Meir Kahane
Meir Kahane ou Meïr Kahan, né en 1932 à Brooklyn et mort le 5 novembre 1990 à New York, est un rabbin fondateur de la Ligue de défense juive.
L'engagement aux USA
Meir Kahane est né dans une famille religieuse des États-Unis. Enfant, il reçoit une éducation tant religieuse (études rabbiniques) que politique avec le Betar - mouvement de jeunesse nationaliste et religieux qui a donné naissance au Likoud. Puis il devient rabbin aux États-Unis. Dans les années 1960, il commence véritablement sa carrière politique en créant la ligue de défense juive. Ce mouvement sioniste radical a notamment mis en œuvre de spectaculaires actions médiatiques pour venir en aide aux juifs de l'ex-Union soviétique alors bloqués derrière le Rideau de fer et interdits d'aliya.
Kahane apprend à utiliser les médias sans lésiner sur les méthodes de provocation, allant jusqu'à brandir la menace d'attentat. Il devient un agitateur politique de haute volée.
L'action en Israël
Il émigre en Israël en 1971 et tente alors de se créer une base politique. Aux élections de 1973, alors qu'il vient de faire son aliya et parle encore très peu hébreu, il capitalise 12 800 voix et approche le seuil de 1 % de suffrages nécessaires pour obtenir un siège au parlement. Son sigle électoral Kach deviendra le nom de son parti. Son symbole est une étoile de David avec un poing fermé en son centre.
A cette époque, le leader a des idées nationalistes somme toute assez banales. Il peine à trouver une voie parmi les formations politiques déjà en place dans le pays. De plus, ses grands combats de toujours - lutte contre l'antisémitisme, lutte contre l'assimilation des juifs en Amérique et en faveur de l'émigration des juifs en URSS - ne sont pas adaptés à une campagne politique israélienne. Il doit se renouveler.
Parmi les partisans kahanistes : des religieux sionistes qui acceptent le caractère moderne de l'Etat d'Israël mais sont déterminés à le faire évoluer vers la Halakha. Le programme rejoint celui d'un fondamentalisme juif assez classique : primauté du pouvoir religieux qui dispute au parlement le pouvoir de faire la loi, séparation entre les hommes et les femmes dans les lieux publics...
Comme l'analyse Simon Epstein, professeur d'histoire à l'Université hébraïque de Jérusalem et auteur de Les Chemises jaunes, l'année 1980 marque le passage de Kahane au racisme pur. Alors qu'il sème le trouble dans les territoires occupés, il fait l'objet d'un internement administratif sur décision du ministre de la Défense Ezer Weizman. Et c'est en prison qu'il se radicalise : ses écrits glissent de l'hyper-nationalisme au racisme. En observant ses codétenus issus des classes pauvres de la société, il comprend qu'il y a là un véritable potentiel électoral.
Sa ligne est alors claire : Israël ne peut être à la fois un État juif et démocratique. Forts de leur atout démographique, les Arabes israéliens auront un jour la possibilité de prendre le pouvoir par les voies législatives. Conclusion : renoncer au caractère démocratique de l'État et faire partir les Arabes du Grand Israël, de force et au plus vite. Sa référence : la Torah qui stipule que la Terre d'Israël doit appartenir aux seuls juifs. Les Arabes n'ont donc aucun droit à résidence. Kahane va ainsi développer des thématiques comme le danger de l'assimilation (mariages entre Arabes et juives) ou les contraintes économiques (les Arabes volent le travail des juifs).
Kahane parfait ses talents d'orateur : il s'adapte à son public. Devant les religieux, il adopte un langage empreint de Torah. Face à un public populaire, comme celui côtoyé en prison, son discours se fait plus grossier. Et les résultats sont concluants.
