouveau nationalisme radicalement anti-bourgeois, Friedrich-Georg Jünger se plonge dans Dostoïevski, Kant et les grands romanciers américains. Avec son frère Ernst, il voyage dans les pays méditerranéens: la Dalmatie, Naples, la Sicile et les Iles de l'Égée.

L'exil intérieur

Quand Adolf Hitler accède au pouvoir, c'est un nationalisme des masses qui triomphe et non le nationalisme absolu et cosmique dont avait rêvé la petite phalange "froidement exaltée" qui éditait ses textes dans les revues nationales-révolutionnaires. Dans un poème, Der Mohn (Le Coquelicot), Friedrich-Georg Jünger ironise et désigne le national-socialisme comme le "chant infantile d'une ivresse sans gloire". Conséquence de ces vers sarcastiques: il subit quelques tracasseries policières, quitte Berlin et s'installe, avec Ernst, à Kirchhorst en Basse-Saxe.

Retiré de la politique après avoir publié près d'une centaine de poèmes dans la revue de Niekisch (lequel est de plus en plus menacé par les autorités qui finissent par l'arrêter en 1937), Friedrich-Georg Jünger se consacre à sa poésie et publie en 1936 un essai, Über das Komische, et achève en 1939 la première version de son ouvrage philosophique majeur, Die Perfektion der Technik (La perfection de la technique). Les premières épreuves de ce livre sont détruites en 1942 lors d'un bombardement allié. En 1944, une première édition, réalisée à partir d'un nouveau jeu d'épreuves, est réduite en cendres lors d'une attaque aérienne. Finalement, le livre paraît en 1946, suscitant un débat autour des questions de la technique et de la nature, préfigurant, en dépit de son orientation "conservatrice", toutes les revendications écologiques allemandes des années 60, 70 et 80.

L'écrivain

Pendant la guerre, F.G. Jünger publie poèmes et textes sur la Grèce antique et ses dieux. Avec la parution de Die Perfektion der Technik, qui connaît plusieurs éditions successives, les intérêts de F.G. Jünger se portent vers les thématiques de la technique, de la nature, du calcul, de la mécanicisation, de la massification et de la propriété. Refusant d'énoncer ses thèses sur un schéma classique linéaire, causal et systématique, F.G. Jünger développe ses idées "en spirale" et en vrac, éclairant tour à tour tel ou tel aspect de la technicisation globale. En filigrane, on aperçoit une critique des thèses qu'avait énoncées son frère Ernst dans Der Arbeiter (1932), où il acceptait comme inévitables les développements de la technique moderne. Sa démarche anti-techniciste se rapproche de celles d'Ortega y Gasset (Meditación de la técnica, 1939), de Henry Miller et de Lewis Mumford (qui utilisait le terme de "mégamachine").

En 1949, il publie un ouvrage remarqué sur Nietzsche, où il s'interroge sur le sens à conférer à la théorie cyclique du temps énoncée par le solitaire de Sils-Maria. F.G. Jünger conteste l'utilité de théoriser et de problématiser une conception cyclique du temps car cette théorisation et cette problématisation finissent par octroyer au temps une forme unique, intangible, qui, chez Nietzsche, est posée comme cyclique. Le temps cyclique, propre de la Grèce des origines et de la pensée pré-chrétienne, doit être perçu sous l'angle de l'imaginaire et non sous celui de la théorie, ce qui permet de conjuguer tout naturellement sur un mode unique l'éternité et l'instant et fait disparaître les coupures arbitraires instaurées par le temps mécanique et segmentant des visions linéaires. La temporalité cyclique nietzschéenne, par son découpage en cycles identiques et répétés, conserve, pense F.G. Jünger, quelque chose de mécanique, de newtonien, et n'est finalement pas "grecque". Le temps selon Nietzsche reste un temps-policier, menaçant. Il n'est pas soutien, support (trägend und haltend). F.G. Jünger chante une a-temporalité, celle de la naturalité la plus élémentaire, de la Wildnis, ce royaume de Pan, ce fond-de-monde naturel intact, non touché par l'homme, qui est, en dernière instance, accès au divin, au secret ultime du monde. La Wildnis, concept fondamental chez le poète panique F.G. Jünger, est la matrice de toute vie et le réceptacle où retourne toute vie.

En 1970, F.G. Jünger fonde avec Max Himmelheber la revue trimestrielle Scheidewege, où s'exprimeront jusqu'en 1982 les principaux représentants d'une pensée à la fois naturaliste et conservatrice, sceptique à l'égard de toutes les formes de planification technique. De nombreux penseurs situés dans cette veine conservatrice-écologique y exposeront leurs thèses, parmi lesquels Jürgen Dahl, Hans Sedlmayr, Friedrich Wagner, Adolf Portmann, Erwin Chargaff, Walter Heitler, Wolfgang Hädecke, etc.

Friedrich Georg Jünger meurt à Überlingen, sur les rives du Lac de Constance, le 20 juillet 1977.

Lien interne

Bibliographie

  • Robert Steuckers, « L'itinéraire philosophique et poétique de Friedrich-Georg Jünger », in Vouloir, 45/46, janv.-mars 1988, pp. 10-12.
  • Robert Steuckers, La Révolution conservatrice allemande - Biographies de ses principaux acteurs et textes choisis, tome I, éditions du Lore, 2014, p. 309 à 320.

Cité dans

  • Giovanni Monastra et Philippe Baillet, Piété pour le cosmos : Les précurseurs antimodernes de l'écologie profonde, Akribeia, Saint-Genis-Laval, 2017, 170 p. (ISBN 978-2-913612-66-2)