Trouvères et troubadours

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Véritable berceau de la civilisation européenne, les chansons de troubadours et de trouvères connaissent aux XIIe et XIIIe siècles un succès retentissant, indice d'un nouvel art de vivre et d'aimer qui marque en profondeur l'imaginaire médiéval.

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Le thème principal de ce répertoire est en effet l'amour, un amour parfait, raffiné, souvent appelé amour courtois, mais que les poètes d'alors préfèrent désigner sous le terme de fin' amor.

Les troubadours de la lyrique occitane

C'est du Pays d'oc que cette nouvelle conception voit le jour, à l'instigation de Guillaume IX (1071-1126), Duc d'Aquitaine, comte de Poitiers, et premier troubadour en date. Peu de pièces composées par lui sont parvenues jusqu'à nous, mais quatre d'entre elles illustrent déjà ce double culte de la dame et de l'amour, qui va gagner toutes les grandes cours de midi : Poitiers d'abord, Limoges, puis le Puy et Toulouse, et en Provence, Orange, Aix, Sault, etc ... L'éclosion en France méridionale de la lyrique courtoise n'est pas le fruit du hasard. Eloignée du pouvoir central, moins marquée que le nord par l'influence de l'Eglise, elle est aussi héritière du goût latin pour le faste et le raffinement, opposé à la rudesse des pays francs. La place accordée à la femme est de fait plus importante. Par ailleurs, l'amour envisagé dans sa perfection tisse un lien étroit avec l'idéal chevaleresque. Le cœur et le courage sont comme deux vertus indissociables et l'amour est une prouesse au même titre que la prouesse guerrière. Adressé au public laïc et noble des cours, l'idéal de courtoisie propose en même temps qu'une éthique de la sexualité, une morale profane et aristocratique, à travers laquelle, l'homme de par sa valeur se suffit à lui-même. Aussi, cette nouvelle représentation de l'amour trouve-t-elle naturellement un modèle dans la société féodale du temps les relations entre l'amant et sa dame correspondent à celle qui unissent un vassal à son suzerain. La dame, de préférence mariée, est comme l'objet désincarné de l'amour. L'amant se met à son service et s'engage à lui rester fidèle, tout en espérant la guerredon (la récompense) de son dévouement. Mais son rang social, supérieur à celui du poète, et ses attaches conjugales, la rendent à jamais inaccessible. Or c'est précisément la tension créée par la fusion du désir et de l'éloignement que restitue la canso, forme essentielle de la lyrique occitane, considérée par tous les troubadours comme l'expression suprême et la plus élaborée de leur élan artistique.

Les trouvères du Nord

Les trouvères, poètes musiciens de la France du nord apparurent un peu plus tard, dans les années 1170-1180. Comme celui de « troubadours » en langue d'Oc, le nom de « trouvère » signifie en langue d'oïl le « trouveur », celui qui trouve, invente par le chant et la musique de nouvelles façons d'exprimer les émotions humaines, et bien entendu le sentiment amoureux. On ne peut discerner avec beaucoup de précision comment la tradition lyrique occitane a pénétré le domaine d'oïl, d'autant que le mode de transmission de ce modèle fut principalement oral. Aux limbes de notre histoire littéraire, la voix et l'instrument sont plus que la plume l'apanage des poètes. Il faut attendre le XIIIè siècle pour que les pièces composées par les troubadours et trouvères soient retranscrites dans divers manuscrits et vivent alors de la vie du livre.

