Françoise Armagnac

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Françoise Armagnac (née en 1918 à Saint-Quentin-sur-Charente, assassinée le 5 juillet 1944 à Bel Air, commune d’Exideuil-sur-Charente). Cultivatrice et cadre subalterne de la Milice française.

Cheftaine de guides, elle s’est inscrite à la Milice (non armée) et elle a été présente à quatre réunions où, vu ses compétences de cheftaine, elle a été chargée de surveiller les enfants de ceux qui assistaient aux « séances de formation ». Elle a démissionné de la Milice par lettre recommandée du 7 août 1943. D’après Robert Dumarrousem, responsable de la Milice à Chabanais, elle aurait déclaré à ce dernier : « Vous exagérez dans vos attaques contre les juifs et les francs-maçons : ce sont aujourd’hui des gens pourchassés ».

Elle a épousé Georges Pénicaut, cultivateur, le 4 juillet 1944, en l’église Saint-Pierre de Chabanais. Le lendemain de son mariage, capturée par les communistes du « Maquis Bernard », elle a été fusillée, dans sa robe de mariée, à Bel Air, commune d’Exideuil-sur-Charente.

Document à l'appui

Fusillée en robe de mariée par Robert Faurisson

Françoise Armagnac était la fille de Jean, Marie Armagnac, fonctionnaire au Sénat, et d’Ernestine, Marie Carnot, nièce de Sadi Carnot. Par sa mère, elle se trouvait être la petite-nièce du président de la République qui, en 1894, avait été assassiné à Lyon par l’anarchiste Caserio.

En bordure de la route nationale Angoulême-Limoges, à proximité de Chabanais, mais sur le territoire de la commune d’Exideuil, Françoise Armagnac habitait avec sa mère un chalet de style basque au lieu-dit Bel Air. Son oncle, Jean Carnot, habitait une maison de proportions importantes située au lieu-dit Savignac [1]. Cette maison où Françoise et sa sœur Cécile, venant de Paris, avaient autrefois passé leurs vacances, est abusivement désignée par le terme de «château» chez certains habitants de la région ainsi que par la carte d’état-major. Françoise Armagnac, contrairement à la légende, n’était pas châtelaine.

Le récit qu’on va lire est dû, pour l’essentiel, au témoignage oral de son mari et à une relation écrite laissée par sa mère. Ce récit est suivi de témoignages.

Récit

Le mariage religieux de Françoise Armagnac et de Georges Pénicaut avait été célébré le mardi 4 juillet 1944, à 11 h, en l’église Saint-Pierre-ès-Liens de Chabanais. L’assistance, clairsemée (?), comprenait les Guides et Jeannettes dont s’occupait Françoise, qui était leur cheftaine. Une allocution était prononcée par M. Jagueneau, curé-doyen de Chabanais ; moins d’un mois auparavant, ce dernier avait eu affaire au maquis pour l’enterrement de «l’Espagnol» [2] et, dans l’après-midi de ce 4 juillet, il allait être giflé par un maquisard.

La cérémonie se déroulait sans incident. Il semble bien que des rumeurs inquiétantes avaient circulé la veille, mais le couple n’en avait pas eu connaissance. Françoise portait une robe de soie blanche, ample et longue, ainsi qu’un diadème de roses blanches, une mantille blanche et le burnous blanc de sa sœur Cécile. C’est, à peu de détails près, dans cette toilette de mariée qu’elle allait être fusillée une trentaine d’heures après la cérémonie religieuse.

Le repas de noces devait avoir lieu au chalet de Bel Air. Au lieu de prendre la route nationale, le couple et quelques invités s’engageaient à travers champs, par des raccourcis. Environ trois cents mètres avant de parvenir au chalet, un groupe très important de maquisards procédait à l’interpellation de toute la noce. A en croire l’adjudant, il s’agissait là d’un prélude à une simple perquisition ; celui-ci ajoutait même qu’il ne s’agirait que d’«une visite à la famille d’un ancien président de la République».

