6 février 1934

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La place de la Concorde le 6 février 1934
Groupe de Camelots du roi le 6 février
Tête de cortège de la Solidarité française le 6 février

La date du 6 février 1934 fait référence à une manifestation antiparlementaire organisée à Paris par les ligues nationalistes. Elle fut l'occasion de violents affrontements avec les forces de l'ordre sur la place de la Concorde.

La crise des années 1930 et l'affaire Stavisky


La France a été touchée à partir de 1931 par la Grande dépression, née en 1929 aux États-Unis. La crise économique et sociale frappa particulièrement les classes moyennes. Or, le pouvoir se révéla incapable d'apporter des solutions, ce qui se traduisit par une très forte instabilité ministérielle (cinq gouvernements de mai 1932 à janvier 1934) contribuant à alimenter le rejet du régime parlementaire.

L'antiparlementarisme fut aussi alimenté par une succession de scandales politico-financiers : affaire Hanau, affaire Oustric, et enfin, cause directe des évènements du 6 février, affaire Stavisky.

Ce nouveau scandale, impliquant le Crédit municipal de Bayonne, éclate en décembre 1933. Apparaît alors le personnage d'Alexandre Stavisky, un escroc lié à plusieurs parlementaires radicaux, dont un ministre du gouvernement du radical Camille Chautemps. La presse révèle ensuite qu'Alexandre Stavisky a bénéficié de dix-neuf remises de son procès, alors que le Parquet est dirigé par le beau-frère de Camille Chautemps. Le 8 janvier 1934, Alexandre Stavisky est retrouvé mort. Selon la version policière, il se serait suicidé, ce qui suscite l’incrédulité générale. Pour la droite, il a été assassiné sur l'ordre de Chautemps, afin d’éviter des révélations. Dès lors, la presse se déchaîne, les ligues manifestent, et, à la fin du mois, après la révélation d’un nouveau scandale, Camille Chautemps démissionne. C'est un autre radical, Édouard Daladier, qui lui succède le 27 janvier.

Depuis le 9 janvier, treize manifestations concernant cette affaire ont eu lieu à Paris. Comme l'a remarqué l'historien Serge Berstein, l'affaire Stavisky n'est exceptionnelle ni par sa gravité ni par les personnalités mises en cause, mais par la volonté des ligues de faire chuter le gouvernement sur ce thème, profitant du fait que les radicaux n'ont pas la majorité absolue à la Chambre des députés et forment donc des gouvernements fragiles.

C'est le limogeage du préfet de police Jean Chiappe qui provoque les manifestations massives du 6 février.

Le soir du 6 février

Les forces en présence

Parmi les principales ligues nationalistes présentes le 6 février, on compte l'Action française et ses Camelots du Roi; les Jeunesses patriotes; la Solidarité française et le Francisme de Marcel Bucard.

Sont aussi présents les Croix-de-feu, la Fédération des contribuables, dont les dirigeants ont des objectifs politiques proches de ceux des ligues, et les associations d’anciens combattants : l'Union nationale des combattants et l'Association républicaine des anciens combattants, satellite officieux du Parti communiste français.

L'émeute

Dans la soirée du 6, les ligues, qui se sont rassemblées en différents points de Paris, convergent vers la place de la Concorde, séparée de la Chambre des Députés par la Seine. Les policiers et gardes parviennent à défendre le pont de la Concorde, malgré les jets de projectiles de toutes sortes. Quelques émeutiers sont armés, et les forces de l’ordre tirent sur la foule. Les troubles durent jusqu’à 2 h 30. Finalement, le bilan humain est de vingt-deux morts et 2 309 blessés, parmi lesquels les militants de l’Action française paient le plus lourd tribut.

Ce sont en effet les ligues nationalistes qui ont joué le rôle principal. S'y sont joints, malgré les dénégations ultérieures du Parti communiste, une partie des manifestants issus de l'Association républicaine des anciens combattants. « Ce sont les Anciens Combattants sans armes qui criaient « À bas les voleurs ! Vive la France » que le Cartel a fait tuer » proclame une affiche de propagande peu après. Le gros des manifestants de l’Union nationale des combattants s’est tenu à l’écart des événements de la Concorde.

Tandis que, sur la rive droite, les charges des forces de l’ordre parvenaient difficilement à contenir les assauts des émeutiers, les Croix-de-feu avait choisi de défiler rive gauche. Le Palais-Bourbon était beaucoup plus difficile à défendre de ce côté de la Seine, mais les manifestants se contentent d’encercler le bâtiment sans incident majeur avant de se disperser en bon ordre. Volontiers décrit ensuite par la gauche comme la principale menace fasciste en France, La Rocque s'est refusé à sortir de la légalité et à renverser le régime, ce qui était l’objectif avoué des autres ligues.

À la Chambre des députés, la droite parlementaire tente de profiter de l’émeute pour contraindre le gouvernement à la démission. Mais la gauche fait bloc derrière Édouard Daladier. La séance est finalement levée après que des échanges de coups ont eu lieu dans l’hémicycle, entre députés de droite et de gauche.

