Nationalisme aroumain

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Depuis le XIX° siècle, les Aroumains ont développé un nationalisme spécifique, lié au XX° siècle d'abord à l'Italie puis au nationalisme roumain et tout particulièrement à la Garde de fer.

Qui sont les Aroumains ?

Les Aroumains, en aroumain Armãni (ou parfois Armãnii, Armânji, Rrãmânji selon les graphies) qui parlent une langue latine, sont les descendants des Thraces romanisés. Vivant au carrefour des mondes grec, albanais et slave, ils représentent un vrai casse-tête identitaire pour les actuels États-nations balkaniques où ils sont au mieux marginalisés au pire discriminés.

Appelés Valaques (Βλάχοι) par les Grecs, Tchobans (çoban) par les Albanais, Tsintsars (ou encore Tzantzar, Zinzares) par les Serbes et Machedons ou Macédo-Roumains (Machedoni, Macedo-Români, Macedoneni) par les Roumains, les Aroumains sont généralement nommés Vlasi, Vlahi ou Vlaši par les peuples slaves.

Diverses étymologies existent pour leurs différents noms : Armânji viendrait d'Ariani, les Aryens ; Machedons ou Macédo-Roumains viendrait directement des Macédoniens antiques, dont les Aroumains seraient les seuls descendants, latinisés ; Valaques viendrait d'un général romain, Blaccus et Zinzares signifierait « les enfants du tsar ».

Le nationalisme aroumain au XX° siècle

Le nationalisme aroumain au XIX° siècle

Il s’agit, pour l’essentiel, du retour de la liberté d’expression et d’association sur le plan culturel et politique dans les pays où ils vivent. Malgré leur prudence proverbiale, due à leur isolement et à leur condition de minoritaires, les Aroumains se sont emparés de cette liberté et ont agi en conséquence. En République de Macédoine, où certains avaient déjà fait des démarches explicites dans ce sens, en Roumanie, juste après la mort de Ceausescu, dans l’euphorie des mois qui ont suivi la chute du régime communiste en Bulgarie et en Albanie, plus tard, certes, mais avec une vigueur inattendue. En Grèce, pays ayant rejoint l’UE dès 1981 mais où les minorités nationales ne sont constitutionnellement pas reconnues, aussi mais sous une forme différente – la centaine d’associations culturelles qui allaient voir le jour seront regroupées au sein d’une Union panhellénique. Dans ce pays où vivent encore de nos jours la plupart des Aroumains, l’appellation d’origine « aroumain » demeure en quelque sorte taboue. Le contraste avec les autres pays balkaniques qui avaient connu le régime communiste est considérable dans la mesure où dans ces pays, la notion de droits des minorités existaient, même si les Aroumains n’en bénéficiaient pas.


Dépourvus de tout statut reconnaissant leur particularisme lors du traité de Bucarest mettant fin aux deux guerres balkaniques, les Aroumains ont fait partie des « oubliés » des nouveaux États-nations. À plusieurs reprises, ils ont dû faire des efforts pour se faire oublier par les autorités des États où ils se sont retrouvés : en Grèce pendant la dictature de Metaxa puis des colonels, en Macédoine pendant l’occupation des troupes bulgares, en Roumanie pendant la guerre lorsqu’ils ont été ballottés du sud au nord de la Dobroudja, au début du régime communiste lorsqu’ils ont été déportés du Banat roumain, lors de la rupture avec Tito, etc. Dans l’ensemble, la plupart des Aroumains ont observé une stricte loyauté envers les États où ils évoluaient, indépendamment de l’attitude que ceux-ci adoptaient à leur encontre. Ce comportement remonte loin, à l’époque ottomane et austro-hongroise si l’on pense à la diaspora aroumaine à Vienne ou Buda et Pest. Avec les États-nations, on assiste cependant à des changements significatifs. Les patriotes bulgares, albanais, grecs ou roumains d’origine aroumaine ont fait leur apparition. Par intérêt, pour leur carrière, mais aussi par adhésion sincère et, de fait, souvent fanatique. Aussi, lors du renouveau aroumain auquel on assiste ces deux dernières décennies, une division considérable et une forte tension caractérise les milieux aroumains, c’est-à-dire ceux qui se considèrent comme albanais, grecs ou roumains, et ceux qui se disent aroumains tout court. Si les premiers sont virulents et bénéficient de tribunes qui leurs sont offertes par les milieux nationalistes des pays où ils vivent, les seconds, parfois tentés par le nationalisme aroumain, n’y croient pas trop. Il n’est jamais question de revendication territoriale parmi eux.

