Ian Smith

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Portrait officiel de 1964
Ian Douglas Smith (1919-2007) est un homme politique africain, dernier Premier ministre de Rhodésie du Sud (futur Zimbabwe) de 1964 à 1979 puis chef de l'opposition parlementaire d'avril 1980 à avril 1987.

Biographie

Le 20 novembre 2007 est décédé en Afrique du Sud, à l’âge de 88 ans, Ian Smith, un personnage hors du commun qui a personnifié une des plus longues résistances aux « vents du changement » qui ont soufflé sur l’Afrique à partir de la fin des années 1950.

Fils d’un colon écossais établi dans le centre de la Rhodésie en 1897, Ian Smith revient auréolé de gloire de la deuxième guerre mondiale en tant que pilote de la Royal Air Force. Doué pour la politique, s’intéressant aux affaires publiques, il devient en 1948 le plus jeune élu au parlement rhodésien sous les couleurs du Parti libéral.

Après 1953, il s’engage progressivement dans la résistance à l’évolution politique prévue par Londres. Il finit par prendre la tête du Rhodesian Front Party lequel s’oppose fermement à toute perspective d’instauration d’un régime où les Noirs auraient le droit de vote et donc le pouvoir.

Premier ministre de Rhodésie 1964-1979

En 1953, le gouvernement britannique créa une Fédération de Rhodésie-Nyasaland regroupant la Rhodésie du Sud, la Rhodésie du Nord (auj. Zambie) et le Nyasaland (auj. Malawi). La Rhodésie du Sud profita grandement de cette Union car elle drainait les richesses minières de la Zambie et les richesses agricoles du Malawi, afin de financer son propre développement. Cette fédération devait être dissoute en 1963, un an avant l’indépendance de la Zambie et du Malawi, sous la pression des mouvements nationalistes africains.
Le 13 avril 1964, Ian Smith devient le Premier ministre de la Rhodésie britannique et refuse tout compromis avec le Royaume-Uni quant à l’avenir politique de la colonie (comptant alors 220.000 Blancs et 4 millions de Noirs). En effet depuis le début de 1964, alors que la plupart des anciennes colonies britanniques accèdent ou sont en voie d’accéder à l’indépendance, que la fédération rhodésienne s'est dissoute, les Rhodésiens noirs se sont aussi regroupés dans des mouvements indépendantistes dont le but est la prise du pouvoir politique encore détenu par la minorité blanche. De leur côté, les loyalistes britanniques de Rhodésie menés par Roy Welensky optent pour le statu quo : pas d’indépendance sans pouvoir majoritaire donc pas de pouvoir majoritaire ni d’indépendance. Le Front rhodésien et Smith veulent au contraire forcer les choses et prévenir toute indépendance imposée par la métropole coloniale comme il venait de se passer en Rhodésie du nord, au Kenya ou au Nyassaland.

Ainsi, l'afflux de milliers d’Européens en provenance de Zambie, du Malawi, du Kenya ou du Congo conforte les craintes de la minorité blanche. Smith décide alors de forcer le cours des évènements. Il convoque les 622 grands chefs de tribus à une Indaba (réunion), en tant que représentant de la population noire, et obtient leur accord pour réclamer l’indépendance au Royaume-Uni. Il officialise la rupture le 11 novembre 1965 en proclamant l’indépendance de son pays (Unilateral Declaration of Independence ou UDI : Déclaration unilatérale d'indépendance). Celle-ci n'est pas reconnue par la communauté internationale.

Cette initiative condamne la Rhodésie à un isolement politique et économique, seulement rompu par l’Afrique du Sud et le Portugal qui va paradoxalement encourager le développement industriel du pays. En effet le Royaume-Uni et l’Organisation des nations unies (ONU) refusent de reconnaître la Rhodésie indépendante et décrètent un embargo commercial. Les opposants politiques du nouveau régime, principalement les indépendantistes noirs [1], se voient interdits et leurs dirigeants emprisonnés. Ils trouvent refuge dans les jeunes nations africaines voisines de la Rhodésie d’où ils organisent, à partir de 1972, des opérations de guérilla.