Les conséquences du 6 février

Démission de Daladier et formation d'un gouvernement d'Union nationale

Dans la nuit, Daladier prend les premières mesures pour obtenir le rétablissement de l’ordre public (il envisage notamment d'instaurer l'état de siège). Mais le lendemain, ses consignes sont peu suivies par la justice et la police. De plus, il enregistre la défection de la plupart de ses ministres et de son parti. Il se résout finalement à démissionner. C’est la première fois qu’un gouvernement doit démissionner sous la pression de la rue.

La crise se résout finalement avec la formation d’un nouveau gouvernement sous la présidence de l'ancien président de la République Gaston Doumergue, rappelé par Albert Lebrun, ce dont les ligues semblent se contenter. Qualifié de Gouvernement Gaston Doumergue 2, il regroupe surtout les principales figures de la droite parlementaire (André Tardieu, Louis Barthou, Louis Marin), même si plusieurs radicaux ou le maréchal Pétain (ministre de la Guerre) en font également partie.

Vers l'union de la gauche

La gauche interprète les événements du 6 février comme la preuve d’un complot fasciste. Les socialistes et les communistes contre-manifestent le 9 février. Les incidents qui les opposent aux forces de l'ordre font neuf victimes. Le 12 février, la Confédération générale du travail(socialiste) et la Confédération générale du travail unitaire (communiste) décident d’une journée de grève générale et la SFIO et le Parti communiste appellent à une manifestation parisienne qui voit les deux cortèges se mêler à l’initiative de la base. Cette journée marque un premier rapprochement entre socialistes et communistes. Elle porte en germe l’union antifasciste entre les deux partis marxistes, ennemis depuis 1920, qui a abouti en 1936 au gouvernement de Front populaire.

La radicalisation de la droite

Après le 6 février, la droite parlementaire durcit son discours et se rapproche des ligues. Plusieurs de ses leaders perdent confiance dans les institutions parlementaires. Cette droitisation s'accélère après 1936, avec le Front populaire et la guerre d'Espagne.

Pour les ligues, le 6 février représente une occasion manquée de renverser le régime, et leur déception suscite le développement d'une association secrète anti-républicaine, connue sous le nom de Cagoule.

Noms des morts du 6 février 1934


On compta vingt-deux morts chez les manifestants (sur le coup ou des suites des blessures dans les jours qui suivirent), un du côté de la police, deux cent cinquante-huit blessés graves chez les manifestants, quatre-vingt-douze dans la police.

Six d'entre eux étaient liés à l'Action française, il s'agit de : Alphonse Aufschneider, vingt-sept ans, valet de chambre, ligueur d'Action Française, tué d'une balle au coeur ; Costa Cambo, quarante-deux ans, allié d'Action Française, chômeur ; Raymond Lalande, 24 ans ; Jules Lecomte, trente-cinq ans, ouvrier chez Renault, mort d'une balle dans le ventre, ligueur et Camelot du roi ; Charles Liévin, 34 ans ; Georges Roubaudi, trente-six ans, industriel, ligueur et membre de l'Association Marius Plateau.

Pour les autres, on ne dispose pas de leur appartenance politique : Raymond Coudreau 49 ans, Louis Ethevenaux 26 ans, Jean-Eloi Fabre 21 ans, Lucien Garniel 16 ans, Corentin Gourland 34 ans, André Javey 39 ans, Marius Labouchaix 42 ans, Henri Lammert 31 ans, Ali Mezziane 28 ans, Jean Mopin 24 ans, Albert Munnier 27 ans, Gratien de Noblens 55 ans, René-Alain Peuzier 29 ans, Raymond Rossignol 37 ans, Alfred Soucary 30 ans, Henri Vaury 29 ans.

Anecdote


C'est à Eugène Frot, ministre de l'Intérieur, que l'on fit porter la responsabilité des morts du 6 février. Il fut nommé le "fusilleur Frot" et le "ministre de l'Intérieur aux mains sanglantes". Une équipe d'extrême droite, "les Avocats du Six février", s'attacha à le harceler, à le chahuter et à l'empêcher d'exercer son métier d'avocat.

Or, Eugène Frot sera membre du Conseil national de Vichy et après la "libération" participera à des regroupements d'anciens partisans de l'État français, sera membre du Comité pour la révision du procès Pétain et vouera une solide amitié à Xavier Vallat !...

Citation


"Pour nous, nous n'avons pas à renier le 6 février. Chaque année nous allons porter des violettes place de la Concorde, devant cette fontaine devenue cénotaphe, en souvenir des vingt-deux morts. Chaque année la foule diminue, parce que les patriotes français sont oublieux par nature. Seuls les révolutionnaires ont compris le sens des mythes et des cérémonies. Mais si le 6 fut un mauvais complot, ce fut une nuit de sacrifices, qui reste dans notre souvenir avec son odeur, son vent froid, ses pâles figures courantes, ses groupes humains au bord des trottoirs, son espérance invincible d'une Révolution nationale, la naissance exacte du nationalisme social de notre pays. Qu'importe si, plus tard, tout a été exploité, par la droite et par la gauche, de ce feu brûlant, de ces morts qui ont été purs. On n'empêchera pas ce qui a été d'avoir été."

