Tradition

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Trait culturel spécifique d'un peuple, particulièrement chargé de valeur et toujours conservé par « sélection culturelle » en raison de sa constante adaptation, de son intemporalité, une tradition est également nécessaire à une communauté pour se définir et se donner une conscience historique.

Source de l'énergie fondatrice

Pour nous, la tradition est un perpétuel recours : elle ne s'oppose pas au futur ou au moderne, elle le fonde. D'ailleurs, la modernité fait partie de nos traditions. Dans notre vision de l'histoire, les projets et les visées d'avenir sont des mises en perspective de traditions. La tradition touche aussi bien les attitudes mentales (vue-du-monde païenne, mythe impérial) que les rites (solstice, Noël, etc.) qui doivent demeurer immuables, afin que la dynamique de l'appel du futur soit contrebalancée par un enracinement. Aujourd'hui, les traditions sont soit détruites (déculturation, américanisme, cosmopolitisme), soit neutralisées par muséification dans le folklore. Les traditions peuvent être régénérées ou « réinventées » même après une période d'interruption.

L'un de nos objectifs majeurs est de réactiver une tradition qui ne fait pas partie de la tradition officielle, de l'enseignement d'un Occident chrétien puis progressiste : cette liberté vis-à-vis de ses propres traditions est tout à l'inverse d'une vision déterministe de l'histoire. Nous pouvons nous choisir des traditions parmi d'autres possibles, car, comme l'avenir, le passé est ouvert. En ce sens, nous ne sommes pas traditionalistes. Autre particularité : notre choix d'une société traditionnelle n'a rien à voir avec le passéisme. Une « société traditionnelle » échappe au présentisme contemporain : tournée vers la modernité, elle respecte ses traditions et les constitue en mémoire vivante. Un peuple sans mémoire est un peuple sans âme, donc sans avenir. Sur ce point, Cicéron a bien résumé l'opinion des Anciens en écrivant : « L'esprit même qui voit l'avenir se souvient du passé ». Et Nietzsche de conclure par une phrase célèbre : « L'homme de l'avenir est celui qui aura la mémoire la plus longue ».[1]

Selon Julius Evola, « dans sa vérité vivante, la tradition ne représente pas un conformisme passif vis-à-vis de ce qui a été, ni la continuation inerte du passé dans le présent. La tradition est, dans son essence, une réalité métahistorique et, en même temps dynamique : c'est une force général ordonnatrice, obéissant à des principes qui ont la consécration d'une légitimité supérieure - on pourrait dire aussi : de principes d'en haut - , une force uniforme dans son esprit et son inspiration, qui s'exerce tout au long des générations en s'appuyant sur des institutions, des lois, des formes d'organisation susceptibles de présenter une grande diversité. »[2]

Et : « J'indique comme fondement du monde de la Tradition la doctrine des deux natures, l'existence d'un ordre physique et d'un ordre métaphysique, de la région supérieure de l'être et de la région inférieure du devenir et de l'histoire, d'une nature immortelle et d'une nature périssable [...] Chaque civilisation traditionnelle a été caractérisée par un système destiné à reconduire la deuxième réalité à la première, par un système dans lequel chaque forme de la vie était ordonnée d'en haut et vers le haut, en différents degrés d'approximation, de participation ou de réalisation effective »[3].

Ce qu'est la Tradition

Par Julius Evola[4]