En 1984, à la surprise générale, le parti Kach obtient un député à la Knesset. Certains avaient essayé de l'empêcher de se présenter mais à l'époque, aucune loi de limitation des candidatures n'existait. Une vague de manifestations hostiles gagne le pays : on lui reproche d'introduire le racisme dans le débat démocratique israélien. Son parti prône la ségrégation légale des Arabes et leur expulsion massive. La gauche et une grande partie de la presse israélienne font campagne à coup de slogans tels que "Le fascisme ne passera pas". Dans la bouche des adversaires du kahanisme, la comparaison avec le nazisme est omniprésente.
Que reproche-t-on aux adeptes de Kahane ? Si on leur accorde bon nombre d'attentats, ils sont rarement pris sur le fait. Leur objectif premier : ne pas être considérés comme des terroristes pour conserver leur crédit politique et l'accès à la Knesset.
"Laissez-moi la force de m'occuper d'eux", affirment les affiches de Kach. Mais Kahana mène une propagande en faveur des actes terroristes contre les Arabes et la gauche israélienne et installe un climat de tensions. Quand le soldat David Ben Shimon commet un attentat en 1984 contre un bus arabe, Kahana approuve et demande aux policiers qui l'importunent : "La joie est-elle un délit ?"
Dès 1984, le président de la Knesset peut faire taire un orateur qui tiendrait des propos racistes. A l'époque, les "Tais-toi, Arabe" de Kahana rythment abondamment les débats parlementaires.
Progressivement, la mobilisation de la gauche pour interdire Kach fait son chemin. Résultat : en 1985 une liste électorale considérée comme raciste ne peut se soumettre au scrutin. Puis en 1986, une loi interdit tout propos raciste de manière générale. L'Etat israélien est alors confronté au grand problème des démocraties : peut-elle se mettre en péril au nom de la liberté d'expression ?
Les conséquences sont immédiates pour les kahanistes : le 1er novembre 1988, ils ne peuvent présenter leur liste jugée raciste par la Cour suprême. C'est la fin de leur grande effervescence autour du parti Kach.
Pendant deux ans, Kahane essaie de faire survivre son parti qui, bien que frappé d'interdiction électorale, n'a pas été dissous. Il effectue régulièrement des voyages aux Etats-Unis où il a gardé de nombreux soutiens, notamment financiers. Après avoir prononcé l'un de ses fameux discours où il appelait tous les juifs des Etats-Unis à émigrer en Israël, il est assassiné dans les rues de Manhattan par El Sayyid Nosair, un américain d'origine égyptienne, le 5 novembre 1990.
L'héritage
Un coup dur pour son parti dont il semble ne s'être jamais relevé : ses successeurs n'ont pas son charisme. En 1994, Barouch Goldstein, ancien kahaniste, commet le massacre de Hébron (29 Musulmans sont assassinés). Le parti Kach est interdit la même année.
Près de 20 ans plus tard, ils sont encore des milliers à affirmer que "Kahana avait raison". Réunis le 5 novembre 2010, les partisans du leader contesté continuent à penser que les gouvernements qui se succèdent sont incapables de protéger le peuple juif. Parmi eux : Barouch Marzel, le leader du Front national juif, parti non représenté. A la tribune, il vilipende ouvertement Reouven Rivlin, le président de la Knesset, "un anti-démocrate", qui selon lui, n'a qu'une ambition : "partager l'Etat avec nos ennemis". Autre figure politique présente : le député de l'Union nationale Michaël Ben-Ari. Ces deux leaders, comme tous les participants, ne se revendiquent en aucune façon des adeptes du parti Kach, sous peine d'arrestation. Ils expliquent leur participation à cette soirée de commémoration par leur sympathie aux idées de Kahane.
Quant à la présence de nombreux jeunes dans l'assemblée, elle est la preuve que la pensée de Kahane ne s'est éteinte ni avec son assassinat, ni avec l'interdiction de son parti, estiment certains participants. La preuve pour eux, que les idées kahanistes peuvent encore trouver un écho auprès de la population israélienne.