Robert Brasillach, in Notre avant-guerre.

Documents à l'appui

Le 6 fevrier vu par Lucien Rebatet, in Je Suis Partout

Le Six Février 1934, les chefs nationaux n’étaient pas sur la Concorde. J’y étais, aux minutes les plus meurtrières. Je ne les y ai pas vus, personne ne les y a vus. Ils étaient donc dans leurs postes de commandement. Ce pouvait être leur place. Je les y ai vus aussi, entre deux fusillades. Ils s’y tournaient les pouces, ils y faisaient des mots d’esprit, ils se refusaient à croire qu’il y eût tant de morts que ça ! Ils n’avaient pas une consigne à distribuer, pas une idée en tête, pas un but devant eux. Les uns et les autres étaient moralement les obligés de la démocratie. Hors d’elle, ils n’avaient aucune raison d’exister. Sur ses tréteaux, ils assumaient le rôle obligatoire de l’opposant. Sautant sur une occasion assez considérable en effet, mécontents aussi du limogeage d’un policier indulgent à leurs frasques, ils venaient de se livrer au jeu classique de l’émeute, en forme de menace tartarinesque : « Retenez moi ou je fais un malheur. » Mais pour ce petit jeu là, ils avaient mobilisé des dizaines de milliers de jeunes hommes, de croyants ingénus, d’anciens soldats. Ils les avaient excités, fanatisés, chauffés à blanc. Au moment de l’action, la foule réapprit les gestes du combat et de la barricade, avec des morceaux de plâtre, des poignées de gravier et quelques lames Gillette fichées au bout d’un bâton. Les chefs, qui les avaient jetés poings nus contre les armes automatiques, s’étaient volatilisés, les uns sans doute par calcul (je pense à l’abject La Rocque), les autres, saisis peut-être de vagues et tardifs remords, n’ayant plus guère qu’un souci : nier la gravité de l’événement qu’ils avaient criminellement engendré. Cette nuit là, j’entendis Maurras dans son auto, parmi les rues désertes, déclarer avec une expression de soulagement : « En somme, Paris est très calme ! » Oui, mais c’était le calme d’une chambre mortuaire.

La suite de l’histoire ne faut pas moins déshonorante. Les « chefs » de la droite firent un concert de clameurs. Certes, les « fusilleurs » étaient ignobles. Mais que leur reprochaient les « chefs » des ligues ? Ils leur reprochaient d’avoir triché en faisant tirer.

Le 6 février 1934 vu et vécu par l’Action française, texte de Jean-Philippe Chauvin in L'Action Française 2000 - 5 février 2004

Soixante-dix ans après, le Six Février 1934 reste une date symbolique, repérée et annoncée comme telle par les historiens, mais aussi effrayante pour les bien-pensants de la république. Ces derniers n’ont eu de cesse, jusqu’à nos jours, d’en maquiller les causes et d’en travestir le sens, parfois même dans les manuels scolaires, au mépris de la vérité historique et de la simple honnêteté intellectuelle. Ainsi, les événements du 6 février sont-ils souvent présentés comme une tentative “fasciste” des “ligues d’extrême-droite”, sans beaucoup plus d’explications. Parfois, toute trace de celle qui fut à l’origine des manifestations, l’Action française, a-t-elle disparu...

Aussi, retracer l’histoire de l’Action française, à travers son journal et son mouvement, pour cette période de quelques semaines de l’hiver 1934, apparaît nécessaire, pour dissiper quelques malentendus et réparer oublis et injustices.

Malhonnêteté républicaine

À la fin de 1933, la France est en crise : crise économique venue d’outre-Atlantique, qui ronge le tissu social du pays, mais aussi crise politique, conséquence d’un système parlementaire facteur d’instabilité ministérielle ; crise morale révélée par les multiples scandales qui éclaboussent régulièrement la classe politique de la IIIe République ; crise de civilisation, enfin, à l’heure où les démocraties et les totalitarismes se font concurrence pour le contrôle des masses, et où technique et consommation assoient de plus en plus le règne de l’argent au détriment des cultures et des personnes.

C’est dans ce contexte lourd d’inquiétudes et de menaces que, le 24 décembre 1933, un article de presse, presqu’anodin, évoque une affaire d’escroquerie découverte à Bayonne et l’arrestation du directeur du crédit municipal de cette même ville, coupable d’avoir émis de faux bons pour des sommes très importantes. Que cet article paraisse dans le quotidien monarchiste L’Action Française semble fort logique : après tout, ce journal n’a de cesse de dénoncer toutes les (mauvaises) “affaires” de la république pour mieux la décrédibiliser aux yeux d’une opinion publique pas encore totalement blasée, comme il se veut aussi le chantre de la “réaction nationale” qui doit, en bonne logique maurrassienne, mener à la monarchie.