Politika : Comment ont-ils réussi à préserver leur identité ?

N. T. : La conservation de la langue et des traditions a été pratiquement une affaire familiale jusqu’à récemment. Cela dit, s’agissant de familles élargies, de véritables clans parfois, les communautés se retrouvaient assez fréquemment. Autre facteur de cohésion : le réflexe minoritaire acquis au cours de leur histoire, à la fois d’ouverture et de méfiance à l’égard des étrangers. Ouverture en raisons de leurs métiers : producteurs de produits laitiers, éleveurs, artisans, commerçants, professions libérales, mais presque jamais paysans cultivateurs dans les plaines ; et une certaine méfiance envers les xeni, les autres, les étrangers, avec lesquels on préférait ne pas se mélanger. Malheureusement, à l’occasion de l’anniversaire du retour sur la place publique des Aroumains, force est de constater que la transmission de la langue risque de demeurer une affaire familiale, à quelques exceptions près en République de Macédoine où ils ont acquis certains droits spécifiques. Ainsi, des cours d’aroumain ont été introduits à l’école. En Roumanie, les Aroumains, présents depuis l’émigration pendant l’entre-deux-guerres et la colonisation du Sud de la Dopbroudja, sont très actifs. Mais n’ont toujours pas obtenu le statut de minorité nationale comme ils le demandent.

Politika : Quelles sont vos relations avec la Serbie ?

N. T. : Belgrade et surtout Sofia sont des villes très familières pour moi, puisque mon père, mes tantes, et bien d’autres parlaient à la fois le bulgare – du côté de mon grand-père – et le serbe, du côté de ma grand-mère. Mon arrière-grand-père, Gaghi Trifon a installé son commerce en 1847 à Sofia. Il a été le premier à traverser le Danube en 1878 pour prendre un passeport roumain avant de revenir à ses affaires prospères dans la capitale bulgare. En effet, ayant soutenu l’effort de guerre contre les Turcs, il avait été élu conseiller à la mairie de Sofia. Lors de la première séance du conseil, un orateur a dit qu’après avoir chassé les Turcs, les Bulgares devaient faire de même avec tous les étrangers. Les « cincari », notre surnom, étaient visés aussi… Mon père est né à Sofia, il est mort à Bucarest. Moi, je suis né à Bucarest, mais je vis à Paris. Ainsi va le monde pour les Aroumains…

Réponse à l’article sur les Hellènes Valaques et « Fara armãneascã » Catégorie : — admin @ 9:02 Rédigée dans un style polémique et allusif, la tribune intitulée « Qui sont les Aroumains et que recherchent-ils par leur propagande : les Hellènes Valaques et Fara armãneascã » signée par Ioannou Averof dans le quotidien grec To Vima daté du 9 juillet 2006 comporte des demi-vérités ou demi-mensonges, des erreurs et surtout des raccourcis malveillants qui appellent plusieurs précisions. On se contentera de les pointer sans entrer dans le détail, l’essentiel étant ailleurs. I. Averof signale l’émergence d’un nationalisme aroumain dans les Balkans qu’il attribue abusivement à un complot. Sa critique des orientations de ce nationalisme n’est pas moins justifiée mais faussée par l’absence de toute critique à l’égard des nationalismes bénéficiant d’un support étatique dans la région [1]. Lire l’article complet dans “Le Courrier des Balkens”.