Une douzaine d’invités de la noce sont placés en garde à vue dans une dépendance du chalet. Le curé-doyen est isolé dans une pièce et c’est là qu’il sera giflé. Le photographe, M. Aubineau, est isolé dans une autre pièce ; on le soupçonne d’avoir photographié les maquisards le jour où ils ont occupé Chabanais [3].

Des maquisards s’assoient à la table dressée dans la salle principale du chalet et ils se partagent le repas de noces. Au milieu de la table se trouvent des hortensias bleus, qui avaient été cueillis autour de la maison, et deux bouquets de roses blanches. Aux Guides, aux Jeannettes et aux autres enfants, les maquisards distribuent des gâteaux et des chocolats.

Vers 15 h, les autres participants de la noce auront droit à quelques restes froids du repas. Vers 17 h, les invités du goûter arrivent à leur tour ; ils sont fouillés. A 18 h, les mariés sont emmenés en camion ainsi que le doyen et le photographe. Françoise étant debout dans le camion, un maquisard était allé lui chercher une chaise de salon. Ainsi commençait ce que, se penchant vers son mari, elle appelait «notre voyage de noces». Il est peu probable qu’en cet instant le couple se soit vraiment senti en danger. Personne n’a rien tenté pour lui, précisément sans doute parce que personne ne redoutait un événement fatal. Personne, sauf la très jeune femme de chambre, Louise V., qui déclare à Anna, la cuisinière, que Françoise va être fusillée [4]. Elle se dit à bout de nerfs et, le soir même, prenant ses affaires, elle quitte les lieux. On ne la reverra plus [5]. Elle a servi de guide aux maquisards durant leur perquisition et c’est elle qui les a menés vers une étagère où se trouve un petit sabot : dans ce petit sabot, on a découvert un insigne de la Milice. C’est, du moins, ce qui ressort de ce que Mme Armagnac, la mère de Françoise, entendra dire au camp de Vayres, où, quelques jours plus tard, elle sera à son tour internée par les maquisards.

Le chalet a été pillé de tous ses objets de valeur. L’adjudant avait pourtant déclaré que «pas un sou, pas un centime ne serait pris» et que «le Maquis n’avait besoin de rien». «D’ailleurs», avait-il précisé, «voyez comme nous sommes habillés !» Mais il est probable qu’en découvrant, lors de la perquisition, des preuves qui semblaient accabler Françoise, l’ordre avait été donné de tout «récupérer». Arrivés [à pied] à cent vingt-six hommes et deux camions, les maquisards ont, en repartant avec un camion, emporté l’argenterie, l’horlogerie, les bijoux de famille, l’argent, l’eau-de-vie, les bouteilles de vin, de la vaisselle et toute l’alimentation. Ils ont notamment emporté la montre de M. Armagnac (décédé en 1942) et le contenu des porte-monnaie de deux enfants, âgés de six et huit ans, qui étaient venus passer leurs vacances à Bel Air. Ils ont laissé les porte-monnaie [6].

Quant au camion qui emporte les prisonniers, il traverse Grenord et gagne le château de Pressac, près de Saint-Quentin-sur-Charente. Les gardiens chantent. L’un d’eux entonne «l’Internationale», mais ses camarades l’interrompent, lui rappelant que «c’est interdit». L’arrivée au château est houleuse. Les maquisards se montrent insultants et prêts à rouer de coups les prisonniers, mais «Bernard» sort du château, un gourdin (?) à la main, et prévient : «Le premier qui les touche, je le descends.»

Les prisonniers sont groupés dans la pièce du premier étage, à gauche, qui sert de prison. Françoise, quant à elle, est conduite à l’infirmerie, à droite. On lui prend ses pièces d’identité, son bracelet, sa montre et sa bague de fiançailles. La fameuse «infirmière» – l’ancienne bonne de Mme Vissol habitant Chabanais – sera vue, après les événements, avec, au doigt, cette bague de fiançailles.

Françoise et son mari subissent ensemble deux interrogatoires dans le bureau de Raoux qu’on appelle «Gandhi» et qui fait fonction à la fois de juge d’instruction, de procureur et de juge. Un agenda de Françoise est examiné de près : celui de 1943, où elle raconte avoir assisté aux premières réunions de la Milice (quatre réunions en tout, semble-t-il). «Ceci suffit», aurait dit Raoux, en lui montrant l’insigne de la Milice.