Cette tactique de dénonciation systématique des maux de la république ne manque pas, en ces années trente, d’aliments tant les scandales qui touchent le régime et ses hommes semblent nombreux. Mais, jusque là, cela ne débouche guère sur autre chose que quelques manifestations de rue, des actions de camelots du roi et la sempiternelle confirmation de la malhonnêteté inhérente au système idéologico-politique de la démocratie. Pour autant, malgré le peu de débouchés politiques apparents de cette perpétuelle contestation (faute d’un Monk ?), la capacité d’indignation des journalistes et des militants royalistes reste intacte, prête à se manifester à l’occasion, avec le souhait toujours rappelé d’aboutir au renversement de la “gueuse”, synonyme (pour les camelots du Roi) de république.

En quelques jours, « le scandale de Bayonne », comme le nomme l’Action française et, à sa suite, la presse populaire, prend des proportions inquiétantes pour le monde parlementaire. Chaque jour amène son lot de révélations, et la liste des escrocs et des corrompus s’allonge. C’est l’Action française qui reçoit de nouveaux documents compromettants pour quelques personnalités politiques, et se fait un devoir et un plaisir de les publier. Ainsi reproduit-elle les lettres d’un ministre, Dalimier, conseillant de se procurer les fameux bons du Crédit municipal de Bayonne, et met-elle en cause le magistrat Pressard, beau-frère du président du Conseil du moment, Camille Chautemps : les premiers numéros de l’A.F. du mois de janvier 1934 fourmillent d’accusations et d’explications sur la vaste escroquerie mise en place par un certain Alexandre Stavisky, en fuite depuis Noël.

La "caverne des brigands"

D’une banale affaire d’escroquerie, “l’Affaire Stavisky” devient un scandale politico-financier qui touche tous les milieux de la république établie, en particulier le parti radical et la franc-maçonnerie, à cette époque très présente dans la vie politique du régime et souvent considérée comme son soutien et son inspiratrice. Léon Daudet, dans son article quotidien de L’Action Française, “exécute” les « voleurs », au fil d’une plume plongée dans le vitriol. Le polémiste, jadis lui-même député de Paris, dénonce les mauvaises mœurs parlementaires de la IIIe République et les pratiques policières de celle-ci. Pour définir les politiciens et magistrats touchés par le scandale, il évoque une « bande de traîtres, de voleurs, d’assassins » qu’il s’agit de poursuivre jusque dans « la caverne des brigands », c’est-à-dire le Palais-Bourbon.

Une police complice

C’est justement ce que vont s’engager à faire les camelots du Roi et les militants d’Action française dès le 9 janvier, jour de la rentrée parlementaire mais aussi de l’annonce de la mort, en définitive assez étrange (suicide ou assassinat ?) de Stavisky. Les camelots du Roi ont l’habitude de descendre dans la rue et d’orienter les manifestations vers des objectifs précis. En ce début janvier, il s’agit donc de dénoncer les « voleurs » et d’en appeler à une « réaction nationale ». C’est le sens de l’appel aux Parisiens publié par Maurice Pujo dès le 7 janvier dans les colonnes de L’Action Française : « Un scandale éclate montrant que la pauvre épargne publique, dont le régime prétendait assurer la protection à si grands frais, est livrée par les pouvoirs mêmes qui en avaient la garde aux rafles colossales d’un métèque escroc. [...]

Il n’y a plus, pour les honnêtes gens dépouillés, de recours auprès d’une magistrature et d’une police complices de malfaiteurs. Il faut que, pour défendre leurs biens avec la propreté du pays, ces honnêtes gens se dressent pour faire eux-mêmes la tâche. »

Les manifestations annoncées ont bien lieu ce 9 janvier : le boulevard Saint-Germain est le théâtre d’affrontements entre les militants d’A.F. menés par Lucien Lacour, vice-président de la Fédération nationale des camelots du Roi, tandis que d’autres manifestants envahissent la place de la Concorde ou le carrefour Richelieu-Drouot.

Les jours suivants, de nouvelles manifestations, toujours convoquées et menées par l’Action française, ont lieu, de plus en plus importantes et de plus en plus motivées. Les raisons de cette tension persistante et, bientôt, de la montée en puissance de la contestation sont nombreuses : d’abord, le scandale Stavisky, avec la découverte de l’escroc et son “suicide” auquel personne ne croit, révèle un climat délétère de corruption au sein même des institutions.

Anti-parlementarisme

La Chambre des députés est particulièrement concernée et, par contrecoup, visée par la presse monarchiste. Du coup, l’antiparlementarisme, déjà fort répandu dans l’opinion, est fortement revigoré par le scandale qui touche de nombreux élus et d’anciens ministres ou, pire, des ministres en activité... Le président du Conseil lui-même, Camille Chautemps, malgré ses dénégations maladroites, est éclaboussé : d’autre part, en voulant répondre aux attaques de la presse (et en particulier de L’A.F.) par un projet de loi sur la “diffamation”, il apparaît comme un « étrangleur » de la liberté d’expression et comme un « camoufleur » de la vérité. D’ailleurs, la réponse de Maurras est immédiate : il menace Chautemps de représailles et ne craint pas une possible descente de police à L’Action Française, comme il le souligne dans sa Politique du 12 janvier : « La perquisition ? Et puis après ? Que peut-elle faire apparaître ? [...] La force de nos vérités. Le courant irrésistible de la révolte... non, de la Révolution nationale. »

Autre raison soulignée ainsi par Maurras : il ne s’agit pas d’animer une simple réaction épidermique contre des hommes corrompus, mais de dénoncer un régime tout entier, vicié par ses principes mêmes, et, au-delà de cette contestation, d’ouvrir la voie au recours monarchique incarné, de plus en plus visiblement, par le dauphin Henri, Comte de Paris, pressé de renouer avec la France le pacte multiséculaire de la monarchie.