En grec, « fara » signifie « tribu » alors qu’en aroumain il signifie aussi, par extension, « peuple » . Ceci n’est jamais précisé en sorte que pour le lecteur grec non aroumanophone il s’agit tout au long du texte de la « tribu » et non du « peuple » aroumain, autrement dit d’une tribu qui se prend pour une nation. L’auteur du poème érigé par certains en hymne des Aroumains – poème qui jette l’anathème sur ceux qui abandonnent la langue de leurs parents – est né sujet ottoman à Maloviste et mort citoyen yougoslave dans la même localité, située à proximité de Monastir (auj. Bitola). Son séjour de deux ans à Bucarest où il a tenu un petit restaurant et la place d’intendant qu’il a occupé quelque temps au lycée roumain de Bitola ne font donc pas de C. Belimace (1848-1928), qui écrivait en aroumain, « un instituteur roumain… dont le poème fut traduit en aroumain pour les besoins de la nation ».

Ce ne sont pas deux mille mais quatre mille personnes qui ont participé au meeting de Bucarest le 23 mai 2006 (date anniversaire du décret ottoman de 1905 sur le millet valaque) pour demander le statut de minorité nationale pour les Aroumains en Roumanie [2]. Les associations fédérées au sein de la Fara armãneascã comptent quelque sept mille adhérents. Les chiffres proviennent de la presse roumaine, défavorable à cette initiative. Précisons qu’au recensement de 2002, 26.387 personnes se sont déclarées aroumains, dont 14.258 ont déclaré l’aroumain comme première langue. La communauté aroumaine en Roumanie s’élèverait à quelque cent mille personnes. Elles ne sont pas toutes issues des familles arrivées pendant la période 1924-1932 pour coloniser la Dobroudja du Sud.

Il n’y a rien d’étonnant à ce que dans un pays où l’extrême droite a recueilli un quart des suffrages aux élections de 1937 on compte parmi les fascistes des Aroumains. D’autres étaient libéraux, agrariens ou communistes. Se focaliser sur les premiers, en raison de la mythologie qu’ils ont alimenté souvent pour des raisons qui les dépassaient, signifie ouvrir la voie aux raccourcis les plus déroutants. En effet, I. Averof attribue le renouveau aroumain auquel on assiste dans les Balkans depuis la restauration de la liberté d’expression et d’association dans les années 1990 à un complot ourdi par les vieux fascistes des années 1930. C’est un peu court comme explication.

A vrai dire, le renouveau aroumain en Grèce précède celui qui a eu lieu dans les anciens Etats communistes, bien qu’il soit d’une tout autre nature. Dès les années 1980, on y assiste à une multiplication sensible du nombre des associations et des manifestations publiques valaques qui s’accompagne d’une affirmation de plus en plus accentuée de l’appartenance au monde grec des participants. Dans les autres pays, le renouveau culturel a donné lieu également à une affirmation identitaire autonome et parfois à des revendications d’ordre national. Le phénomène est nouveau parce que l’Etat roumain n’y est pour rien et que son rôle pendant la période où il finançait les écoles roumaines (entre 1864 et 1913 dans le territoire sous administration ottomane, puis 1945 en Grèce) est critiqué.

On arrive ainsi à l’essentiel de la tribune de I. Averof qui mérite d’être saluée pour deux raisons : il prend acte du changement sur le plan national survenu ces dernières années parmi une partie des Aroumains et avance une critique du nationalisme aroumain. Les réserves que l’on peut émettre portent sur le ton adopté, les explications fournies et les conclusions tirées.

D’une part, le nationalisme aroumain est attribué exclusivement à la propagande aroumaine, propagande dénoncée dans les mêmes termes que ceux utilisées jusqu’à une date récente en Grèce pour dénoncer la propagande roumaine, alors que de son propre aveu la différence est de taille : de nos jours, en Roumanie de nombreux Aroumains s’estiment différents et demandent un statut national à part.