Dans la prison du château de Pressac sont enfermés une quinzaine d’hommes. On ne donne rien à manger aux nouveaux arrivants, sans doute trop tard arrivés. Le lendemain, mercredi 5 juillet, toujours rien à manger. Georges Pénicaut est employé à la corvée de charbon de bois. Françoise Pénicaut coud des calots à l’infirmerie. Elle demande et obtient un morceau de pain. Entre les corvées, le couple parvient à échanger quelques paroles. Dans la matinée, Françoise est convoquée pour deux interrogatoires. Elle confiera à son mari qu’on lui pose toujours les mêmes questions et qu’elle est sûre d’être condamnée. En fin de matinée, on lui annonce son exécution pour le soir même, tandis que Georges devra être relâché. Ce dernier obtient une audience de «Bernard». Il l’adjure de prendre sa vie en échange de celle de sa jeune femme. Loin de lui céder, «Bernard» lui énumère les pièces à conviction : insigne de la Milice, agenda de 1943, déposition signée de Françoise. Il lui lit même un extrait de l’agenda où est relatée l’adhésion à la Milice. C’est alors que Georges mentionne la page de l’agenda où Françoise donne référence de la lettre recommandée par laquelle elle avait envoyé sa démission à la Milice. Du coup, «Bernard» poursuit la lecture de l’agenda ; parvenu à la date du 7 août 1943, il arrache la feuille et déclare à Georges Pénicaut : «Les preuves qui nous intéressent, nous les retenons ; celles qui ne nous intéressent pas, nous avons le devoir de ne pas les regarder [7].» Et d’ajouter que cette exécution ne serait pas retardée «d’une heure ni d’une minute».

A 21 h, Françoise est exécutée tout en haut du «York», derrière un buisson, près d’une pêcherie asséchée [8]. On lui avait accordé cinq minutes avant de partir vers le lieu de l’exécution, dans l’attente de son mari qui, à cette heure, n’était pas encore revenu de la corvée de charbon de bois. A son retour, elle s’était portée vers lui et ils avaient pu échanger quelques mots. Au peloton, elle aurait déclaré : «Tuez-moi. Je remets mon âme à Dieu.» On a plusieurs témoignages de son sang-froid. Le coup de grâce aurait été tiré par «l’infirmière». On refusa de montrer à Georges l’endroit où avait été jeté le corps de sa femme et c’est en vain qu’il réclama la bague de fiançailles.

L’exhumation ne put avoir lieu que cinq mois plus tard, dans la boue, le 2 décembre 1944. Françoise Pénicaut a sa tombe aujourd’hui au cimetière de Chabanais. L’inscription porte : «Ici repose Françoise Armagnac, épouse Pénicaut, 1918-1944.» A sa gauche, la tombe de son père porte : «Jean Armagnac, né à Paris, décédé à Bel Air, 1872-1942.» A sa droite se trouve la tombe de sa mère où l’on peut lire : «Marie Armagnac, née Carnot, 1877-1969.»

Les témoignages

• Témoignage de Cécile Armagnac, sœur aînée de la fusillée :

« A l’époque des faits, j’étais ambulancière à Cherbourg. A cause de la bataille de Normandie, la ville était coupée du reste de la France. Je n’ai appris le mariage et la mort de ma sœur que vers la fin du mois d’août 1944 par le fait du hasard (quelqu’un qui venait de Paris et qui était de passage à Cherbourg m’avait, en entendant prononcer mon nom, présenté ses condoléances...). Nous n’avions, ma sœur et moi, aucune activité politique. Nous étions toutes deux hostiles à l’Occupant. La Milice apparaissait, au moment de sa création, en 1943, comme une sorte de gendarmerie civile chargée de maintenir l’ordre dans le pays. Dans une région comme la nôtre, où il n’y avait pour ainsi dire pas d’Allemands en 1943, la Milice n’était pas tenue pour pro-allemande, comme elle allait l’être plus tard, notamment vue de Paris ou de régions où les Miliciens et les Allemands participaient aux mêmes opérations de “maintien de l’ordre”. Et puis, Françoise devait avoir à s’occuper des œuvres sociales de la Milice, c’est-à-dire de secourisme, de colis pour les prisonniers, de garderies d’enfants. Elle ne s’est, je crois, rendue qu’à quatre réunions de la Milice ; après quoi, elle a envoyé sa démission dès le 7 août 1943.