C’est d’ailleurs ce qu’il a indiqué aux dirigeants de l’A.F. de passage au Manoir d’Anjou (lieu d’exil, en Belgique, de la Famille de France). Durant tout le temps des événements, Maurras n’aura de cesse de rappeler que tout serait finalement bien vain si cela ne devait pas aboutir, à plus ou moins long terme, à la monarchie « réparatrice ».

Pour en arriver là, les camelots du Roi ne ménagent pas leur peine durant tout le mois de janvier : lorsqu’ils ne manifestent pas, ils diffusent dans tout Paris, mais aussi dans les villes de province, le quotidien monarchiste qui voit son tirage augmenter sensiblement. Maurice Pujo, qui est souvent à la tête des manifestants, pour montrer la bonne maîtrise qu’il a sur les troupes royalistes, n’hésite pas à négocier, un soir de pluie, avec le préfet de police Jean Chiappe, et à demander aux camelots, qui lui obéissent, de ne pas manifester ce jour-là. Cela ne peut qu’inquiéter les socialistes qui, dans le Populaire réclament la démission de Chiappe et dénoncent les manifestations royalistes.

L’AF en première ligne

Toujours est-il que l’A.F. revendique haut et fort l’entière responsabilité des événements de janvier-février 1934. Sa stratégie d’appel au « pays réel contre le pays légal » semble s’avérer payante, même si tous les éléments ne sont pas exactement réunis pour aboutir à une prise du pouvoir, ce que savent les dirigeants de l’A.F. (ils s’en expliqueront devant la commission d’enquête sur le Six Février, comme Maurice Pujo, en particulier). Quelles sont les limites de l’action des camelots du Roi ? D’abord, il est à remarquer que, malgré quelques agitations à Lille, Nantes, Marseille ou Bordeaux, la province ne s’émeut guère et garde, même si ce sentiment est mâtiné de mépris, un certain attachement à la république, fortement enraciné par les instituteurs de l’école publique ; d’autre part, dans une France encore très catholique, l’A.F. est handicapée par la condamnation vaticane de 1926 : cela la prive du soutien effectif de ceux qui pourraient aider au changement de régime et favoriser l’implantation de la monarchie.

Enfin, malgré sa position d’initiatrice de la contestation antiparlementaire, l’A.F. doit subir la concurrence de ligues nationalistes qui ne tiennent pas du tout à laisser le pouvoir au Comte de Paris : la Solidarité Française, les Jeunesses patriotes de Pierre Taittinger, conseiller municipal de Paris ; les francistes, groupuscule fasciste admirateur de Mussolini ; etc. Un mouvement d’anciens combattants, les Croix-de-Feu, dirigé par le colonel de La Rocque, personnage ambigu, peu favorable aux idées d’A.F., cherche à récupérer le mécontentement des classes moyennes à son profit. Jouant la carte de la légalité républicaine, il cherche à contourner l’A.F., ce qui lui vaut quelques avanies : lors d’une réunion dans le Quartier latin organisée le 31 janvier par les Croix-de-Feu, La Rocque est vivement interpellé par Jean Wilkin, secrétaire général des étudiants d’A.F., et par Georges Gaudy, l’un des dirigeants du mouvement. La Rocque, contrarié, se voit reprocher son attentisme à l’égard du régime politique tandis que sa propre réunion se termine sur le chant des camelots du Roi !

Renverser le régime ?

Les efforts des militants royalistes portent leurs fruits avec la grande manifestation du 27 janvier, fortement encadrée par les camelots du Roi, qui bousculent le service d’ordre policier en de multiples lieux de Paris, malgré l’arrestation préventive de deux cents militants près des différents locaux du journal et du mouvement. Le lendemain 28 janvier, L’Action Française peut chanter victoire et titre : « Paris soulevé a chassé le ministère Chautemps ». Chautemps hors-jeu, c’est Daladier qui le remplace, assisté d’un (presque) nouveau venu dans le jeu politique, Eugène Frot, qui devient ministre de l’Intérieur. Mais rien ne semble pouvoir arrêter la lame de fond de la contestation, et les manœuvres de couloir indiquent bien le désarroi des parlementaires, effrayés d’être ainsi assiégés dans Paris.

Ce succès de l’A.F. (la démission de Chautemps) aiguise un peu plus encore les appétits des autres ligues, jalouses de la “vieille maison” royaliste. Maurice Pujo en est fort conscient, lui qui cherche toujours un “Monk” susceptible de faire basculer la France de république en monarchie. Peut-être a-t-il cru le trouver en Jean Chiappe, le si populaire préfet de police de Paris, mais ce dernier est révoqué par Daladier le 3 février... Tout espoir d’un renversement de régime semble alors disparaître... Cela n’empêche pas l’Action française de maintenir la pression, comme s’il s’agissait d’une répétition grandeur nature de ce qui “pourrait arriver” le jour où un nouveau “Monk” se présenterait et assumerait son rôle historique.