Mais la Rhodésie du Sud, soumise aux sanctions édictées par le conseil de sécurité des Nations-Unies, est de plus en plus isolée. Au début du mois de janvier 1973, Smith ferme ses voies de communication avec la Zambie par lesquelles transitaient 40 % des importations zambiennes et 48 % de ses exportations. Il s’agit pour lui de mettre en garde la Zambie pour son soutien logistique aux mouvements de guérilla. Il provoque en contre partie l’hostilité de son grand voisin, la République sud-africaine dont les intérêts économiques en Zambie étaient considérables. L'État-tampon de Rhodésie du Sud devient un fardeau pour son puissant voisin. La frontière est finalement rouverte dès le 5 février 1973 marquant un échec diplomatique pour Smith lâché par ses alliés, démontrant ainsi la dépendance de la Rhodésie du Sud envers l’Afrique du Sud.

Le départ du Portugal d’Afrique en 1975 est un encouragement puissant aux mouvements africains qui reçoivent à partir de cette date une aide considérable de l’Union soviétique. Les opérations subversives se multiplient et se transforment en véritable guerre de basse intensité, menaçant les liaisons routières et aériennes, attaquant les fermes et les missions.

Le gouvernement rhodésien fait face avec le soutien de la population européenne et l’abstention d’une majorité des tribus noires. L’effort militaire du régime est très important et l’armée rhodésienne devient une véritable machine de guerre miniature, organisant en son sein des unités d’élite remarquables comme les Selous Scouts ou la Rhodesian Light Infantry. Avec des moyens humains et matériels limités, mais utilisés à bon escient, les Rhodésiens parviennent à restreindre les effets de la guérilla et à infliger des pertes considérables à leurs adversaires.

C'est pourquoi, dès 1975, le gouvernement de Smith décide désormais de négocier. Il choisit une position plus conciliante en engageant des pourparlers avec les dirigeants noirs, libérés de prison. Croyant qu’en cédant à certaines revendications Smith pourrait conserver l’essentiel de son pouvoir, il signe un accord avec trois leaders noirs modérés, parmi lesquels l’évêque méthodiste Abel Muzorewa, fondateur du Congrès national africain du Zimbabwe (African National Congress), en mai 1978.

Mais à partir de 1979, l’évolution politique prévisible en Afrique du Sud condamne inévitablement le régime. Ian Smith se résigne à l’inévitable et accepte contraint et forcé la transition politique. La nouvelle Constitution ratifiée le 30 janvier 1979 par un référendum réservé principalement aux Blancs en raison du vote censitaire, prévoit la formation d’un régime parlementaire avec suffrage universel mais garantissant la prédominance blanche dans l’administration (justice et armée incluse) ainsi qu'un quart des postes ministériels aux Blancs durant les cinq premières années du nouveau régime. Bien que cette constitution ait été négociée avec Muzorewa, celle-ci fut désavouée par tous les autres mouvements noirs, les Nations-Unis et le Royaume-Uni.

Le 28 février 1979, le dernier parlement de Rhodésie du Sud à majorité blanche est dissout. Dans un contexte de forte mobilisation électorale, les premières élections multiraciales organisées en avril 1979 aboutissent à la victoire attendue du Congrès national africain de Muzorewa alors que le Front rhodésien remportait sans surprise les 28 sièges (sur 100) réservé à la minorité blanche (3% de la population). Le 1er juin 1979, Smith cède son poste de Premier ministre à Abel Muzorewa mais reste au gouvernement du nouveau Zimbabwe-Rhodésie.