J’ai revu Bel Air le 9 octobre 1944, c’est-à-dire trois mois après la mort de ma sœur. La région était libérée depuis déjà deux mois. On tournait le dos à ma mère. Les métayers ne lui versaient plus de redevances. J’apprenais, de plus, qu’après le sinistre de Chabanais du 1er août 1944, on était venu réquisitionner à Bel Air du bois et des meubles (lits, commodes, armoires) pour les sinistrés. B., le tireur de sable, très connu pour ses opinions communistes, était venu, parmi d’autres, chercher des meubles. On ne devait nous rendre ultérieurement qu’une armoire en ébène et une commode en acajou. J’apprenais également que ma mère avait été emmenée et emprisonnée par le Maquis. Elle avait soixante-sept ans et elle était presque aveugle. Dans une lettre adressée au contrôleur des Contributions, elle avait sollicité un dégrèvement d’impôts, vu le pillage de Bel Air où tout son argent liquide lui avait été pris. Sa lettre avait été interceptée. Elle-même avait été arrêtée, ainsi que le percepteur de Chabanais. Raoux et d’autres interrogateurs avaient, en vain, tenté de lui faire rétracter les termes de la lettre. Sûre d’être fusillée, elle leur tenait tête. On cherchait également à lui extorquer une somme, ainsi qu’à un certain G., de Saint-Junien. Elle leur répliquait qu’ils lui avaient tout pris. En fin de compte, les maquisards l’avaient relâchée du camp de Vayres au moment de quitter celui-ci précipitamment. Ma mère, se coupant un bâton dans les haies, avait marché pendant vingt kilomètres pour regagner Bel Air.

Ces événements ont été le fait d’une époque troublée. Ce n’a pas été plus beau de l’autre côté. Dans ces moments-là, les actes vont souvent plus vite que les pensées et il en résulte des excès de toute sorte. Restent les traces... »

• Témoignage de Robert du Maroussem, ancien responsable local de la Milice :

« A la fin d’une de nos séances d’information, je me souviens que Mlle Armagnac nous a dit : “Vous exagérez dans vos attaques contre les juifs et les francs-maçons ; ce sont aujourd’hui des gens pourchassés.” »

• Témoignage de Mme T., ancienne domestique du château de Pressac :

« Quand le camion est arrivé au château, les maquisards, pour se moquer, criaient : “Vive la mariée !” Elle a couché dans un grenier. On lui a fait nettoyer les cabinets et coudre des vêtements. Sa robe était souillée. Quand elle traversait la cour, on continuait de crier : “Vive la mariée !” Un jeune qui avait fait partie du peloton d’exécution avait été impressionné par son courage. Il paraît qu’elle a ouvert le devant de son burnous et qu’elle leur a dit : “Allez-y !” »

• Témoignage de Nathan Lindner, instigateur de l’arrestation :

[Dans sa relation écrite, Mme Armagnac nomme le «vendeur de journaux Lannaire (sic), né à Varsovie et réfugié à Chabanais». Elle ajoute que l’homme avait dirigé le pillage de Bel Air et qu’il avait personnellement emporté «les tableaux généalogiques de la famille Carnot». Il se serait vanté du «joli coup» qu’il avait fait et il se serait exclamé : «S’ils ne sont pas contents de moi après cela !» J’ai retrouvé Nathan Lindner le 14 mai 1974. Il habitait alors à Paris le quartier des Halles et tenait une terrasse de journaux à l’angle de la rue Tiquetonne et de la rue Montorgueil. Né en juillet 1902 à Varsovie, il avait été caporal dans la Légion étrangère (taille : 1 m 59). Pendant la guerre de 1939-1940, il avait travaillé à Toulouse pour Paris-Soir ; par la suite, à cause des lois raciales de Vichy, il avait travaillé à Issoudun (Indre) pour son propre compte. Il s’était enfin replié à Chabanais où il colportait des journaux pour le Dépôt Hachette tenu par Mme Olivaux. Connu sous le sobriquet de «Trottinette», il portait, dans la Résistance, le pseudonyme de Linard.]