D’autre part, sa critique du nationalisme aroumain pose problème parce qu’il ne va pas jusqu’au bout du raisonnement affiché. Disons-le clairement : cette critique est à bien des égards justifiée, tout au moins du point de vue du rédacteur de ce texte, un point de vue qui n’est pas isolé parmi ceux qui participent de nos jours au renouveau aroumain dans le cadre européen. Oui, dans les Balkans, « on préfère le mythe ensorceleur et flatteur, alors que la connaissance et l’autoconnaissance sont souvent douloureuses », et les Aroumains ne font pas exception à cette règle. En effet, « ce n’est pas l’origine qui a déterminé l’évolution historique, mais bien au contraire l’évolution historique qui a donné naissance à la problématique de l’origine ». Ceci vaut d’ailleurs pour toutes les composantes nationales du Sud-Est européen. La référence au soleil de Vergina est emblématique. Evidemment, Fara armãneascã ne dit pas que les Aroumains sont « les seuls descendants authentiques de Macédoniens de l’Antiquité, qui n’étaient pas des Grecs », comme l’affirme I. Averof, mais bien de ses membres le pensent intérieurement, et nous sommes là au cœur du nationalisme dans ses manifestations les plus ridicules et détestables : la confiscation d’un lointain passé commun et le rejet des autres prétendants légitimes ou non. Faut-il encore rappeler que les travaux scientifiques sérieux ne sauraient se prononcer avec certitude dans un sens ou dans l’autre et que leurs auteurs sont réduits à des hypothèses plus ou moins vraisemblables ? « A l’instar de tous les nationalismes, la mythologie aroumaine moderne formule une théorie homogène afin de justifier des objectifs nationaux et politiques », affirme à juste titre I. Averof. Mais qu’en est-il des autres nationalismes, sans doute plus anciens, et dont la vivacité dans les Balkans n’est plus à rappeler.

A vrai dire, les arguments cités plus haut qui justifient la condamnation du nationalisme aroumain valent aussi pour tous les autres nationalismes, à commencer par ceux qui bénéficient d’un support étatique. Cela ne rentre guère en ligne de compte dans le discours de I. Averof. Il qualifie la propagande nationale aroumaine de sous-produit, dans le contexte postcommuniste, sans se donner la peine de s’interroger sur le « produit ». Or le produit a un nom, c’est le nationalisme roumain, grec, albanais et macédonien slave. Pas plus que I. Averof, je ne saurais me prononcer sur ce qu’il appelle le sentiment national aroumain. Ce à quoi nous avons affaire en ce tournant du siècle c’est plutôt à l’affirmation sous des formes multiples et parfois confuses d’un particularisme qui a été mis à mal par les idéologies nationales qui l’on emporté dans la région. « Vous êtes des nôtres, mais oubliez vos différences ! » dit-on en substance depuis un bon moment aux Aroumains. Face à cette injonction généreuse mais conditionnelle, qui combine inclusion et exclusion, le choix a longtemps été restreint. L’évolution à laquelle on assiste ces derniers temps est contradictoire d’un pays à l’autre mais témoigne d’une même propension à manifester un particularisme trop souvent ignoré, caché, déformé. En Grèce, les Valaques ont acquis une certaine visibilité et respectabilité moyennant un riche activisme culturel (à l’occasion notamment des Rencontres valaques) doublé du rappel insistant de leur appartenance à la nation grecque, tandis qu’en Roumanie ils ont créé la surprise en coupant les ponts avec celle qui passait naguère pour leur mère patrie.