À l'origine néanmoins, c'est la Champagne et le Nord qui semblent manifester le plus grand intérêt pour l'art lyrique. Le rôle de Marie de Champagne descendante par sa mère de la célèbre Aliénor d'Aquitaine et de Guillaume IX, fût certainement important. Ainsi accueillit-elle à sa cour l'un des plus grands centres littéraires du temps. Chrétien de Troyes, premier trouvère connu, et le poète et seigneur Gace Brulé, lui-même champenois. Contemporain de Canson de Béthune et du châtelain de Coucy, ce dernier fût célèbre dès son vivant, et considéré long-temps après sa mort comme le plus grand des poètes. Il fit aussi partie du cercle de lettres de la cour de Philippe-Auguste et de Blanche de Castille à Mantes. Appartenant à la première géné-ration des trouvères, Gace Brulé s'illustre avant tout dans la forme du grand-chant, c'est-à-dire la chanson d'amour, héritière de la canso occitane. Comme ses prédécesseurs d'oc, il exalte la "fin'amor" et associe la pureté du sentiment d'amour à la perfection formelle de son expression, gage de la sincérité du poète. Les trouvères cependant ne sont pas que des imitateurs. La structure formelle de la chanson d'amour est beaucoup plus simple dans la lyrique du Nord, et son sens moins obscur au public non averti. Sur le plan musical, rythmes et mélodies évoluent aussi vers une plus grande simplicité. Rapidement, les trouvères intègrent à leurs compositions des éléments issus des milieux populaires, incitant plus naturellement à la danse. Gaieté et légèreté ne sont d'ailleurs pas absentes de ce répertoire, et si l'amour courtois reste le motif de prédilection des trouvères, il n'est pas l'unique thème de leur inspiration. A côté du grand-chant, ces poètes-musiciens cultivent en effet d'autres genres lyriques, par exemple la reverdie, typiquement française, ou encore la pastourelle, création du sud mais qui prend un nouvel essor sous la plume des trouvères. Comme son nom l'indique, la reverdie est la célébration du printemps et du « reverdissement » de la nature, associée à l'éveil de l'amour. Incitant à la fête des sens, elle peut aussi être une invitation au surnaturel, et fait parfois apparaître des êtres féeriques : Dieu végétal d'amourou, encore princesse merveilleuse, fille de l'eau et de l'oiseau. Mais c'est surtout la pastourelle qui est l'exact contrepoint de l'idéal courtois. Forme narrative, elle évoque la rencontre entre un chevalier et une pauvre bergère. Le premier cherche toujours à séduire la seconde, parfois même à la contraindre par la force. Dans l'espace ouvert et sauvage de la prairie, loin du jardin et policé des dames inaccessibles, il n'est plus question en effet d'amour purement abstrait et désincarné. La jolie mais "vilaine" bergère inspire seulement le désir de jouissance charnelle et immédiate. Les sentiments qu'on peut lui accorder sont à la mesure de son extraction sociale. Au cynisme du chevalier peut s'ajouter le grotesque de la situation. Il n'est pas rare en effet que le Seigneur soit lui-même ridiculisé par la bergère qui repousse ses avances, ou par d'autres bergers venus la défendre. Ainsi l'amour n'est-il pas perçu de façon uniforme. Du grand-chant à la pastourelle, des amours platoniques aux étreintes bucoliques, c'est bien la diversité des genres et des thèmes qui caractérisent l'œuvre des trouvères[1].

Les trouvères du monde germanique : les Minnesänger

A coté des troubadours de la langue d'Oc et des trouvères de la langue d'Oil, on trouve, dès le début du XIIe siècle, un mouvement lyrique similaire dans les contrées de la langue de Ja, c'est-à-dire dans le monde germanique.

On appelle ces poètes les Minnesänger et leur chant le Minnesang, Minne signifiant amour. Leur langue d'expression est Mittelhochdeutsch (Moyen haut allemand)[2]. Les premiers Minnesänger apparaissent dans les régions de l'Est, d'où le nom de donauländischer Minnesang (Minnesang des pays du Danube). Mais le courant, renforcé par une influence grandissant de la culture française, se développe ensuite rapidement dans la plupart des cours des princes allemands. Comme chez les trouvères et les troubadours, le Minnesang est chanté, parfois accompagné de danse. Les instruments sont le violon et les violes. Chez eux aussi, on préfère la mémorisation à l'écrit.

Les premiers Minnesänger dont le nom nous est parvenu sont notamment Dietmar von Aist (ou von Eist) et Hartmann von Aue. On considère que, aux environs de 1170, le Minnesang atteint un niveau plus élevé, aux thèmes plus diversifiés, la Hohe Minne. Les grands nom de la Hohe Minne sont Tannhäuser, Reinmar der Alte et Walther von der Vogelweide.

Notes et références

  1. Sylvaine Bair, « À l'origine de la poésie française, Troubadours et trouvères », in: Réfléchir et agir, no 6, 1999, p. 38-39.
  2. La linguistique historique allemande appelle Mittelhochdeutsch (Moyen haut allemand) la langue qui succède au Althochdeutsch (vieux haut allemand), dominant de 750 jusqu’à 1050 environ, période incluse dans le Haut Moyen Âge). A l'intérieur du Mittelhochdeutsch, on distingue trois périodes : le Frühmittelhochdeutsch (moyen allemand précoce, 1050–1170), le klassisches Mittelhochdeutsch (moyen haut allemand, 1170–1250) et le Spätmittelhochdeutsch (moyen haut allemand tardif, 1250–1350).