« J’ai dû, en 1945, quitter la région de Chabanais à cause de ces histoires de la Libération. La presse de l’époque, et notamment L’Essor du Centre-Ouest, m’avait violemment attaqué. Bien des années après, c’est Historia qui s’en est pris à moi.

En 1944, à Chabanais, je prenais livraison des journaux à la gare et je les apportais au magasin Olivaux. J’avais une poussette aménagée en bibliothèque. C’est pour cela qu’on me surnommait “Trottinette”. Un jour, j’entends Mlle Armagnac dire à peu près : “Ces jeunes qui refusent le STO [Service du Travail Obligatoire], on devrait les arroser de pétrole et y mettre le feu.” D’autres personnes pourraient vous le confirmer [9]. Dans mes journaux figurait Signal, seule revue comparable au Match actuel [10].

C’est moi qui ai parlé à Bernard [Lelay] de Françoise Armagnac. J’ai demandé à m’occuper de la perquisition et du reste. Bernard m’a donné carte blanche. Quand la noce est arrivée à trois cents mètres de la propriété Armagnac, je leur ai dit que nous étions des maquisards et non des pillards et j’ai lu une décision qui disait que tout homme surpris à piller serait immédiatement abattu. Cette opération, nous l’avons montée le jour même du mariage avec l’espoir que, parmi les invités, nous trouverions d’autres miliciens. Au cours de la perquisition, nous avons découvert des carnets de rendez-vous, des brassards, des insignes [11], une carte de membre de la Milice [12]. J’ai conduit la mariée à Raoux qui, muni de mon rapport écrit, a procédé à l’interrogatoire et a décidé l’exécution.

Ce que j’ai fait ce jour-là, ce n’était peut-être pas trop beau. Je suis entré dans l’Histoire par la mort d’une descendante de Sadi Carnot. Je n’en suis pas flatté. Il fallait le faire à l’époque. Je ne suis pas un sanguinaire ; les esprits étaient surchauffés et on n’était pas alors en état de raisonner.

Mais nous avons en ce moment beaucoup de gens qui font beaucoup de mal [maintenant, en 1974]. On aurait dû les exécuter alors, au lieu de les libérer et de les blanchir. Tous ceux-là salissent et dénigrent la Résistance. »

[Le témoin m’est apparu tourmenté par l’« Affaire Armagnac ». Il ne regrette pas d’avoir fait fusiller la mariée mais il déplore les ennuis qui s’ensuivirent pour lui. Il dit avoir toujours été communiste et il affirme qu’il a été exclu du Parti en 1945 pour avoir voulu, contrairement aux instructions, aider des Rouges espagnols à s’armer afin de libérer l’Espagne du joug de Franco. Parmi ces Rouges figurait « Ramon ». Nathan Lindner est féru d’histoire et de peinture ; il peint sous un pseudonyme [Ainel, comme N(athan) L(indner)].

• Témoignage d’Annie F., ancienne cheftaine de Louveteaux :

« Françoise Armagnac était une idéaliste et une passionnée, une fille dégingandée aux tenues excentriques et parfois négligées. Très pratiquante, elle avait un ton abrupt ; elle était très “tranche-coupe” et peut-être timide au fond.

La politique ne l’intéressait pas.

Me parlant d’un mouvement qui était peut-être celui des œuvres sociales de la Milice ou un mouvement féminin de la Milice, elle m’avait dit un jour que, dans une époque comme la nôtre, on ne pouvait pas rester indifférent, que ce mouvement avait l’air intéressant et qu’on devait pouvoir s’y rendre utile. Quelqu’un – est-ce sa mère ou bien est-ce moi-même ? – l’a mise en garde et lui a conseillé de prendre avis des Scouts au plan national [13].