II y a deux raisons pour lesquelles il est aujourd'hui nécessaire de préciser l'idée de Tradition dans son acception particulière. Celle-ci est soulignée par l'usage, devenu assez courant, qui veut qu'on emploie le mot Tradition avec une majuscule. La première, c'est l'intérêt grandissant que cette idée de Tradition en tant que référence doctrinale a suscité et continue à susciter dans les milieux culturels et contestataires de droite, surtout parmi les jeunes. La seconde raison tient au fait qu'on a assisté simultanément, après que certains eussent constaté l'intérêt de quelques milieux de droite, à différentes tentatives pour imposer une interprétation faussée et affaiblie de l'idée de Tradition. II s'agit de supplanter l'interprétation originelle et intégrale pour la remplacer par un contenu moins fort et plus accommodant, de façon à ce que rien ne vienne déranger les routines[5] d'une mentalité plus ou moins conformiste. En recourant à un mot français, on pourrait qualifier cette opération d' escamotage[6]. On a vu par exemple des personnes, attirées dans un premier temps par l'idée de Tradition, se replier vers un « traditionalisme catholique ». Au sujet du sens de ce repli, on pourra rappeler les termes assez révélateurs employés par un écrivain de ce courant, lors d'un entretien accordé à Gianfranco De Turris. Cet écrivain a reconnu qu'il s'était intéressé précédemment et positivement à l'idée traditionnelle, notamment à ses applications politiques, comme d'autres personnes de sa génération et des générations suivantes, mais qu'il s'en était éloigné plus tard, sentant que les choses ressemblaient à une « saine cure héliothérapeutique » : il fallait « ne plus s'exposer au soleil sous peine d'être brûlé ». Bien entendu, ce n'est là qu'une manière habile et élégante de dire qu'on ne supportait pas la force de certaines idées lorsqu'elles n'étaient pas présentées sous une forme mitigée : d'où le repli vers le « traditionalisme catholique ». Autre cas, vraiment typique celui-là : la parution d'un livre, aux éditions Bompiani, qui s'intitule tout simplement : Che cosa è la tradizione (Ce qu'est la tradition)[7]. Ce livre n'est pas un exposé systématique, mais un recueil d'essais dont certains n'ont pas grand-chose à voir avec le sujet que l'ouvrage est censé traiter ; en plus, on est de nouveau en présence d'un auteur qui fournit une interprétation déviée de la Tradition, tout en nourrissant visiblement des préoccupations religieuses et moralisantes. L'étalage de nombreuses citations sert plus ici à confondre les choses qu'à les éclairer, en raison précisément de l'absence d'un cadre systématique rigoureux. On sent bien que ce livre a été écrit en réaction à l'intérêt croissant suscité par l'idée de Tradition ; concrètement, il cherche en fait à contrecarrer cette idée. II y a ensuite quelque chose qui doit être signalé : l'auteur du livre en question, qui prétend aujourd'hui nous expliquer ce que serait la Tradition, ne pensait pas du tout à ces idées-là il y a encore quelques années seulement. On le voyait alors bras dessus, bras dessous avec Moravia et d'autres représentants d'une intelligentsia italienne plus ou moins gauchisante. Cet auteur fait semblant d'ignorer que l'idée intégrale de Tradition avait été formulée dès les années vingt par René Guénon et ceux qui le suivaient, puis le fut de nouveau dans notre ouvrage Révolte contre le monde moderne, paru en Italie en 1934, traduit en allemand l'année suivante, et dont la première partie a précisément pour titre « Le monde de la Tradition ». Comme à contrecœur, l'auteur en question cite, à deux reprises seulement, la contribution du courant guénonien, et ignore systématiquement la nôtre. II dispose malheureusement d'un assez grand nombre de lecteurs, de sorte que sa présentation affaiblie de ce que serait la Tradition se révèle assez pernicieuse dans la pratique. Cet auteur se perd dans les nuées théologico-scolastiques lorsqu'il dit que « la Tradition par excellence, à laquelle la majuscule convient pour des raisons d'exactitude et non par précaution rhétorique, est la transmission de la connaissance de l'objet suprême et maximum, la connaissance de l'être très parfait ». Cette définition vaut, au mieux, pour le domaine contemplatif et religieux ; sur ce plan-là seulement on peut affirmer que la Tradition « se concrétise dans une série de moyens : sacrements, symboles, rites, définitions discursives dont le but est de développer chez l'homme cette partie, ou faculté, ou puissance, ou encore vocation, laquelle met en contact avec le maximum d'être qu'il est permis à l'homme de connaître, en imposant au sommet de sa constitution corporelle ou psychique l'esprit ou intuition intellectuelle ». On admet bien la définition d'une hiérarchie « entre les êtres relatifs et historiques, fondée sur leur degré d'éloignement de l'idée de l'être pur », mais il est évident qu'on reste ici dans une sphère abstraite. Et cela est confirmé par le fait que l'auteur nourrit une sorte d'hostilité personnelle à l'égard des formes de la réalité politique, donc aussi pour tout ce qui est État, hiérarchie politique et imperium, conformément à certaines déviations spiritualistes et chrétiennes (cela apparaît clairement chez un autre auteur, le « traditionaliste » Leopold Ziegler). En fait, la Tradition se manifeste avec toute sa puissance formatrice et animatrice dans le domaine de l'organisation politique et sociale précisément, à laquelle elle confère une légitimité et un sens supérieurs. Un exemple typique, qui s'est poursuivi jusqu'à l'époque moderne, nous a été offert par le Japon.

Nous n'aurons pas la prétention de dire ici ce qu'est la Tradition au sens intégral, et nous nous contenterons de quelques brefs aperçus. On peut distinguer deux aspects de la Tradition, l'un se rapportant à une métaphysique de l'histoire et à une morphologie des civilisations, l'autre à une interprétation « ésotérique », selon leur dimension profonde, des différentes données traditionnelles.