À la suite des accords de Lancaster House (décembre 1979), signés sous la pression de Margaret Thatcher (alors Premier ministre de Grande-Bretagne), des élections sont organisées sous l'égide du Royaume-Uni en février 1980. Smith espère former une coalition avec l’UANC et le ZAPU mais la victoire absolue des radicaux du ZANU aux élections met fin au projet de gouvernement modéré. Smith tente de faire annuler l’élection au motif de multiples mesures d’intimidations des électeurs dans les campagnes reculées mais les observateurs internationaux déclarent l’élection juste et démocratique. Ayant obtenu du futur Premier ministre Robert Mugabe, lors d'un entretien le 2 mars 1980, des garanties quant à un accord de gestion, Smith demande alors aux Rhodésiens blancs d’accepter le résultat des élections et de se montrer pragmatiques à l’avenir[2]. Il leur demande de rester dans le pays et de coopérer avec le nouveau gouvernement ZANU-PF. La Rhodésie cède le 18 avril 1980 la place au Zimbabwe [3], un pays riche et prospère au regard des critères africains. Quelques mois plus tard, Smith fait partie d'une délégation du Zimbabwe en visite en Europe à la recherche d’investisseurs étrangers.

L'opposant irréductible



Drapeau de la République du Zimbabwe
L'ancien Premier ministre ne disparait cependant pas de la scène politique, même après les élections ayant mené l'actuel président Robert Mugabe au pouvoir et la déclaration de l'indépendance en 1980. Il reste présent au parlement jusqu'à la suppression en avril 1987 des 20 sièges (sur cent) réservés à la minorité blanche. Au parlement, il devient le chef de l’opposition comme leader du Front républicain (RF). Il maintient à son parti le caractère de représentant de la minorité blanche.

Il rencontre à plusieurs reprises Mugabe mais en décembre 1982, il est brièvement arrêté et son passeport confisqué pour avoir critiqué plusieurs réformes constitutionnelles proposées par Mugabe.

Entre 1980 et 1985, le RF perd petit à petit 11 de ses élus, ralliés individuellement aux indépendants ou au ZANU du premier ministre Robert Mugabe. Mais aux élections de 1985, il sécurise 15 sièges sur les 20 garantis à la minorité blanche. En 1986, le RF est rebaptisé Alliance Conservatrice du Zimbabwe (CAZ) et s'ouvre aux noirs .

En 1987, avec la fin de la représentation blanche, Smith se retire alors dans sa ferme de Shurugwi. L’Alliance conservatrice du Zimbabwe laisse place à la fin des années 1990 au Mouvement pour le changement démocratique (MDC).

Mais le pays, ancien grenier à blé de l'Afrique, s'enfonce de plus en plus dans la violence généralisée en raison d'une pénurie alimentaire [4]. C'est pourquoi Smith tente de former un nouveau parti avec Muzorewa et Sithole mais finalement apporte son soutien au MDC de Morgan Tsvangirai, véritable premier parti d'opposition populaire à Mugabe [5]. Alors que la plupart des fermiers blancs sont expropriés en 2.000, sa ferme natale de Shurugwi (anciennement Selukwe et de 1963 à 1968 Shurigannina) est provisoirement occupée mais finalement épargnée. Un peu plus tard, il doit céder à Mengistu Haile Mariam, l’ancien négus rouge d'Éthiopie, une autre exploitation agricole secondaire qu'il possédait.

En 2006, pour des raisons de santé, et menacé de mort par Mugabe [6], il doit quitter sa résidence de Philipps Avenue dans le quartier de Belgravia à Hararé pour s'installer en Afrique du Sud afin de suivre un traitement médical. Il vit alors au Cap chez sa belle-fille Jean Duvenage avant de s’éteindre, à l'âge de 88 ans, le 20 novembre 2007.

Bibliographie

Ouvrages

Drapeau de la Rhodésie du Sud
  • Ian Smith, surnommé le « lion au cœur fidèle » est l'auteur d'une autobiographie parue en 2001 : Bitter Harvest : The Great Betrayal and the Dreadful Aftermath. Il y revient sur les années et les ambitions avortées de la Rhodésie. Il y fustige aussi les trahisons et les promesses non-tenues d'amis et politiciens occidentaux ou sud-africains.
  • François d'Orcival, Rhodésie pays des lions fidèles, La Table ronde, 1966. Préface de Ian Smith.
  • R. Pichon, Le drame Rhodésien, Idoc-France, 1975
  • Bernard Lugan, Atlas historique de l'Afrique des origines à nos jours, éditions du Rocher, 2001.
  • Jean-Claude Rolinat, Le Livre noir de la Rhodésie blanche. Le traquenard d'une décolonisation bâclée, Dualpha, coll. "Vérités pour l'Histoire", 2002