La situation actuelle dans les Balkans ne semble pas justifier les inquiétudes de I. Averof qui voit dans le nationalisme aroumain un facteur de « raidissement de l’atmosphère ». Plus préoccupante, en revanche, serait la perspective d’un raidissement du renouveau identitaire et culturel aroumain dans un nationalisme, forcément borné : aroumain chez certains Aroumains, grec, roumain, macédonien slave ou albanais chez leurs contradicteurs selon le pays où ils vivent. Quelles sont de nos jours les voies du renouveau aroumain ? Une chose est certaine, elles varient d’un contexte à l’autre. Dans les anciens pays communistes, dont la Constitution accorde le statut de minorité nationale à des groupes parfois moins nombreux que les Aroumains, les démarches pour obtenir un tel statut semblent inévitables. Il a déjà été obtenu dans l’ancienne république yougoslave de Macédoine, la démarche est en cours en Roumanie tandis que des revendications du même ordre ont été récemment formulées en Albanie où ils sont reconnus uniquement comme groupe ethnique [3]. Par contre, il serait absurde d’envisager une telle démarche en Grèce, dont la Constitution, nettement plus ancienne, ne prévoit pas de dispositions particulières pour les minorités. Une évolution positive est cependant parfaitement envisageable dans ce pays dans le cadre européen. Par exemple, dans un pays comme la France, dont la Constitution ne prévoit pas non plus des dispositions pour les minorités et leurs langues, les cultures régionales basque, alsacienne ou bretonne ont connu un essor remarquable ces dernières décennies. Une telle évolution a d’ailleurs été bien entamée en Grèce, comme en témoignent non seulement le succès des spectacles folkloriques et musicaux mais aussi la multiplication des recherches et des études sur les Valaques. Encore faudrait-il, pour que des progrès plus substantiels soient réalisés, dépasser les tabous qui pèsent sur le débat public, cesser de concevoir l’histoire et la politique comme pur résultat des conspirations occultes et se donner les moyens pour instaurer un climat de détente. Malheureusement, ce n’est pas à cela que I. Averof semble s’employer.

En fin de compte, il rejoint la position des nationalistes roumains d’origine aroumaine qui affirment que les Aroumains qui vivent en Roumanie sont roumains. En effet, en Grèce les Aroumains sont grecs, en Albanie albanais et ainsi de suite. Mais encore ? Une analyse plus fouillée et plus compréhensive des réalités balkaniques permettrait de ne pas en rester à cette vérité de La Palice.

[1] Lire Qui sont les Aroumains et que recherchent-ils par leur propagande : les Hellènes Valaques et « Fara armãneascã » [2] Lire Les Aroumains de Roumanie manifestent à Bucarest. [3] Aux termes d’une enquête ethnographique réalisée en 2003, il y aurait en Albanie 139.065 Aroumains. Ils constitueraient, selon la presse albanaise qui s’est fait l’écho de l’enquête (Dita, 5 mai 2003 et Panorama, 21 mai 2003), le premier groupe ethniquement non albanais dans ce pays (Lire Quelle place pour les Aroumain d’Albanie.Le mythe national de « Fara armãneascã », dont le siège se trouve à Bucarest, peut être résumé ainsi : les Aroumains sont les seuls descendants authentiques des Macédoniens de l’Antiquité, qui n’étaient pas grecs. Ceux qui s’autoproclament aujourd’hui en termes de nation Aroumains constituent une partie des descendants des Valaques installés comme colons dans la Dobroudja du Sud [Roumanie] pendant la période 1924-1930. Par Ioannou Averof

Fara armãneascã de Roumanie s’est invitée aux Rencontres des Valaques de Grèce les 7-9 juillet 2006 à Iannina, Metsovo et Mila ; dans un document imprimé, elle appelait ses membres à visiter plusieurs beaux sites du Pinde [massif montagneux du nord de la Grèce, considéré comme étant le foyer originel des Aroumains] pendant la période 4-11 juillet.


Environ un mois auparavant, le 23 mai 2006, à l’occasion de la "journée nationale ” des Aroumains, quelque deux mille membres de la Communauté des Aroumains (Valaques) de Roumanie ont demandé leur reconnaissance comme minorité nationale.

En janvier 2004, a été fondée sous la forme d’une fédération, la Communauté des Aroumains ou Fara armãneascã. Son siège est à Bucarest et une inscription bilingue aroumain-roumain figure sur son en-tête. Ses membres sont des citoyens roumains d’origine aroumaine. Parmi les objectifs qui figurent dans son statut citons : (a) la reconnaissance des Aroumains comme ethnie à part, de langue néo-latine (b) le maintien (conservation) de la langue aroumaine, des traditions et des héritages spirituels des Aroumains de Roumanie et des pays des Balkans où vivent des Aroumains, en particulier de leur foyer originel (c) la création de filiales au niveau régional, national et international (d) la mise en place d’un organisme représentatif avec la participation des membres des organisations nationales des pays des Balkans où vivent les Aroumains.