Colère et prémonition

Le 3 février, dans son article de première page, Léon Daudet dénonce le durcissement prévisible de la répression républicaine et l’arrivée (qu’il a apprise par un informateur bien placé) de mitrailleuses destinées, en cas de besoin, à défendre le Palais-Bourbon : « Maintenant, ils (les politiciens républicains) ont imaginé qu’un tel régime, perdu de rapines et de stupres, ne peut plus être défendu qu’à coups de mitrailleuses. [...] Nos campagnes ont rendu plus malaisé à la police politique – “armature du régime”, disait le janissaire Bouchède – l’assassinat individuel. C’est sans doute ce qui a suggéré à “ces messieurs” d’user de l’assassinat collectif. Les parlementaires ont trouvé, sans doute, que le mépris ne leur suffisait pas, qu’il leur fallait s’attirer la haine de toute la population parisienne. » C’est le même Léon Daudet qui, le lundi 5 février, met en garde contre « la victoire apparente de la canaille sur la France honnête, de la pourriture sur les parties saines », si Daladier reste en place. « C’est aussi l’accession au pouvoir du socialisme [...] La banqueroute ne tardera guère. Cependant que l’abandon, par la star Boncour, de la Défense nationale, incitera l’Allemagne hitlérienne à une opération de grande envergure, dont la guerre sera le but inéluctable. » Lignes prémonitoires, écrites à l’heure où seule, ou presque, dans le paysage politique français, l’Action française s’inquiète des appétits naissants de l’Allemagne d’Hitler. L’avenir, à travers la politique du Front populaire de 1936 et l’expansionnisme nazi, confirmera les craintes de Daudet.

Dans ce même article, où la colère se mêle à l’angoisse, Daudet récuse la “chimère” de la simple dissolution de la Chambre, songe caressé surtout par les “républicains nationaux” et les Croix-de-Feu. Il rappelle la nécessité de la monarchie : « Seul l’aspect d’une France fortement gouvernée, nettoyée des voleurs, libre d’entraves et gardant sa raison, peut nous rendre la confiance de l’Europe et ôter à l’Allemagne le désir de nous attaquer ».

Après les voleurs, les assassins !

Une grande manifestation est annoncée pour le mardi 6 février « contre le régime abject » comme le titre L’Action Française de ce jour. Les dirigeants de l’A.F. savent que, malheureusement, cette démonstration ne ramènera pas la monarchie, faute de “l’union des patriotes” autour de l’idée royale prônée par l’A.F. Mais il n’est pas question pour autant de renoncer à cette nouvelle occasion de montrer la malfaisance du régime. Lorsque la fusillade éclate, en cette soirée du 6 février, l’Action française est en première ligne. Plusieurs de ses membres seront blessés, dont le fondateur des camelots du Roi, le sculpteur Maxime Real del Sarte, mais quatre seront tués. Alphonse Aufschneider, le camelot du Roi Jules Lecomte, Georges Roubaudi et Costa Cambo. D’autres militants d’A.F. décéderont de leurs blessures, parfois deux ans après : Charles Liévin et le camelot du Roi Raymond Lalande.

Ainsi, l’Action française du 7 février peut-elle titrer : « Après les voleurs, les assassins » et publier, le lendemain, le manifeste du Duc de Guise, prétendant au trône de France, qui s’incline sur les victimes du régime.

Pourtant, la gauche dénonce une tentative de « coup de force fasciste », et agite le drapeau de la « défense républicaine » : absente de la rue durant les semaines qui ont précédé le 6 février, elle trouve dans les événements de quoi remobiliser ses troupes autour d’un thème “consensuel” pour ses partisans, souvent divisés d’ordinaire.

Néanmoins, au-delà du terme polémique (et inapproprié) de “fascisme”, certains républicains sont plus explicites dans leurs propos. Ainsi, dans le quotidien de Clermont-Ferrand La Montagne, le député socialiste Varenne s’en prend-il directement à l’Action française : « Le régime républicain traverse les heures les plus graves qu’il ait vécues en temps de paix depuis sa fondation. Le gouvernement légal (celui de Daladier) a été renversé hier par l’émeute. Le palais de la représentation nationale, assiégé par une masse énorme de manifestants furieux, a failli être envahi par l’insurrection. [...]

Ce sont les ennemis de la République, en particulier les royalistes, qui mènent l’opération. Le véritable chef des émeutiers en furie [...] c’est M. Charles Maurras, apôtre de la monarchie et théoricien de l’assassinat. »

L’AF poursuit ses campagnes

Daladier remplacé par Doumergue, l’opinion publique semble s’apaiser : L’Action Française poursuit néanmoins ses campagnes contre la république parlementaire et ses scandales (il y en aura d’autres !). Le quotidien monarchiste a certes recruté de nouveaux lecteurs, mais certains de ses militants, plus activistes que politiques, n’ont pas toujours compris sa stratégie, trop prudente à leurs yeux, et s’en vont se perdre dans des groupes facilement manipulables par la police, comme la “Cagoule”, organisation secrète terroriste combattue fermement par l’A.F. D’autres militants d’A.F., au contraire, vont réfléchir à donner une “suite” politique au 6 février : ce sera le cas de Thierry Maulnier, alors véritable “fils spirituel” de Maurras, qui écrit avec Maxence et Francis Demain la France.