Ressources audiovisuelles

Notes et références

  1. Deux organisations majeures se dégagent : la ZAPU (Zimbabwe African People's Union ou Union du peuple africain du Zimbabwe) du marxiste-léniniste Joshua Nkomo et la ZANU (Zimbabwe African National Union ou Union nationale africaine du Zimbabwe) créé par Robert Mugabe en 1963. ZAPU et ZANU diffèrent aussi par leur composante ethnique principale, Ndébélés et Shonas.
  2. Dans la première moitié des années 80, quelque 250.000 Blancs émigreront vers l'Afrique du Sud. Pourtant les fermiers blancs continuèrent de disposer de 70 % des terres du Zimbabwe en raison de leur équipement d'exploitation.
  3. Le nom du pays vient du dialecte shona et signifie « la maison en pierre ». Notons que la capitale Salisbury ne deviendra Hararé qu'en 1982.
  4. En 1998, plusieurs « émeutes de la faim », provoquées par un taux de chômage touchant alors 45 % de la population et la chute de la monnaie nationale, ébranlent fortement le pouvoir, qui rend les 70.000 fermiers blancs responsables de la situation. À la corruption dénoncée par l'opposition s'est ajouté l'autoritarisme du pouvoir. Le président Mugabe apparaît de plus en plus rejeté par une population qui a vu s'enrichir une élite âgée refusant les changements. Selon les statistiques officielles, entre juillet 2000 et novembre 2001, l'État zimbabwéen saisit 6 millions d'hectares de terres agricoles pour les redistribuer à quelque 200.000 familles noires. Dans un contexte de crise, les élections de 2.000 ont conduit pour la première fois au parlement 58 députés de l'opposition sur 120 sièges, alors que le président Robert Mugabe annonçait sa décision de se retirer en mars 2002 même s'il fait tout pour assurer sa victoire à l’élection présidentielle. Mugabe fait alors adopter des lois anti-opposition, il musèle la presse et le pouvoir judiciaire, entreprend des campagnes d’intimidation et de répression et expulse les observateurs internationaux.
  5. Craignant vraisemblablement pour sa vie et celle de ses compagnons, Tsvangirai, arrivé en tête lors du premier tour de l’élection présidentielle de juin 2007, a déclaré subitement forfait pour le second tour. Cf. article.
  6. Smith considère Mugabe comme consternant de népotisme : il a « ruiné mon pays » et est « mentalement dérangé ». En effet, presque 30 ans plus tard, le contraste est cruel entre une Rhodésie en pleine croissance économique, mais où les noirs étaient les victimes d’une réelle discrimination, et le Zimbabwe, pays en faillite où les Européens et les Matabele ont été l’objet d’une politique de nettoyage ethnique aux conséquences tragiques. Le pays autrefois prospère connaît une crise sans précédent (70% des citoyens sont sans emploi), il doit souscrire au programme alimentaire mondial tandis que les élites, blanches comme noires, émigrent. L'économie périclite suite à l'expropriation violente des Blancs en 2.000 dont les terres désormais en jachère sont distribuées le plus souvent à des proches du régime. L'ancien pays exportateur de céréales doit dorénavant en importer (à défaut d'assurer le passage vers des cultures vivrières). Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que se développe une nostalgie pour la Rhodésie d’autrefois. Non seulement auprès des Européens expatriés mais aussi des habitants du Zimbabwe qui comparent leur sort aujourd’hui avec celui de leurs parents sous le règne dur mais prospère de Ian Smith. Le sort de la Rhodésie et celui du Zimbabwe ne sont pas étrangers à la situation actuelle de l'Afrique du Sud. Mais ces leçons de l'histoire seront-elles suffisantes pour éviter à l'ANC de commettre les mêmes erreurs que Robert Mugabe ? L'avenir le dira mais on a le droit de ne pas être optimiste.