Le mythe national de Fara armãneascã peut être résumé ainsi : “ Les Aroumains sont les seuls descendants authentiques des Macédoniens de l’Antiquité, qui n’étaient pas des Grecs ”. Elle arbore sur son emblème le soleil de Vergina, le symbole de la dynastie macédonienne, parce que l’ethnie aroumaine, qui perdure depuis deux mille ans, est originaire de la Macédoine et de Vergina. L’ ”hymne national ” de l’ ”ethnie aroumaine ” est le poème de l’instituteur roumain Constantin Balamaci intitulé Dimandare pãrinteascã [Recommandation paternelle] écrit en 1888 en roumain et modifié de nos jours en “ langue aroumaine ” pour les besoins de la “ nation ”.


En Grèce, la Société de culture aroumaine (valaque), dont le siège se trouve à Athènes, et des “ activistes aroumains ” isolés se présentent comme les compagnons de route de Fara armãneascã dans la perspective de la “ réalisation de ses objectifs nationaux ”. Qui sont, en réalité, ceux qui se présentent d’un point de vue national comme Aroumains et quelle est leur relation avec la Grèce et avec nous, les Hellènes Valaques ? Il s’agit d’une partie des Valaques roumanisés, provenant de tous les pays balkaniques, qui se sont établis comme colons dans la Dobroudja du Sud pendant la période 1924-1930, à la suite de l’invitation du gouvernement roumain.


Il semble que les Roumains Valaques fidèles à la maison royale de Roumanie ne se sont pas sentis assez à l’aise dans leur mère patrie ou plutôt que les promesses qu’on leur a faites ne se sont pas accomplies. L’arrivée au pouvoir en Roumanie des communistes, adversaires par définition de l’extrême droite roumaine, a joué un rôle décisif dans la relation de nombre d’entre eux avec la mère patrie roumaine. Membres de premier plan ou moins importants mais toujours actifs au sein de la Légion fasciste de l’archange Michel, connue sous le nom de Garde de fer, les descendants des Valaques roumanisés, organisés de manière patriarcale, se sont impliqués intensément dans la vie politique de la mère patrie roumaine.


Aujourd’hui, le noyau idéologique et politique de la renaissance nationale postmoderne aroumaine est formé par les réseaux constitués autour des vieux Valaques roumanisés, ces extrémistes de droite de la Garde de fer qui ont quitté la Roumanie après la Seconde Guerre mondiale pour se réfugier en Europe occidentale et en Amérique.


Incontestablement, la renaissance de la nation “ aroumaine ” en Roumanie et dans l’ancienne république yougoslave de Macédoine peut être envisagée dans le cadre de la perception moderne de l’autodétermination de l’ethnie et des droits de l’homme. Et c’est sous cette lumière qu’elle est présentée par ses promoteurs.