Le 4 juillet 1944, j’ai assisté au déménagement des affaires de la famille Armagnac dans le camion des maquisards. Sur la pente du pré, des enfants jouaient ; c’étaient des Louveteaux et des Guides.

• Témoignage de Joseph L., ancien président de la Légion :

« A un moment, à Bel Air, le fils Valette, qui faisait partie des maquisards, a crié : “Les Allemands arrivent ! Voilà les croix gammées !” – C’étaient des croix scoutes [14]. »

• Témoignage de la veuve du lieutenant Robert, responsable des opérations :

[Le lieutenant Robert s’appelait, de son vrai nom, Jean P. Il était cultivateur aux Fayards, commune d’Étagnac. Sa veuve tient aujourd’hui [1974] un magasin d’antiquités dans la région parisienne, à Saint-Mandé.]

« Mon mari vient de mourir à cinquante-deux ans d’un cancer. Je l’ai connu après la Libération. Il était alors croupier. Pendant deux saisons, il a dirigé le casino de L. Je n’ai pas connu la Résistance en Charente. Je ne suis pas de ce pays-là. Mon mari a toujours été communiste. Il ne parlait pour ainsi dire jamais de ses souvenirs du Maquis. Il était écœuré par le mal qu’on disait de la Résistance. Il n’a au fond vraiment commencé à parler du Maquis que durant les huit mois d’hôpital qui ont précédé sa mort. Il parlait surtout de “Gustave” (Bricout) et puis il parlait aussi d’une marquise ou d’une comtesse qui avait été fusillée. Il y était. Je me rappelle très mal. Est-ce que cette femme n’avait pas dénoncé des Français ? Mon mari pensait que c’était juste... Je crois que mon mari n’était pas tellement d’accord... [15] »

• Témoignage de G.B., de Montbron, prétendu témoin de l’exécution :

« Alors, la mariée a ouvert son voile et elle a crié comme ça : “Vive l’Allemagne [16] !” »

• Témoignage de «Bernard», commandant du «Maquis de Pressac» :

« La mariée ? Elle était secrétaire de la Milice de Confolens. Elle m’a déclaré : “Vous m’avez eue, mais si je vous avais eu, c’était pareil [17].” »

• Témoignage de «Gaston», chauffeur de «Bernard» :

« J’ai participé à l’arrestation de la fille Carnot. Une fille sensationnelle. Devant le peloton, elle a pris sa robe de mariée comme ça [geste des deux mains pour se décolleter]. Elle n’a jamais baissé les yeux. Elle était chef de centaine à la Milice [18]. »

• L’« Affaire Armagnac » racontée par Robert Aron

« Les exactions peut-être les plus odieuses sont celles qui s’attaquent à des femmes. Près de Limoges, une jeune fille de la région, Mlle d’Armagnac, dont la famille est propriétaire d’un château, se marie à l’église de son village : à la sortie de la messe, sur le parvis, des maquisards l’enlèvent, ainsi que son mari, le curé qui les a bénis et un témoin. Le lendemain à l’aube, on la fusillera en toilette de mariée. Motifs invoqués : d’abord, elle est châtelaine ; en second lieu, elle a soigné des miliciens [19]. »

• Témoignage de P. Clerfeuille, professeur à Angoulême

« Vous savez, il est très difficile de faire ce travail sur la Répression. Les gens ne veulent pas parler. Prenons un exemple. Je sais pertinemment qu’une femme a été fusillée en toilette de mariée. Je suis allé pour enquête à Chabanais. J’ai une carte officielle pour faire ce genre de travail : je suis membre correspondant du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale et nous dépendons du Premier ministre. Eh bien, on a refusé de me donner le nom de cette fusillée ! Je suis reparti sans rien ! Et pourtant, je sais qu’elle a existé, cette femme. »

[P. Clerfeuille est officiellement chargé, entre autres travaux, de recherches sur la Répression à la Libération (c’est-à-dire sur l’Épuration) dans le département de la Charente. Notre entretien date de 1974, soit près de sept ans après la publication du livre de Robert Aron.]