Mais déjà, confortée par la faiblesse congénitale de la démocratie française et l’insouciance diplomatique de la IIIe République, l’Allemagne nazie prépare “sa” guerre, comme le craignaient (avant même l’arrivée au pouvoir d’Hitler), Daudet et Maurras. Désormais, le principal souci de l’Action française sera de mettre en garde l’opinion publique et les gouvernants face à ce péril grandissant.

Pendant ce temps, la république, qui avait connu une “grande frousse” en ces jours de janvier-février 1934, n’a de cesse de “casser le thermomètre”, en signant la dissolution des organisations d’Action française et des camelots du Roi, juste deux ans après le Six Février et en emprisonnant Maurras quelques mois après... « La République gouverne mal, mais elle se défend bien », affirmait en son temps Anatole France : cette formule reste, malheureusement, valable pour tous les temps...

Pourquoi le Six Février a été stérile par Maurice Pujo

Certains, souvent parmi les plus jeunes, se demandent pourquoi la tragique manifestation du 6 février 1934 n’a pas débouché sur le renversement de la République. Maurice Pujo, qui avait conduit toute la campagne de l’Action française sur l’affaire Stavisky et dirigé l’action des camelots du Roi, en a donné l’explication dans une étude publiée par la Revue Universelle du 15 juillet 1938. Nous en reproduisons ci-dessous les premières pages.

À force de le répéter, les gens du Front populaire ont fini par croire que le Six Février était le résultat d’une terrible conjuration tramée de toutes pièces par d’affreux "fascistes" contre les institutions républicaines.

Rien ne correspond moins à la réalité. Le 6 Février a été, à son origine, le sursaut national le plus spontané, le plus pur d’arrière-pensées. Il a été la révolte de l’honnêteté et de l’honneur français contre un scandale qui était une des hontes naturelles et cachées du régime : le pillage de l’épargne sans défense avec la complicité des gouvernants qui en ont la garde.

Sans doute, ce scandale a été mis en lumière, développé "exploité", si l’on veut, par des patriotes conscients qui étaient les hommes de l’Action française. Là-dessus, M. Bonnevay, président de la Commission du Six Février, ne s’est pas trompé lorsqu’il nous a désignés comme les responsables de la mobilisation de l’opinion et de la rue.

C’est nous qui avons publié les deux fameuses lettres Dalimier qui avaient été, aux mains de Stavisky, les instruments de l’escroquerie. C’est nous qui, par nos premières manifestations, avons chassé du ministère ce Dalimier qui se cramponnait. C’est nous qui, pendant trois semaines, encadrant tous les patriotes accourus à nos appels, avons fait à dix reprises le siège du Palais-Bourbon. C’est nous qui, par cette pression sur le gouvernement et les parlementaires, avons arraché chaque progrès de l’enquête, empêché chaque tentative d’étouffement. C’est nous aussi qui avons publié la preuve de la corruption d’un autre ministre, Raynaldi, et c’est nous qui, en rassemblant des dizaines de milliers de patriotes, le 27 janvier, au centre de Paris, avons chassé le ministère Chautemps qui cherchait à se maintenir [...]

Tenter le coup ?

Dira-t-on que nous envisagions le renversement du régime ? Eh ! nous ne cessons jamais de l’envisager ! Nous avons, dès nos débuts, proclamé que nous formions une conspiration permanente pour la destruction de la République, cause organique de nos maux, et pour la restauration de la monarchie, qui seule pourra les guérir.

Mais, en menant la chasse aux prévaricateurs complices de Stavisky, nous n’avions pas visé, de façon préconçue, cet heureux événement. Il y avait des services immédiats à rendre à la France ; nous les lui rendions. Si, au terme de cette crise, la restauration de la Monarchie pouvait être tentée, nous n’en manquerions certes pas l’occasion. C’est seulement un fait qu’il n’y a pas eu d’occasion parce que les conditions nécessaires ne se sont pas trouvées réunies.

C’est ce que nous devons répondre à ceux qui, nous faisant le reproche inverse de celui de M. Bonnevay, estiment que nous aurions dû "tenter le coup". Il y avait sans doute – ce qui est important – un malaise incontestable qui, au-delà des hommes au pouvoir, était de nature à faire incriminer le régime. Il y avait même, à quelque degré, dans l’esprit public, un certain état d’acceptation éventuelle d’un changement. Il y avait aussi l’inorganisation relative et le sommeil des éléments actifs chez l’adversaire socialiste et communiste. Mais ces conditions favorables, en quelque sorte négatives, ne pouvaient suppléer à l’absence de conditions positives indispensables pour avoir raison de cette chose solide par elle-même qu’est l’armature d’un régime resté maître de son administration, de sa police et de son armée. Et il faut un simplisme bien naïf pour s’imaginer qu’en dehors des jours de grande catastrophe où les assises de l’État sont ébranlées, comme au lendemain de Sedan, le succès peut dépendre d’un barrage rompu...