A l’instar de tous les nationalismes, la mythologie “ aroumaine moderne ” formule une théorie homogène afin de légaliser (justifier) des objectifs nationaux et politiques. Les nombreux documents officiels de Fara armãneascã en témoignent. La propagation d’une conscience nationale aroumaine parmi une partie des Aroumains de Grèce et des autres pays des Balkans est son principal but. Tout cela pourrait faire rire, à première vue. Mais la situation est plus grave, parce que le nationalisme aroumain contribue au raidissement de l’atmosphère dans les Balkans. Il suffit que quelqu’un présente les Aroumains de Grèce comme étant menacés de disparition, victimes d’un pogrome. Inutile de rappeler que sur le plan international on arrive, par association d’idées, à ce genre de conclusion. Il est clair que la propagande nationale aroumaine et la propagande roumaine constituent depuis la chute du communisme des sous-produits parallèles qui procèdent de la conviction que l’histoire, l’étude de la langue et de l’homme sont au service des politiciens et que l’on peut par conséquent les utiliser comme on veut. Ces théories ne peuvent pas être interprétées et comprises à un niveau aussi bas que celui des rapports sociaux archaïques et des relations personnelles que la nationaliste Fara armãneascã entend illustrer. Autoproclamée aroumaine dans l’acception nationale du terme, cette association a un programme politique clair. Conformément à ses déclarations, elle veut répandre l’idée nationale, établir un système permettant l’essor de la “ langue valaque ”, ce qui aurait pour conséquence l’harmonisation, l’homogénéisation et la disparition des dialectes à travers la création d’ ”entités autonomes culturelles et politiques aroumaines à l’échelle de la région ”. En procédant ainsi, elle veut éviter le piège politique. L’examen à froid de la situation permettrait de dire qu’il s’agit d’une tentative d’utiliser le syndrome de la peur. Mais chez nous on préfère souvent le mythe, qui est souvent ensorcelant et flatteur, alors que la connaissance et l’autoconnaissance sont souvent douloureuses.


Particulariste et minoritaire, le nationalisme aroumain construit une mythologie du passé pour la transformer en outil politique et moyen de propagande. Le nationalisme aroumain fonctionne comme un système de désinformation parce qu’il déforme, sur le plan théorique, la détermination de la tradition et de la civilisation aroumaines dans leur ensemble. Tant le travestissement du passé historique et que la désinformation au sujet des problèmes aroumains actuels sont les principales caractéristiques du discours nationaliste aroumain. C’est ainsi que l’on cherche par exemple à présenter l’action de la propagande roumaine et l’existence d’institution minoritaires roumaines (1860-1945) comme une action du mouvement national aroumain. De même, la Recommandation 1333/1997 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe concernant la langue et la civilisation des Aroumains, proposée par le député nationaliste catalan De Puig, recommandation qui n’a pas caractère d’obligation, se présente techniquement comme une reconnaissance de l’ethnie aroumaine, ce qui n’est pas valable.


La visite rendue par Fara armãneascã de Roumanie aux Rencontres valaques (de Grèce) s’inscrit dans sa tentative de renforcer ses liens avec les Aroumains de partout, dans le cadre de son combat pour la reconnaissance de leurs droits nationaux. Ce même régime est revendiqué par Fara armãneascã tant en Roumanie que pour les différentes populations aroumaines des Balkans, sans que qui que ce soit lui ait demandé quoi que ce soit à ce propos.


Pour ce qui est de l’Union panhellénique des associations culturelles valaques et d’autres forums valaques, les déclarations sur la grécité des Valaques de Grèce ne sont pas suffisantes.


Il faudra que l’on comprenne que l’“ origine ” n’a pas déterminé l’évolution historique des Valaques mais que, bien au contraire, cette évolution a donné naissance à la problématique portant sur leur origine. Il faudra clarifier le cadre des rapports visibles ou cachées entre les associations valaques et celles se présentant en termes nationaux comme aroumaines à l’étranger. Parce que ceux qui se considèrent comme des Aroumains en dehors des frontières de la Grèce ne s’engagent pas comme étant également des Grecs. Les intitulés des associations nationales aroumaines dans les pays voisins et leurs actions le prouvent.


Pour des raisons que nous ne pouvons pas analyser ici dans le détail, les membres de Fara armãneascã perçoivent différemment leur passé (historique) et s’autodéterminent en conséquence. Mais la différence essentielle est qu’ils ne s’en tiennent pas là. Fara armãneascã a des objectifs politiques précis et utilise tous les moyens disponibles pour prouver l’existence d’un sentiment national aroumain, récemment découvert et historiquement non fondé. Etant donné que cela ne tient pas debout en Grèce, on cultive l’idéologie de provincial aroumain valaque injustement traité contre le quel tout le monde complote, surtout nous les Grecs valaques.