• 1° Premier Bataillon, 2406e [sic] compagnie. Le 4 juillet 1944 - Rapport du Lieutenant de Compagnie [20]

Aujourd’hui 4-7-44 nous avons fait une opération d’envergure au château d’Armagnac ; lieu dit au Petit Chevrier [21], au sujet de l’arrestation éventuelle de miliciens. L’opération a été complètement couronnée de succès car nous avons arrêté une milicienne. Cette femme se mariait aujourd’hui et, nous sommes tombés en pleine noce ou tout au moins à l’arrivée de la noce. Nous avons interrogé les invités les uns après les autres et j’ai vérifié moi-même leur identité et tous leurs papiers qui étaient en leur possession ainsi que leur portefeuille. Après vérification, j’ai retenu un photographe, nommé Aubinot [22] qui a soit-disant photographié le Maquis le jour où nous avons occupé Chabanais. Ceci a besoin d’une enquête sérieuse à son domicile.

J’ai retenu aussi le Prêtre de Chabanais qui avait empêché la rentrée des fleurs et des couronnes et du drapeau dans son église [23].

Ensuite nous avons gardé à vue le Marié et la Mariée pour nous avoir répondu méchamment au sujet du travail que nous faisions à leur domicile. Puis nous avons fait une perquisition en règle sans rien abîmer jusqu’au moment où nous avons trouvé la preuve que la Mariée est Milicienne. Aussi, dès cet instant j’ai à peu près donné main libre aux hommes pour le déménagement des vivres et autres choses intéressantes pour nous.

Quand tout a été embarqué nous avons fait monter les prisonniers dans les camions et nous sommes rentrés sans incident.

Je suis satisfait de cette expédition car j’ai vu, mes hommes à l’œuvre et je vois que je peux compter sur eux.

Quant à mon Adjudant-Chef Linard [24] je ne peux que le remercier d’avoir monté cette expédition et de l’avoir si bien surveillée. Aussi, avec l’avis du Capitaine Commandant du Bataillon je demanderais qu’il soit nommé Adjudant de Compagnie.

Dans la soirée un avion Allemand a survolé le camp à basse altitude et à son passage à Pressignac a lâché quelques rafales de mitrailleuse sur des civils.

Signé : Robert

Notes

[1] A prononcer Savignat, selon l’orthographe d’origine. Depuis un siècle, trop de toponymes de la région se sont ainsi trouvés pourvus d’un suffixe -ac, à la place du suffixe -at.

[2] Maquisard.

[3] Son appareil de photographie, d’une valeur de soixante mille francs [1944], lui ayant été confisqué, il lui restera à s’engager, bon gré mal gré, dans le maquis. Il sera tué dans la poche de Royan. [4] Anna devait, après la guerre, en témoigner auprès des enquêteurs de la Sécurité militaire. [5] Louise V. est aujourd’hui [1974] installée à Limoges où elle a épousé un coiffeur. Elle a deux filles, dont l’une est professeur et l’autre, ingénieur (ailleurs qu’à Limoges). Son père était communiste.

[6] Après la guerre, des enquêtes de la Sécurité militaire établiront ce genre de faits. C’est, nous a déclaré Cécile Armagnac, dans le souci de ne rien envenimer que Mlle Armagnac a renoncé à rentrer en possession de ces biens-là («et puis, cela ne nous aurait pas rendu Françoise») ; pour ce qui est des autres biens, l’indemnité perçue par Mlle Armagnac semble avoir été très modeste.

[7] La législation spéciale d’Alger, comme les appels de la Radio de Londres et, en particulier, ceux de Maurice Schumann, autorisaient, semble-t-il, ce type de distinguos.

[8] En 1944, la France vivait à l’heure de l’Europe centrale : 21 h correspondaient donc à 19h, heure solaire.

[9] Les personnes interrogées, y compris les plus hostiles aux miliciens, nous ont déclaré que Françoise Armagnac leur paraissait incapable d’avoir tenu de pareils propos, aussi bien dans le fond que dans la forme. Précisons ici que le témoin Lindner nous a paru sujet à de graves défaillances sur d’autres points que «l’affaire Armagnac».