Pourquoi Monk n'a pas marché

Ce qui a manqué au Six Février pour aboutir à quelque chose de plus substantiel que des résultats "moraux", c’est – disons-le tout net – l’intervention de ce personnage que Charles Maurras a pris dans l’Histoire pour l’élever à la hauteur d’un type et d’une fonction, l’intervention de Monk. Un Monk civil ou militaire qui, du sein du pays légal, étant en mesure de donner des ordres à la troupe ou à la police, eût tendu la main à la révolte du pays réel et favorisé son effort. Un Monk assez puissant non seulement pour ouvrir les barrages de police, aussi pour assurer immédiatement le fonctionnement des services publics et parer à la grève générale du lendemain.

La question de ce qu’on a appelé à tort l’échec du Six Février se ramène à celle-ci : pourquoi Monk n’a-t-il pas marché ?

Répondra-t-on qu’il n’a pas marché parce qu’aucun Monk n’existait ? Il est certain que personne ne s’était désigné pour ce rôle. Mais c’est essentiellement un domaine où le besoin et la fonction créent l’organe. Il y aurait eu un Monk et même plusieurs si les circonstances avaient été telles qu’elles pussent lui donner confiance.

Certains s’imaginent qu’ils décideront Monk par la seule vertu de leurs bonnes relations avec lui et dans quelques conciliabules de salon. Singulière chimère ! Monk éprouve très vivement le sentiment de sa responsabilité. Ce n’est qu’à bon escient qu’il acceptera les risques à courir pour lui-même et pour le pays et il a besoin de voir clairement les suites de son entreprise. Devant apporter une force matérielle qui est tout de même composée d’hommes, il a besoin de pouvoir compter, pour le soutenir, sur une force morale assez puissante. Il ne réclame pas de civils armés – c’est là l’erreur de la Cagoule – qui doubleraient inutilement et gêneraient plutôt les soldats, mais il veut trouver autour de lui, lorsqu’il descendra dans la rue, une "opinion" claire, forte et unie.

Et cela n’existait pas au Six Février. Si les manifestants étaient unis par le sentiment patriotique et le mépris de la pourriture politicienne, ils n’avaient pas d’idée commune sur le régime qui conviendrait à la France pour la faire vivre "dans l’honneur et la propreté". De plus, les rivalités de groupes et les compétitions des chefs empêchaient même que, séparés dans la doctrine, ils pussent s’unir dans l’action.

Depuis le début de l’affaire Stavisky jusqu’au 27 janvier où notre manifestation des grands boulevards renversa le ministère Chautemps, il y avait eu, dans l’action, une direction unique : celle de l’Action française. C’est à ses mobilisations que l’on répondait ; c’est à ses consignes que l’on obéissait. (On lui obéit même le jour où, en raison de la pluie et pour épargner un service plus pénible à la police, nous renonçâmes à la manifestation) Mais, à partir du 27 janvier, devant les résultats politiques obtenus et ceux qui s’annonçaient, les ambitions s’éveillèrent, et les groupements nationaux préparèrent jalousement, chacun de son côté, leur participation à une action dont ils comptaient se réserver le bénéfice. Cette agitation et cette division ne firent que croître, après la démission de M. Chiappe, préfet de police, survenue le 3 février.

Aucune entente

La Commission d’enquête a cherché un complot du Six Février. Mais il n’y avait pas un complot pour la bonne raison qu’il y en avait cinq ou six qui s’excluaient, se contrariaient et se cachaient les uns des autres. Il y en avait dans tous les coins et sur les canapés de tous les salons. On peut se rendre compte qu’il n’y avait aucune entente entre les groupes divers en examinant les rendez-vous qu’ils avaient donné pour la soirée historique, et les dispositions qu’ils avaient prises, sans parler des manœuvres qu’ils firent et dont à peu près aucune n’était d’ailleurs préméditée.

Si, par impossible, les patriotes l’avaient emporté dans de telles conditions, s’ils avaient chassé le gouvernement et le parlement, le désaccord entre eux n’aurait pas manqué d’apparaître presque aussitôt et les gauches vaincues n’auraient pas tardé à reprendre le pouvoir.

C’est à quoi le Monk inconnu, le Monk en puissance, devait songer. C’est pourquoi il s’est abstenu d’une intervention qui aurait été stérile. C’est pourquoi la journée du Six Février n’a pas donné de plus grands résultats.

Bibliographie


  • Serge Berstein, Le 6 février 1934, Julliard, Paris, 1975.
  • Michel Dobry, « Février 1934 et la découverte de l’“allergie” de la société française à la Révolution fasciste », dans la Revue française de sociologie, juillet-décembre 1989, XXX, 3-4.
  • Danielle Tartatowsky, Les Manifestations de rue en France : 1918-1968, Publications de la Sorbonne, Paris, 1997.
  • Michel Winock, La Fièvre hexagonale : Les grandes crises politiques de 1871 à 1968, Le Seuil, Paris, 2001.

Liens externes