Pour prouver la sincérité de ses intentions si peu sincères, Fara armãneascã invoque l’origine commune des villages métropolitains des Valaques de Grèce. Par le biais de sa section d’Athènes et des activistes aroumains, elle intervient dans les actions culturelles des Valaques de Grèce et formule des revendications. Elle se fait inviter et marque sa présence à chaque manifestation collective valaque.


Heureusement, les possibilités de communications sont de nos jours nombreuses et variées. L’événement que représentent les Rencontres valaques, de même que la présence des « autres », des différents, de ces visiteurs des sites du Pinde, ne devraient pas nous déranger. Et ceci non seulement parce que l’hospitalité est une tradition grecque.


Espérons que le contact avec notre réalité les aidera à comprendre à quel point le monde valaque est différent de celui présenté par la propagande nationale aroumaine. C’est une excellente occasion pour eux de voir et de réaliser la véritable différence entre nous les Grecs valaques et eux les Aroumains se présentant comme nation. La question est de savoir dans quelle mesure le comportement et les objectifs politiques de Fara armãneascã et de sa section sur le territoire grec le permettent, dans quelle mesure ils peuvent conduire à un respect mutuel. C’est un souhait qui ne se réalisera pas de sitôt, puisque dans l’immédiat telles ne sont pas leurs intentions.


Leurs récentes proclamations, les métamorphoses de leur idéologie en fonction des comportements et des priorités de leurs patrons politiques, présentent l’Aroumain “ national ” comme un caméléon des Balkans. Cette vision des choses est étayée par le fait que de nombreux Aroumains de Roumanie ne sont pas d’accord avec la politique de Fara armãneascã et que ses membres changent souvent de camp. Le président de l’association aroumaine de Dobroudja Le pasteur du Pinde, dont le siège est à Constanta, déclare : « En Roumanie, les Aroumains ne sont pas une minorité. Ils étaient, ils sont et seront Roumains. Ils sont certes originaires des Balkans. Le nom Fara armãneascã est en réalité de l’emballage d’une organisation non gouvernementale qui a réussi à obtenir d’importantes subventions économiques. ” Ce point de vue est partagé également par la classe politique roumaine qui estime que l’intérêt manifesté par la Roumanie pour les communautés roumaines, valaques, aroumaines vivant dans les pays voisins et dans les Balkans découle de la parenté et des liens culturels, linguistiques et religieux avec elles. Pour cette raison, le ministère des Affaires étrangères aide ces communautés au maintien de leur identité nationale de langue et de culture en soutenant les programmes concernant la langue roumaine, les écoles roumaines, les médias et l’office religieux dans la langue maternelle, la conservation et l’enrichissement de l’héritage culturel roumain. Chacun d’entre nous se rend compte que tout cela n’a aucun rapport avec notre réalité, celle des Valaques de Grèce. Pour nous qui avons élevé nos enfants et élevons nos petits-enfants dans les âtres ancestraux des Valaques, la priorité va à l’agonie du bûcheron, de l’éleveur de bétail, du fromager, de la tisseuse qui donnent la vie à nos lieux et aux traditions locales. Les vues nationales et politiques de Fara armãneascã et les spéculations économiques de ceux qui se disent intéressés par les Aroumains grecs et étroitement liés à eux n’ont pas à intervenir dans le débat portant sur la manière d’illustrer notre riche héritage. Pour ce qui est des Rencontres annuelles organisées par l’Union panhellénique, il est grand temps de trouver également d’autres modalités de manifestation. Pour plusieurs raisons. Premièrement, pour que son caractère culturel soit garanti. Deuxièmement, parce que le traitement superficiel du problème culturel valaque n’est pas admissible à notre époque moderne, puisqu’il alimente l’exploitation politique de la question par certains Valaques ou à des fins électorales au niveau local. Notre héritage culturel valaque est étroitement lié à plusieurs époques différentes. Sa connaissance ne saurait se limiter aux spectacles folkloriques et musicaux. Dans cette perspective, il va de soi qu’il n’y a pas de place pour des aventures et on ne peut pas accepter les logiques et les stratégies personnelles.