On sait que le terme « tradition » vient du latin tradere = transmettre. Ce qui explique que ce mot n'ait pas un contenu univoque et soit aussi employé dans les domaines les plus variés et les plus profanes. Le « traditionalisme » peut être synonyme de conformisme, et Chesterton a dit à ce sujet que la tradition est « la démocratie des morts » : de même qu'en démocratie on se conforme à l'opinion de la majorité de nos contemporains, de même le traditionalisme conformiste suit l'opinion de la majorité de ceux qui vécurent avant nous. Rares sont sans doute ceux qui savent que le mot Kabbalah signifie, littéralement, « tradition », mais en rapport ici avec la transmission d'un enseignement métaphysique et avec l'interprétation « ésotérique » de la tradition. On se rapproche ainsi du contenu authentique de la Tradition. En ce qui concerne le domaine historique, celle-ci se rapporte à ce qu'on pourrait appeler une transcendance immanente. II s'agit de l'idée, qui revient souvent, qu'une force d'en haut a agi dans telle ou telle civilisation, dans tel ou tel cycle historique, si bien que des valeurs spirituelles et supra-individuelles constituèrent l'axe et la référence suprême pour l'organisation globale de la société, la formation et la justification de toute réalité, de toute activité subordonnée et simplement humaine. Cette force est une présence qui se transmet, et la transmission, corroborée justement par le caractère anhistorique de cette force, représentait précisément la Tradition. Normalement, la Tradition entendue en ce sens est portée par ceux qui sont au sommet des diverses hiérarchies, ou par une élite ; sous ses formes originelles, les plus complètes, la Tradition ignore la séparation entre pouvoir temporel et autorité spirituelle, celle-ci étant même, en principe, le fondement et la légitimité du premier. On pourrait rappeler comme exemple caractéristique la conception extrême-orientale du souverain comme « troisième force entre Ciel et Terre », conception qu'on retrouve dans la royauté nipponne dont la tradition s'était continuée, pratiquement inchangée, jusqu'à hier encore. Nous avons donné de nombreux exemples analogues, empruntés aussi au monde occidental, dans notre ouvrage mentionné plus haut, et nous avons fait ressortir des contenus constants, invariants, par-delà la diversité des formes.

En tant que « transcendance immanente », le tradere, la transmission (donc la Tradition) ne concerne pas une abstraction qu'on peut contempler, mais une énergie qui, pour être invisible, n'en est pas moins réelle. C'est aux chefs et à l'élite qu'il appartient d'assurer, à l'intérieur de certains cadres institutionnels, variables mais homologues dans leur finalité, cette transmission. II est assez clair que celle-ci est parfaitement garantie lorsqu'elle est parallèle à la continuité rigoureusement contrôlée d'un même sang. De fait, lorsque la chaîne de la transmission s'interrompt, il est très difficile de la rétablir. Que la Tradition soit l'opposé de tout ce qui est démocratie, égalitarisme, primauté de la société sur l'État, pouvoir qui vient d'en bas, etc., il est inutile de le souligner.

En ce qui concerne le second aspect de la Tradition, il faut se référer au plan doctrinal et à ce qu'on peut appeler l'unité transcendante et secrète des différentes traditions. II peut s'agir de traditions de type religieux, mais aussi de sagesses, de mystères. Ce qu'on a appelé la « méthode traditionnelle » consiste à découvrir une unité ou équivalence essentielle de symboles, de formes, de mythes, de dogmes, de disciplines au-delà des expressions variées que peuvent avoir les contenus dans les différentes traditions historiques. Cette unité peut apparaître après une enquête en profondeur sur les divers matériaux traditionnels : une enquête - soulignons-le - qui se distingue de la science comparée des religions universelles, laquelle s'en tient aux deux dimensions de la surface et possède donc un caractère empirique, non métaphysique. La faculté réclamée ici, c'est l'« intuition intellectuelle » ou « spirituelle », intuitio intellectualis ; celui qui possède une certaine sensibilité sait immédiatement si elle est présente ou non, car elle accorde une vertu illuminante qu'on ne retrouve pas dans les rapprochements formels et laborieux établis par les études profanes et même par ceux qui voudraient jouer aux traditionalistes sans être effectivement enracinés dans le sol de la Tradition. C'est le cas, bien sûr, des écrivains dont nous avons parlé au début et de quelques autres de même origine, simples intellectuels pour qui la Tradition n'est qu'une coquetterie ; c'est aussi le cas de certains psychanalystes qui se sont aventurés dans le domaine des symboles, des mythes et des religions. En outre, seule la possession de cette capacité intellectuelle rare et qui ne s'apprend pas peut également donner le sens de la mesure et prévenir ce qu'on pourrait appeler « la superstition de la Tradition ». II existe en effet des personnes qui ont lâché la bride de leur imagination et qui se sont mises à découvrir partout des données soi-disant traditionnelles, même quand celles-ci sont en fait purement fantaisistes ou quand il s'agit de matériaux mêlés et primitifs. C'est là un phénomène analogue au « délire [au sens psychiatrique] interprétatif » des freudiens, qui veulent retrouver partout les complexes du sexe.

