Bain de sang d'Essen
Le Bain de sang d'Essen, appelé aussi Samedi sanglant d'Essen (Essener Blutsamstag), Massacre de Pâques (Ostermassaker) ou Tragédie du Samedi saint (Karsamstagstragödie) est un épisode de l'histoire allemande, survenu le 31 mars 1923.
Il s'inscrit dans le contexte de l'occupation de la région de la Ruhr par les troupes belges et françaises. Ses répercussions politiques ont été particulièrement importantes.
Sommaire
Déroulement des incidents
Le jour du Samedi saint, le 31 mars au matin, un groupe de soldats français fait irruption sur le site des usines Krupp, afin de réquisitionner des camions entreposés dans un hangar.
Aussitôt, le mécontentement se répand chez les ouvriers et se propage à travers tous les ateliers. Deux membres du comité d'entreprise vont à la rencontre des soldats français et leur demandent de quitter rapidement les lieux, afin de désamorcer la situation. La tentative est vaine.
A 9 heures, les sirènes de l'usine retentissent et les ouvriers se rassemblent devant le hall. La foule des manifestants entonne des chants patriotiques et des slogans hostiles à l'occupation française, tandis que certains d'entre eux commencent à lancer des projectiles sur l'entrepôt, où se trouvent les soldats français. Puis, un groupe se met à enfoncer la porte, qui finit par céder. Les Français ouvrent le feu sur la foule. Le bilan est lourd : 13 morts et des dizaines de blessés.
Répercussions
Indignation allemande
Les funérailles des victimes sont l'occasion d'un immense rassemblement. Dans la ville, tous les commerces et entreprises ferment leurs portes ce jour-là. Des centaines de milliers de personnes défilent, dans un cortège qui réunit les gens de tous les milieux, ouvriers, patrons, cadres, directeurs, employés, familles, ainsi que tous les partis politiques, de la droite nationaliste à la gauche communiste, en passant par les libéraux et les sociaux-démocrates.
Dans toute l'Allemagne, l'indignation et les réactions nationalistes sont à leur comble. Pour la première fois, le Parti communiste, qui était jusque-là totalement muet sur l'occupation de la Ruhr, rejoint le chœur des voix nationalistes.
Sous la pression, le gouvernement allemand adresse une note de protestation au gouvernement français, datée du 4 avril. Même le président du Reich Friedrich Ebert dénonce publiquement le « bain de sang que le militarisme français a fait subir à des ouvriers pacifiques et sans défense »[1].
Réactions françaises
Les autorités françaises, elles, réagissent d'une manière bien peu appropriée : elles accusent la direction des usines d'être responsables des incidents. Le général Jean-Marie Degoutte, commandant des troupes d'occupation de la Ruhr, a déjà fait arrêter le dimanche de Pâques trois des directeurs des usines Krupp. Il ne s'arrête pas là: le 30 avril, il clôt la procédure d'enquête, en déclarant que les soldats français ont agi en vertu de la légitime défense. Le premier mai, il fait même arrêter Gustav Krupp von Bohlen und Halbach, le directeur général de Krupp, venu expressément de Berlin pour contribuer à l'enquête.
Le procès se déroule devant une Cour martiale françaises du 4 ou 8 mai à Verden. Dix des prévenus, tous membres de la direction des usines Krupp, sont condamnés à des peines qui dépassent l'entendement : Gustav Krupp est condamné à 15 ans de réclusion et à une amende de 100 millions de Marks. Il fallut l'intervention du Saint-Siège pour que Krupp ne soit pas incarcéré dans la prison régulière de Germersheim mais soit transféré dans la prison de Düsseldorf avec un statut de prisonnier politique. Après sept mois de détention, Krupp et les autres directeurs seront libérés.
Ce procès et ces condamnations suscitent à nouveau l'indignation dans toute l'Allemagne et fédère la colère des forces les plus diverses. On voit ainsi les syndicats et le Parti social-démocrate (SPD) mettre de côté les principes de la lutte des classes et clamer leur solidarité avec Gustav Krupp et les autres « représentants du capital » ordinairement conspués.
Ces incidents ont clairement contribué à attiser l'hostilité à la France dans la population allemande.
Notes et références
- ↑ Klaus Wisotzky, « Der „blutige Karsamstag“ 1923 bei Krupp », in: Der Schatten des Weltkriegs, Essen, 2004, p. 269.