[10] On s’étonne de cette mention de Signal. On s’étonne encore plus de la comparaison avec Match (ou Paris-Match). Signal était un hebdomadaire de très bonne qualité mais que beaucoup de Français se refusaient à acheter à cause de son caractère allemand et national-socialiste. Nathan Lindner, lui, en vendait ou essayait d’en vendre à Chabanais. La vente, tout comme l’achat, n’en était nullement obligatoire. Françoise Armagnac avait interdit aux enfants dont elle s’occupait d’acheter quoi que ce fût à Trottinette, coupable, à ses yeux, de vendre Signal ainsi que des publications à caractère licencieux.

[11] Selon toute vraisemblance, ces brassards et ces insignes étaient... scouts (à l’exception de l’insigne trouvé dans le petit sabot).

[12] Confusion probable avec l’insigne de la Milice trouvé dans le petit sabot.

[13] Selon sa sœur Cécile, Françoise, ne recevant pas de réponse – le courrier fonctionnait dans des conditions précaires –, aurait pris sa décision sans plus attendre.

[14] Cette confusion semble s’être produite ailleurs en France ; voy. également, plus loin, la confusion entre «cheftaine» et «chef de centaine», c’est-à-dire entre un grade scout et un grade de la Milice !

[15] Ces deux dernières phrases offrent un exemple des contradictions que nous avons quelquefois rencontrées au cours de mon enquête lorsque le témoin essaie de formuler un jugement d’ordre général.

[16] Je ne rapporte ce propos que pour donner au lecteur une idée de la conviction de certains témoins. Ainsi qu’il devait se révéler par la suite, G. B. n’avait pas assisté à cette scène pourtant rapportée comme vécue.

[17] Françoise Armagnac n’a nullement été secrétaire de la Milice de Confolens. La pensée que lui prête le témoin est peu vraisemblable chez quelqu’un qui s’était désolidarisé de la Milice onze mois auparavant en envoyant sa démission. Quant à l’extrême brièveté de ce témoignage, elle tient au fait qu’au moment de ma rencontre avec «Bernard», je n’avais pas encore réuni beaucoup d’informations sur les exécutions et, en particulier, sur celle-ci.

[18] «Gaston», de son vrai nom Jean T., habite aujourd’hui près de Saint-Victurnien (Haute-Vienne). Françoise Armagnac n’était pas chef de centaine mais cheftaine. Le témoin confond ici un modeste grade des Guides avec un grade important de la Milice armée !

[19] R. Aron, «Les Grandes Études Contemporaines», in Histoire de l’Epuration, tome I, Paris, Fayard, 1967, p. 566-567. Le lecteur attentif pourra relever une demi-douzaine d’erreurs dans ce résumé de l’affaire. Ces erreurs s’expliquent par le fait que Robert Aron, qui est un généraliste, ne pouvait se livrer à des vérifications poussées de chaque cas. Quelques-unes de ces erreurs s’expliquent aussi peut-être par la force d’attraction de certains clichés ou stéréotypes qui s’appellent l’un l’autre et donnent au récit la forte simplicité et la couleur dramatique que goûtent certains lecteurs de romans : «exactions... odieuses... s’attaquent à des femmes... une jeune fille... Mlle d’Armagnac [sic]... famille... propriétaire... château... se marie... église... son village... sortie de la messe... parvis... enlèvement...». Dans un pareil contexte, on ne s’étonne pas trop de voir l’exécution se placer «le lendemain à l’aube» (alors que, rappelons-le, Françoise Armagnac, plusieurs fois interrogée le lendemain de son arrestation, ne devait être exécutée qu’à 21h).

[20] Nous corrigeons l’accentuation, mais non l’orthographe ni la ponctuation de ce document dont chaque phrase mériterait une lecture attentive.

[21] En fait, il ne s’agit pas de Petit Chevrier mais de Bel Air.

[22] L’orthographe exacte est Aubineau.

[23] Pour l’enterrement de l’«Espagnol» ; les deux frères Devoyon, de Chabanais, lui avaient fait un cercueil jugé trop court ; ils seront tous deux fusillés.

[24] Pseudonyme de Nathan Lindner.