L'origine des formes traditionnelles pose des problèmes plutôt complexes. En ce qui concerne le premier des deux aspects que nous avons distingués ici, l'aspect historique, on avance souvent l'idée d'une tradition primordiale, d'où seraient issues les traditions particulières. Mais si l'on s'en tient au plan historique, cette idée doit être complétée. Ainsi de l'hypothèse d'une tradition primordiale hyperboréenne ou nord-occidentale pour l'ensemble des civilisations traditionnelles des peuples indo-européens, mais qu'on ne peut guère utiliser pour les formes traditionnelles extrême-orientales par exemple, qui se rattachent très vraisemblablement à un autre foyer d'origine. La question qui peut se poser souvent est pourtant autre : elle concerne l'explication de concordances et de correspondances essentielles entre les contenus traditionnels. Recourir à des personnages, à des « initiés » qui dans les différents cas auraient opéré consciemment à l'origine de chaque tradition, pour expliquer les parallélismes, est une idée simpliste, relevant en partie de la superstition. On doit plutôt penser - même si cette idée paraîtra, aux yeux de beaucoup, difficilement acceptable -à des influences de « derrière les coulisses », pour ainsi dire, qui viennent s'insérer dans l'histoire et le développement des traditions, sans que les représentants de celles-ci s'en rendent compte.

II y a aussi des cas de « floraison nouvelle » d'une seule et même influence à de grandes distances dans l'espace et le temps, donc sans transmission qu'on puisse matériellement établir : comme un tourbillon qui disparaît à un endroit donné du courant pour se reformer à un autre endroit. De nombreux cas de correspondances traditionnelles, tant au niveau d'éléments particuliers qu'au niveau des structures de certaines civilisations, s'expliqueraient de la sorte en surface les lignes ne se croisent pas, quelque chose d'impondérable entre en jeu, se servant tout au plus de certains « soutiens ». On peut interpréter ainsi la naissance de la Rome antique, avec tous ses éléments qui reproduisent certaines formes de la tradition primordiale indo-européenne. Enfin, il faut envisager un autre cas possible : l'influence en question peut agir dans un deuxième temps, en transformant, en enrichissant, voire même en rectifiant la matière première d'une tradition. Dans une certaine mesure, c'est ce qui semble s'être produit avec la formation de la tradition catholique à partir de la matière constituée par le christianisme primitif.

L'introduction de l'idée de Tradition permet de briser l'isolement de toute tradition particulière, en ramenant le principe créateur et les contenus fondamentaux de cette tradition à un cadre plus vaste, par le moyen d'une intégration effective. Elle ne peut faire de tort qu'à d'éventuelles prétentions à un exclusivisme sectaire. Reconnaissons que cette idée de Tradition peut troubler et désorienter ceux qui se sentaient en sécurité à l'intérieur de leur univers bien clos sur lui-même. Mais aux autres la vision traditionnelle fera découvrir de nouveaux horizons, plus vastes et plus libres, et leur apportera une confirmation supérieure, à condition qu'ils ne trichent pas au jeu, qu'ils ne fassent pas comme certains « traditionalistes », qui ne se sont intéressés à la Tradition que pour donner une sorte de piment à leur tradition particulière, dont ils réaffirment toutes les limitations et l'exclusivisme.

Bibliographie

Articles connexes

Notes et références

  1. Guillaume Faye, Robert Steuckers et Pierre Freson, Petit lexique du partisan européen, Eurograf , Esneux, 1985 (rééd. Ars, Nantes, 1989), 108 p.
  2. Julius Evola, Les Hommes au milieu des ruines, trad. Gérard Boulanger, Guy Trédaniel et Pardès, 1984 (rééd. 1996, 2005), 281 p., p. 19.
  3. Julius Evola, Le Chemin du Cinabre, 1963, Milan-Carmagnole, Arché-Arktos, 1982, p. 123.
  4. Article paru initialement dans Il Conciliatore le 15 juin 1971, puis inséré par Evola lui-même dans le recueil L'Arc et la massue, 1ère éd. or. 1971, trad. fr. Philippe Baillet, Editions Pardès/Guy Trédaniel., 1983, (rééd. 2000), 280 p., p. 269-274.
  5. En français dans le texte.
  6. En français dans le texte.
  7. L'auteur de ce livre est Elémire Zolla (N.D.T.).